Schizophrénie : une maladie à plusieurs facettes

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Par Isabelle Coston (ANPM-France Mutualité)

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Bien connue des psychiatres, beaucoup moins du grand public, la schizophrénie est une vraie pathologie, dont les principaux symptômes n’ont absolument rien à voir avec un quelconque dédoublement de personnalité. Victimes de préjugés, les personnes qui en souffrent sont souvent stigmatisées.

Le terme de schizophrène, ou « schizo », est couramment employé pour désigner des personnes qui ont un double discours ou qui affichent plusieurs personnalités, mais ce trouble mental n’a rien à voir avec un dédoublement de personnalité. Ce n’est pas non plus une maladie rare. Un peu moins d’une personne sur cent serait concernée, tous milieux sociaux confondus, soit 500 000 Français (60 % d’hommes et 40 % de femmes).

Malheureusement, cette psychose chronique est souvent diagnostiquée avec un certain retard. Et ceux qui ne bénéficient pas d’un traitement adapté sont en grande détresse psychique. Au lieu d’être aidés, ils sont malheureusement mis à l’écart.

Des idées fausses nuisibles aux patients

Car, comme dans beaucoup d’autres domaines, la méconnaissance – voire les idées fausses – entraînent peur et rejet. Contrairement aux idées reçues, un patient schizophrène n’est pas plus violent que la moyenne. C’est plutôt contre lui-même qu’il retourne son agressivité. Les automutilations, notamment, sont assez courantes, ainsi que les tentatives de suicide. Plus vulnérable, il est aussi plus souvent victime d’agressions.

Quant au dédoublement de personnalité, qui est l’un des clichés le plus attaché à cette maladie, c’est un mythe. De Dr Jekyll et Mr Hyde à Split, en passant par Psychose, la littérature et le cinéma ont largement contribué à diffuser l’idée que les schizophrènes étaient des êtres habités par différentes personnalités, dangereux et animés de pulsions violentes. Or la réalité est bien loin des clichés

« Le dédoublement de la personnalité est une invention du cinéma américain : cela n’existe pas, insiste Guillaume Fond, psychiatre. Il n’y a aucune explication physiologique à ce type de phénomène. On mélange la schizophrénie avec la psychopathie, qui n’est plus une maladie psychiatrique mais qui caractérise certains comportements antisociaux. »

Différents symptômes

La schizophrénie, elle, est répertoriée dans la classification internationale des maladies (CIM). « Elle est définie comme une psychose chronique qui se manifeste par une perte de contact avec la réalité », explique-t-il. Ses symptômes sont regroupés en trois grandes catégories : les symptômes dits « positifs » (cet adjectif employé d’habitude pour valoriser souligne ici quelque chose « en plus »), les « négatifs » (quelque chose « en moins ») et la désorganisation de la pensée. 

Les symptômes « positifs » sont les délires et les hallucinations. Ces dernières peuvent être visuelles, auditives, olfactives, gustatives ou tactiles. Les plus courantes sont les hallucinations auditives : le sujet entend « des voix dans sa tête ». Celles-ci sont rarement amicales, le plus souvent elles sont menaçantes, voire insultantes. Les délires entrent également dans la catégorie des symptômes dits « positifs ». Ce sont des idées qui ne sont pas adaptées à la réalité, des pensées qui envahissent l’esprit du patient, provoquant de l’angoisse. Celui-ci peut s’imaginer, par exemple, qu’il est victime d’un complot ou, au contraire, qu’il va sauver le monde.

À l’opposé, les symptômes dits « négatifs » regroupent « des choses en moins » : moins d’interactions sociales, moins de motivation pour passer à l’action, moindre capacité à ressentir et à exprimer des émotions… 

L’impossibilité d’organiser ses idées, les pensées incohérentes appartiennent à la troisième catégorie. Cette déstructuration de sa pensée est très préjudiciable au patient. En l’empêchant de planifier ses actions, elle dresse constamment des obstacles dans sa vie quotidienne, et l’on peut imaginer aisément les problèmes que cela induit pour s’insérer dans le monde du travail.

Schizophrénie et troubles bipolaires : ne pas confondre

La confusion entre schizophrénie et troubles bipolaires est fréquente car ces deux maladies psychiatriques bien distinctes ont parfois des symptômes en commun. La personne bipolaire souffre de troubles de l’humeur qui surviennent plutôt après 25 ans, alors que la schizophrénie se manifeste généralement avant. Le trouble bipolaire ne présente pas de symptômes psychotiques en dehors des épisodes de dépression ou d’exaltation, contrairement à la schizophrénie, qui présente des symptômes psychotiques en dehors de tout épisode dépressif ou d’augmentation de l’humeur.

