Sport sur ordonnance : « Changer ses habitudes pour gérer sa maladie »

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Par Carole Filiu-Mouhali

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© E. Begouen Inserm

Chef du service de médecine du sport au CHU de Clermont-Ferrand et endocrinologue, le Pr Martine Duclos a été précurseur du dispositif Sport sur ordonnance, en le mettant en place en 2010. Et elle espère le voir se généraliser. Entretien.

Pour quelles raisons la thérapie par le sport n’a-t-elle pas été prise en compte plus tôt ?

Pr Martine Duclos : La formation des médecins n’intègre pas l’activité physique. Ils craignent qu’elle constitue un risque pour leurs patients et manquent également de temps pour prescrire et adapter sur le long terme une activité physique. En 2008, l’Inserm a publié un rapport qui a donné une assise scientifique aux effets de l’activité physique sur la santé. Certaines villes ont montré l’exemple comme Strasbourg, Blagnac ou Biarritz en utilisant des équipements sportifs existants. Les pouvoirs publics ont ensuite pris conscience des bénéfices de l’activité physique et des économies qu’elle pouvait engendrer, notamment à travers la diminution de la prescription de médicaments.

 

Qu’apporte l’activité physique à des patients atteints de pathologies de longue durée (diabète, obésité, cancer) ?

Pr M.D : Un niveau insuffisant d’activité physique auquel s’ajoute une sédentarité importante est responsable de 50 à 80 % des maladies chroniques non transmissibles. La prévention de ces pathologies passe par la nutrition mais également par l’activité physique. Elle peut ainsi prévenir 25 à 30 % des cancers du sein, du côlon et de l’endomètre. Et le risque de récidive de ces cancers diminue de 40 % lorsque le patient démarre une activité physique après le diagnostic.

En ce qui concerne le diabète de type 2, l’activité physique améliore l’équilibre glycémique, diminue la masse grasse viscérale et améliore les autres facteurs de risque cardiovasculaires associés au diabète (hypertension, cholestérol). Les diabétiques de type 2 diminuent ainsi leur consommation d’insuline et de médicaments. Enfin, l’activité physique permet de maintenir la perte de poids à long terme pour les personnes obèses.

 

Quel parcours vos patients suivent-ils au sein de votre service ?

Pr M.D : Dans un premier temps, ils sont reçus en consultation, puis ils réalisent un test d’endurance et de force musculaire afin d’apprécier leur condition physique. Le médecin définit avec eux un programme d’une heure d’activité physique trois fois par semaine, pendant trois mois dans le service, sous la supervision d’un professionnel de l’activité physique adaptée. Le programme évolue en fonction de leur ressenti et de ce qu’ils ont réalisé en séance.

La condition physique des patients est réévaluée à la fin des trois mois et nous leur proposons un relais, un lieu où ils peuvent poursuivre leur activité. Les patients consultent l’éducateur à nouveau six mois après, puis chaque année afin de faire le point. Depuis 4 ans, 400 à 500 personnes ont bénéficié de ce programme. Et la majorité d’entre eux continuent leur activité physique et maintiennent les améliorations obtenues après les 3 mois dans notre service.

 

Comment réagissent vos patients ?

Pr M.D : Ils prennent conscience qu’ils sont capables de faire du sport et que cela améliore leur santé et leur apporte du bien-être et du plaisir. À long terme, l’activité physique leur manque. Ils ont ainsi réellement changé leurs habitudes. Un patient qui fait du sport fait également attention à son alimentation, au tabac. Globalement, le patient devient capable de gérer son activité physique, ce qui l’aide à gérer sa maladie.

 

Qu’apportera au dispositif Sport sur ordonnance son inscription dans la loi ?

Pr M.D : Cet amendement incitera les médecins à prescrire de l’activité physique à leurs patients. Au-delà de l’ordonnance, cette reconnaissance par les pouvoirs publics obligera à organiser et à labelliser les structures existantes. Il offrira enfin une réelle visibilité à cette prise en charge non médicamenteuse.

 

Pour en savoir plus

Le contenu de l’amendement « Sport sur ordonnance », présenté le 27 mars 2015 à l’Assemblée Nationale.

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