Troubles des apprentissages : une scolarité « difficile »

Publié le

Par Cédric Portal (ANPM)

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

Illustration
© GettyImages

Sommaire

Bien qu’encore méconnus, les troubles des apprentissages, tels la dyslexie ou la dysphasie, sont mieux dépistés depuis vingt ans. Les élèves peuvent bénéficier, au sein de leur école, de dispositifs d’accompagnement : un atout majeur pour un parcours scolaire moins chaotique.

« On a vécu l’enfer. Les parents qui n’ont pas de problème avec leurs enfants à l’école ne connaissent pas leur chance… » Audrey Bruyas, 42 ans, soupire. Elle s’en souvient comme si c’était hier : Hugo était en CE1. « Sa maîtresse nous a convoqués pour nous dire que notre fils était un cas désespéré. Il était incapable de lire un texte sans buter sur chaque mot, ne savait pas encore que deux et deux font quatre. » La maman secoue la tête. « On ne comprenait rien. Hugo était un gosse éveillé, il s’intéressait à plein de choses. Il ne cadrait pas avec l’image du cancre… » La réflexion d’une amie les sauve : « Elle avait entendu parler des troubles dys et nous a conseillé de consulter un orthophoniste. C’est ce que nous avons fait. Nous avons ainsi découvert qu’Hugo souffrait de dyslexie et de dyscalculie. »

Selon la Fédération Française des Dys (FFDys)*, dans chaque classe de chaque établissement, deux ou trois enfants sont dans le même cas qu’Hugo. Et bien que ces pathologies soient de mieux en mieux dépistées depuis vingt ans, elles sont encore souvent confondues avec de la paresse ou de simples difficultés scolaires. « Les enfants dys ont une intelligence normale, insiste le docteur Michel Habib, professeur de neurologie à Marseille, auteur d’un ouvrage de référence sur le sujet**. Seule une partie du système dysfonctionne. C’est pour cette raison qu’il faut cerner le plus tôt possible le problème afin de mettre en œuvre une stratégie d’apprentissage. »

* Fédération française des dys : www.Ffdys.com
** Dyslexie, le cerveau singulier, de Michel Habib. Éditions Solal (288 pages)

 

Des aménagements nécessaires

Même s’ils se manifestent très tôt, dès l’âge de 3 ans, les troubles dys ne sont souvent identifiés qu’au cours du cycle élémentaire. « Soit les parents ont déjà remarqué des difficultés chez leur enfant, soit c’est l’enseignant qui attire leur attention sur ce point, détaille Michel Habib. Un médecin doit alors établir un diagnostic en s’appuyant sur un bilan pluridisciplinaire. Selon les symptômes relevés, un orthophoniste, un psychologue, un psychomotricien ou un ophtalmologiste interviennent. »

Lorsque le diagnostic est posé, il est possible d’obtenir une prise en charge adaptée en s’adressant à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Cette institution élabore un projet personnalisé de scolarisation (PPS). « Pour Hugo, ils ont défini les aménagements scolaires nécessaires, témoigne Audrey. Il a pu utiliser l’ordinateur en classe et obtenir l’aide individuelle d’une auxiliaire de vie scolaire tous les matins. »

Pour son entrée au collège, le garçon a bénéficié d’un plan d’accompagnement individualisé (PAI) : il a plus de temps pour rédiger ses devoirs, profite d’une tolérance pour ses fautes d’orthographe, qui ne sont pas sanctionnées, etc. « Cela lui a permis d’arriver aujourd’hui en troisième, résume Audrey. Sans ce dispositif, sans ces aides, je ne sais pas ce qu’il serait devenu… Sans doute un cancre coincé au fond de la classe jusqu’à ses 16 ans. »

 

Le rôle majeur des enseignants

Les PAI, pourtant, n’ont pas toujours bonne presse auprès des enseignants. Certains pointent le travail supplémentaire qu’ils réclament et s’étonnent de la multiplication des cas : « À croire que le nombre d’élèves dys double tous les six mois, ironise une enseignante d’Antibes. On a parfois l’impression que cette médicalisation de l’échec scolaire est un leurre… et une bonne excuse ! »

Pour le porte-parole de la FFDys, ce genre de commentaire reflète « le manque de formation des professeurs, qui sont pourtant les premiers maillons de la chaîne ». Un avis partagé par le docteur Habib, qui précise : « On ne guérit pas d’un trouble de l’apprentissage, mais on peut réduire le fossé entre performance scolaire et compétences réelles. Pour cela, la coopération de l’enseignant est essentielle. »

 

Les principales « dys »

Sous le terme « troubles dys », on regroupe un certain nombre de troubles cognitifs spécifiques et les troubles des apprentissages qu’ils induisent. Le plus répandu est la dyslexie : faute de pouvoir associer correctement les lettres et les sons, l’enfant confond les lettres et peine à déchiffrer un texte. On repère aussi la dysphasie, qui affecte l’acquisition du langage et se caractérise par des paroles indistinctes, un vocabulaire pauvre et de graves erreurs de syntaxe, et la dyspraxie, qui entrave la coordination des gestes.

Les autres pathologies les plus fréquentes sont la dysgraphie (écriture et dessin), la dyscalculie (apprentissage du calcul) et la dysorthographie (apprentissage de l’orthographe). Selon la Fédération française des dys (FFDys), entre 6 et 8 % de la population française est concernée, soit plus de 4 millions de personnes, et près de 600 000 d’entre elles seraient gravement atteintes.

 

Clis et Ulis : de quoi s’agit-il ?

De 6 à 16 ans, la scolarisation « individuelle » des élèves « dys » est toujours privilégiée : il s’agit de les inclure dans des classes ordinaires, en adaptant les conditions d’accueil pour prendre en compte leurs besoins particuliers. Mais il y a certains cas pour lesquels la gravité de la pathologie ne permet pas cette solution. On évoque alors une scolarisation « collective » : les élèves en situation de handicap sont accueillis dans des classes spécifiques au sein d’établissements ordinaires.

En primaire, on parle de classes d’intégration scolaire (Clis) : dix à douze enfants de 6 à 12 ans reçoivent un enseignement adapté, tout en partageant certaines activités avec les autres écoliers. Un projet personnalisé est défini pour chaque élève, sous la responsabilité d’un ou de plusieurs enseignants spécialisés.

Dans le secondaire, de 11 à 16 ans, les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) prennent le relais. Leur effectif est limité à dix élèves et elles fonctionnent sur le même principe que les Clis.

 

Pour en savoir plus

Par Cédric Portal (ANPM)

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.
Tous les champs sont obligatoires.

Ce site utilise un système anti- spams pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

A découvrir