Santé mentale : quelles solutions pour améliorer sa prise en charge ?

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Par Yann Cabaret

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© Institut Montaigne

La grande misère de la psychiatrie n’est pas une fatalité. L’analyse des expérimentations et études menées hors de France permet à l’Institut Montaigne d’identifier plusieurs pistes de réforme de la prise en charge de troubles psychiatriques. L’une d’elle en particulier semble particulièrement prometteuse : l’intégration de la santé mentale dans les soins de premier recours.

Parce qu’elle génère incertitude, stress, peur, isolement et deuils, la pandémie de Covid-19 a et aura des conséquences fortes sur la santé mentale des Français. La dépression et les troubles anxieux, augmentent déjà et rapidement, avec entre fin septembre et début novembre 2020, un doublement des troubles dépressifs.

Cette perspective est préoccupante. Alors que 12 millions de Français (une personne sur 5) sont concernés par une maladie psychique, seules 40 à 60 % sont aujourd’hui pris en charge rappelle l’étude « Santé mentale : faire face à la crise » publiée en décembre par l’Institut Montaigne. « On peut parler d’échec collectif puisque, dans le même temps, la psychiatrie constitue le premier poste de dépenses de l’Assurance maladie, avant le cancer ou les maladies cardiovasculaires… et que le nombre de psychiatres par habitant est l’un des plus élevés de l’OCDE », rappelle Angèle Malâtre-Lansac directrice déléguée à la Santé à l’institut Montaigne et auteure de l’étude.

La question de l’entrée dans le parcours de soins

Au-delà de la répartition des ressources, les raisons de cette défaillance dans la prise en charge sont à chercher du côté de l’entrée dans le parcours de soins.

Actuellement, les patients en souffrance psychique se tournent généralement vers des pédiatres et généralistes. Ces derniers traitent 60 % des premières consultations pour trouble psychiatrique, rappelle l’étude de l’Institut Montaigne. La plupart du temps, la prise en charge se traduit par une prescription de psychotropes (anxiolytiques ou antidépresseurs) et beaucoup plus rarement, en France*, par une orientation vers le psychiatre. « Avec une moyenne de 22 consultations par jour et un temps moyen de consultation de 17 minutes, les généralistes ne sont pas en mesure d’assurer une prise en charge de qualité de ces pathologies qui demandent du temps. Surtout, ils n’y ont pas été formés, » déplore Angèle Malâtre-Lansac.

Ailleurs, un autre rôle pour les généralistes

Cette situation est dommageable. « L’amélioration de l’entrée dans le parcours de soins est déterminante pour prévenir l’aggravation des troubles, assurer un repérage précoce et des soins de qualité et lutter contre la stigmatisation de ces maladies, » explique en effet Angèle Malâtre-Lansac.

Dans cette perspective, l’intégration de la santé mentale dans les soins primaires est clairement l’option privilégiée par l’étude. L’OMS** et l’OCDE l’encouragent d’ailleurs et elle fait déjà l’objet d’expérimentations dans de nombreux pays (comme la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou l’Australie). Formation des généralistes, meilleurs accès aux psychothérapies, rémunération à la qualité intégrant des indicateurs de santé mentale, création de nouveaux métiers… les moyens utilisés pour atteindre cet objectif sont variés. « C’est surtout l’approche plus collaborative des soins qui paraît la plus prometteuse aujourd’hui, » souligne Angèle Malâtre-Lansac. Dans celle-ci, la prise en charge des troubles fréquents est assurée par une équipe de soins intégrée : le généraliste est généralement accompagné d’un care manager (le plus souvent un infirmier) et bénéficie de l’expertise d’un psychiatre qui intervient à distance.

Demain en France ?

A la lecture de l’étude, il apparaît que certaines de ces solutions comme la formation des généralistes, l’utilisation de questionnaires d’aide au repérage des troubles fréquents, l’expérimentation des soins collaboratifs ou le développement d’outils d’e-santé pourraient parfaitement être adaptées en France. « Le contexte y est aujourd’hui favorable, veut croire Angèle Malâtre-Lansac, avec la réforme à venir de la psychiatrie, le choix de pratiques plus collectives dans des maisons de santé pluri-professionnelles, la création de nouveaux métiers comme les infirmiers en pratique avancée et les assistants médicaux ou la numérisation du système de santé… » Autant d’avancées qui permettent d’espérer l’avènement rapide d’une prise en charge plus globale et intégrée des patients.

*En France cet adressage est le plus faible d’Europe selon l’étude ESEMeD menée dans six pays européens dans Kovess Masfety et al. (2007). Differences in Lifetime Use of Services for Mental Health Problems in Six European Countries. Psychiatric Services

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