Troubles psychiques : le pair aidant professionnel, un nouveau maillon dans la chaîne de soins

Publié le

Par Lola Cloutour

Temps de lecture estimé 4 minute(s)

Illustration
© Getty Images

Une profession émerge dans le domaine de la santé mentale : le pair aidant. Sa spécificité est de partager une expérience avec le malade, car lui aussi a souffert de troubles psychiques. Cette similitude favorise le rétablissement des patients.

Il y a vingt ans, Camille Niard a « découvert le monde de la santé mentale » en tant que patiente. Souffrant de troubles psychiques, elle a été marquée par sa rencontre avec une infirmière lors de sa première hospitalisation : « Elle m’a parlé d’une autre patiente de mon âge qui s’en était sortie et qui avait repris ses études. » Une phrase clé qui résonne encore dans sa tête aujourd’hui : « C’est l’une des choses qui m’a le plus aidée dans mon parcours de soins. » Car en se raccrochant à l’expérience de cette inconnue, Camille Niard a pu entrevoir un chemin vers le rétablissement, qu’elle réussira finalement à parcourir.

Aujourd’hui, la trentenaire arpente encore les couloirs d’un hôpital psychiatrique mais en portant la blouse : depuis la fin de l’année 2017, elle travaille comme médiatrice de santé paire* au centre hospitalier Le Vinatier, à Lyon. Un métier qui se base sur le partage d’expérience avec les personnes accompagnées. « Je leur explique que je suis une professionnelle, mais qui connaît le monde de la psychiatrie de l’intérieur puisque j’ai été moi-même hospitalisée. » L’objectif est de permettre une identification du patient avec cette « paire », afin de « favoriser le déclic pour qu’ils aillent vers leur rétablissement ».

Libérer la parole

À la différence d’un infirmier ou d’un psychiatre, Camille Niard utilise donc son parcours de vie pour encourager les patients à « prendre soin d’eux, à se questionner, à accepter les soins nécessaires ». Ce savoir expérientiel (c’est-à-dire acquis grâce à sa propre expérience) est la base de la pair aidance. Il encourage la libération de la parole chez les patients : « Ils sentent que je peux les comprendre et vont donc davantage se livrer. »

La médiatrice entend ainsi beaucoup de questions que les usagers n’osent pas poser à leur psychiatre, à propos des risques de rechute ou des effets secondaires des médicaments. « Je n’ai pas de pouvoir médical, rappelle-t-elle. Mais je peux les encourager à s’adresser directement à leur médecin. Ils ont besoin de savoir qu’ils ne sont pas seuls. » En contrant l’isolement du malade, les pairs aidants professionnels favorisent son intégration dans la chaîne du soin et limitent les risques de rechute.

Des figures d’espoir

L’identification au pair aidant sert également de projection aux personnes hospitalisées. « C’est une fierté pour elles de se dire qu’une personne concernée par des troubles psychiques peut intégrer une équipe de soins », souligne Camille Niard. Ces professionnels de la pair aidance représentent de véritables figures d’espoir pour les patients. « Ils sortent ainsi de l’automatisme de pensée qui fait dire que l’avenir ressemblera forcément au passé », explique Olivia Gross, responsable pédagogique du parcours « Médiateurs de santé pairs » de la licence Sciences sanitaires et sociales, à l’université Sorbonne-Paris-Nord.

Le regard des patients sur eux-mêmes change… Et celui des équipes soignantes aussi. « Elles pouvaient être gagnées par un certain pessimisme, lié à l’idée qu’on ne peut pas se sortir d’une pathologie mentale », détaille Nicolas Franck, psychiatre au centre hospitalier Le Vinatier. Le travail aux côtés d’un pair aidant professionnel, qui a réussi à se rétablir, va briser ce préjugé et « restaurer l’espoir » également du côté des soignants.

Une professionnalisation indispensable

Pour que ce cercle vertueux s’enclenche, il est toutefois impératif que la cohésion fonctionne entre les pairs aidants et leurs collègues. Si le soutien entre pairs existe depuis longtemps dans le champ de la santé mentale, l’exercice de ce métier nécessite une professionnalisation.

En France, deux filières diplômantes existent (voir ci-dessous). Dans ces formations, les pairs aidants apprennent notamment à « s’inscrire au sein des équipes », souligne Nicolas Franck, responsable pédagogique de l’une d’entre elles. Le psychiatre insiste sur la complémentarité apportée par ce nouveau métier et plaide pour une généralisation des postes de pair aidant professionnel : « On ne peut pas se passer d’eux. »

*Cette appellation de « Médiateur/médiatrice de santé pair/e » est réservée aux pairs aidants ayant validé la licence éponyme à l’université Sorbonne-Paris-Nord.

Pour en savoir plus :

Dans le secteur de la pair aidance, deux filières diplômantes existent en France :

Livre : Pair-aidance en santé mentale, codirigé par Nicolas Franck et Caroline Cellard, éditions Elsevier Masson, 2020.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.
Tous les champs sont obligatoires.

Ce site utilise un système anti- spams pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

A découvrir