Dr E. Malbos – On projette sur un écran ou dans un visiocasque des images de synthèse interactives de situations, de lieux ou d’espaces sources de phobie. Ces images en trois dimensions sont diffusées en temps réel. Ce qui permet à la personne phobique de réagir, de progresser, de s’arrêter, de revenir en arrière si besoin, autant de fois et aussi souvent qu’elle le souhaite.
Dr E. Malbos – Je suis fan de science-fiction, de dessins animés japonais et de jeux vidéo. J’ai voulu concilier ces passions avec mon métier. Une première expérience de traitement par l’exposition à la réalité virtuelle avait été publiée en 1992 aux États-Unis. Mais il n’y avait aucun programme sur le marché pour la reproduire. J’ai donc appris à créer des environnements virtuels en trois dimensions, grâce à des logiciels. J’ai commencé par reproduire, avec des images de synthèse, une caverne, un ascenseur, des couloirs étroits… pour traiter des patients souffrant de claustrophobie.
Dr E. Malbos – Absolument. L’important n’est pas que l’image soit parfaite et réaliste, ce sont surtout les informations significatives que nous fournissent nos yeux, nos oreilles et notre corps qui comptent. Celles en lien avec la peur. On leurre ainsi le cerveau. Il se met en alerte dès que ça ressemble à la réalité et aux détails anxiogènes, même grossièrement. Par conséquent, les images de synthèse provoquent les mêmes réactions émotionnelles et comportementales d’angoisse et d’évitement que dans la réalité, lorsque la personne est confrontée à sa phobie.
Dr E. Malbos – Cette thérapie apprend à penser et à interpréter différemment. Il n’y a aucune restriction, ni aucune limite à la création. Je viens par exemple de soigner une personne souffrant de squalophobie (peur des requins). On peut dire que la réalité virtuelle, permet de soigner à peu près 80 % des patients.
Dr E. Malbos – Pendant 4 à 5 séances, je lui explique ce qui va se passer et je lui enseigne des méthodes de relaxation, de gestion des émotions, d’imagerie mentale… qu’il pourra utiliser lorsqu’il sera confronté à sa peur. Ensuite, grâce à la réalité virtuelle, j’expose progressivement la personne à ce qu’elle redoute, étape par étape, graduellement. Si elle a peur de l’avion par exemple (aviophobie), elle se retrouve à l’aéroport, puis en salle d’embarquement, elle pénètre dans l’avion où elle est seule, elle s’y assied, puis au fur et à mesure on va refermer le sas, décoller… Il faut compter 10 à 12 séances, à raison d’une séance par semaine.
Dr E. Malbos – En psychiatrie, on utilise déjà la réalité virtuelle pour le sevrage tabagique, le traitement du stress post-traumatique, de l’inquiétude chronique, des troubles obsessionnels compulsifs (TOC). À l’hôpital, il permet aussi de soulager la douleur et l’anxiété lors de soins ou d’examens très douloureux. Et certains kinésithérapeutes l’utilisent déjà pour la rééducation fonctionnelle. Dans quelques mois, le grand public pourra même acheter des environnements virtuels de thérapie qui jusqu’ici n’étaient commercialisés que pour les professionnels tels que ceux de C2care, neuroVR ou In Virtuo. Ils pourront être utiles pour poursuivre les exercices chez soi après une thérapie par exposition à la réalité virtuelle. Car c’est comme le piano ou le football, plus vous pratiquez, mieux c’est.
Se libérer des troubles anxieux par la réalité virtuelle, Dr Éric Malbos, Rodolphe Oppenheimer, Pr Christophe Lançon, aux éditions Eyrolles (2017).