Trouver le bon traitement et limiter les facteurs de risque

« La plupart des schizophrénies ont pour point commun une perturbation de la dopamine, mais pas que », estime Guillaume Fond. « Plusieurs mécanismes entrent en jeu : génétiques, environnementaux… Il n’y a pas une schizophrénie mais des schizophrénies, aussi bien en termes de causes que de symptômes. »

Mais la schizophrénie étant particulièrement difficile à vivre. « Il y a une dépression caractérisée chez plus d’un tiers des patients, constate le psychiatre. Pour améliorer le pronostic, il est donc essentiel de la traiter en associant aux antipsychotiques d’autres psychotropes, comme des antidépresseurs ou des compléments alimentaires tels que la vitamine D ou la N-acétylcystéine. »

Le tabac et le cannabis facteurs de risque

L’hygiène de vie joue également un rôle crucial dans l’évolution de la schizophrénie. « Les patients qui s’en sortent le mieux sont ceux qui décident de prendre leur vie en main », témoigne le médecin. En prévention, celui-ci recommande aux adolescents et aux adultes de prendre des oméga-3 et de la vitamine D sous forme de compléments alimentaires.

Il conseille aussi d’adopter un régime alimentaire de type méditerranéen, en privilégiant la consommation de fruits, de légumes, de céréales complètes, de poisson et d’huiles d’olive ou de colza au détriment du sucre, des produits transformés et de la viande. L’activité physique est également primordiale dans la prévention. 

Par ailleurs, « dans un cerveau en maturation, le tabac et le cannabis ont un impact potentiellement plus fort », prévient le spécialiste. Il ajoute : « Le cannabis multiplie par deux le risque de voir survenir une schizophrénie et le tabac est également un facteur de risque. Nous ne savons pas encore s’ils ne sont que des révélateurs ou, étant donné leur impact sur un cerveau en pleine maturation, s’ils ne jouent pas un rôle plus grand dans l’apparition de la maladie. »

Des causes multiples

Si la consommation de drogue peut provoquer une schizophrénie, rien ne prouve pour l’instant qu’elle en soit à l’origine. Les chercheurs s’accordent pour dire qu’il n’y a pas de cause unique. « Dans l’état actuel des recherches, souligne l’Inserm, la schizophrénie paraît résulter de la combinaison d’une vulnérabilité génétique et de facteurs liés à l’environnement de la personne : infections prénatales ou postnatales, condition de l’accouchement, événements stressants… »

« La toxoplasmose est également un facteur de risque, complète Guillaume Fond. On ne sait pas si elle est la cause de la maladie, car en se logeant dans le cerveau, le parasite de la toxoplasmose peut créer des dommages silencieux au niveau des neurones qui pourront se révéler plus tard. » Le cerveau se caractérise en effet par sa plasticité. Il se structure et se restructure au fil du temps, selon les événements vécus. Ainsi, « le stress lié à certaines situations, les atteintes infectieuses ou l’exposition à des substances, altéreraient la qualité de cette plasticité et pourrait favoriser certaines pathologies comme la schizophrénie », note l’Inserm.

Repérer les premiers signes

Ce n’est donc pas un hasard si la plupart des schizophrénies se révèlent pendant l’adolescence, période clé dans la maturation cérébrale. Si les premiers symptômes peuvent passer pour les manifestations d’une « crise d’ado » difficile, il faut néanmoins commencer à s’inquiéter et ne pas hésiter à consulter si le jeune tient des discours délirants, car plus la prise en charge est précoce, plus les chances de rémission seront grandes. 

« Il y a aussi des signes non spécifiques, comme le sentiment de persécution, appelé communément paranoïa », précise le psychiatre. « Lorsque ces symptômes positifs sont à bas bruit et que la personne n’extériorise pas directement ce qu’elle vit et ressent, l’entourage peut être alerté par certains signes, comme par exemple : souffrance qui semble inexprimable, inversement du rythme veille-sommeil, nervosité et anxiété extrêmes, rires ou sourires immotivés, méfiance et irritabilité anormales vis-à-vis de l’entourage ou l’extérieur, crainte des écrans (ordinateur, télévision, portables…), rigidité dans les gestes et le regard », indique le Collectif Schizophrénies.

Par Isabelle Coston (ANPM-France Mutualité)

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