Schizophrénie : ils forment les familles pour aider leur proche malade

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Par Pauline Hervé

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Le réseau Profamille propose aux parents de personnes avec troubles schizophrènes un programme de formation, pour prendre soin d’eux, et ainsi aider leur proche à aller mieux. Et ça marche.

« Un soir, alors que nous rentrions d’une des rencontres, notre fils nous a demandés : « Mais qu’est-ce qu’ils vous racontent, à Profamille, pour que vous ne fassiez plus les choses comme avant avec moi ? » Cette anecdote, c’est Éric, le père d’Antoine, jeune homme de 24 ans atteint de schizophrénie, qui la raconte, visiblement ému. Nous sommes un mardi soir de juin, dans un petit amphithéâtre de l’hôpital Sainte-Anne, à Paris. 120 personnes l’écoutent avec attention. Éric, la quarantaine, est là ce soir pour témoigner de ce que lui a apporté sa première année de participation à Profamille.

Répercussions sur la famille

Ce programme a été créé à la fin des années 80 au Québec, puis adopté en Suisse, en Belgique, et en France au début des années 2000. Il est né d’un constat. « Quand les familles sont confrontées à la schizophrénie de leurs proches, c’est un véritable tsunami pour elles. Elles ne savent pas comment faire, et constatent que leurs efforts pour aider leur proche ne fonctionnent pas », explique Dominique Willard, coordinatrice du réseau en France.

La moitié des familles aidantes ne sont pas en bonne santé. La schizophrénie a des répercussions sur les proches, aussi bien psychologiquement que physiquement. Or, c’est majoritairement au sein de ces familles que vivent les personnes avec schizophrénie. « Les psychiatres l’ont aujourd’hui bien compris : pour aller bien, les malades ont également besoin que leur entourage soit en forme. On doit travailler ensemble, soignants et familles », souligne Dominique Willard.

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La psychoéducation familiale

C’est le but de ce que l’on appelle la psychoéducation familiale, principe sur lequel est basé Profamille : donner un savoir-faire face à la maladie et un savoir-être face au proche malade. Ce programme de formation, prévu sur deux ans, se décline sur trois axes.

Le premier est d’apporter une connaissance de la maladie. La schizophrénie souffre d’une très mauvaise image et fait peur. « Quand on parle schizophrénie dans les médias, c’est pour évoquer des personnes qui ont commis des meurtres, par exemple. Or vous n’avez pas plus de risque d’être frappé par la foudre que d’être agressé par une personne avec schizophrénie », explique Dominique Willard.

Savoir-être, savoir-faire et gestion des émotions

La formation propose, dans un second temps, des techniques pour acquérir un savoir-faire face à son proche qui souffre, et gérer ses propres émotions. Car après le diagnostic, s’installent la culpabilité, puis l’impuissance et très souvent l’épuisement. « La moitié des parents présentent une altération de leur santé physique ou psychologique », souligne Olivier Canceil, psychiatre engagé dans Profamille.

Le programme est organisé en 18 séances de trois heures, tous les quinze jours, réparties sur deux modules, en petits groupes d’une douzaine de personnes en moyenne. Un engagement écrit est même requis, car cela requiert de la motivation de la part des proches de malades avec schizophrénie. Il n’est pas payant, et chacun participe selon ses possibilités. Mais l’assiduité et l’exigence ne sont pas vaines, comme souligne Hervé, un papa qui en est à la première moitié du programme. « Quand on vous annonce le diagnostic de schizophrénie, vous prenez pour perpet’. Donc vous avec tout intérêt à vous muscler pour la suite ».

Via des jeux de rôles, des exercices en situation réelle, des exercices à faire à la maison, le programme demande aux proches de travailler sur leur ressenti, mais aussi leurs réactions face à leur proche. « J’ai appris à utiliser les bonnes paroles comme on apprend les bons gestes lors d’un cours de secourisme », évoque Annie, qui prend part à la formation depuis un an. Et surtout, je ne me sens plus coupable de sa maladie. »

Taux de rechute diminué par quatre

Explications, dialogues, jeux de rôles, échanges… permettent de se former et de changer en douceur. « Souvent, on croit aider en continuant à agir comme des parents, mais on ne fait pas ce qu’il faut face à la schizophrénie », explique Dominique Willard. C’est comme un nouveau mode de communication et de réaction à s’approprier. »

Et ça marche, à la fois pour les participants, mais aussi pour leurs proches. Une étude menée sur 2 400 participants a mis en évidence une diminution d’un quart du niveau d’humeur dépressive. Parallèlement, d’autres études montrent une diminution de moitié des tentatives de suicides chez les proches des participants. « Le taux de rechute est également diminué par quatre pour le patient », précise Dominique Willard. C’est aussi efficace que les traitements médicamenteux – en complément de celui-ci.

Et à côté des chiffres, les témoignages des anciens participants achèvent de convaincre : « Mon fils est ravi que j’ai pu faire Profamille, raconte Annie. Il est sorti de service psychiatrique il y a huit mois et a fait une petite rechute, mais nous avons enfin pu en parler. On ressent moins d’anxiété, moins de culpabilité, moins de stress, et cela retentit sur lui ». Le programme Profamille est d’ailleurs recommandé par un rapport du ministère de la Santé en 2016. À ce jour, il compte 50 équipes dans toute la France et plus de 70 dans les pays francophones.

Pour en savoir plus :

Profamille sur internet : site officiel du réseau. Informations sur le programme, les groupes, les dates.

Promesses : association fondée par des anciens participants de Profamille. Son but : Soutenir et développer le programme de psychoéducation Profamille pour les familles touchées par la schizophrénie d’un proche. Informer, former sur les causes et conséquences de la maladie, aider les malades dans une démarche de rétablissement.

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