Le bonheur au travail : une nouvelle quête

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Par Amélie Pelletier

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Être heureux au travail, s’y épanouir. Hier encore, des mots bien contradictoires, mais aujourd’hui, une véritable aspiration des salariés. Comment les entreprises relèvent-elles le défi ?

Dans un pays comme la France, qui associe encore souvent le travail à la contrainte, difficile de concevoir que l’on peut être heureux au travail. Stress, surmenage, dépression… La souffrance au travail est toujours d’actualité, à l’heure où la reconnaissance du burn-out en maladie professionnelle est en débat. Pourtant, depuis quelques années, le bonheur au travail est un objectif assumé, notamment par les jeunes générations qui poussent les entreprises, petites et grandes, publiques ou privées, à repenser leur organisation.

« Plus qu’un effet de mode, c’est une véritable tendance de fond », assure Fabienne Broucaret, fondatrice de My Happy Job, un magazine sur internet consacré au bien-être au travail. Et Gaël Chatelain, consultant en management, conférencier et auteur spécialiste du bien-être en entreprise, d’ajouter : « Depuis la vague de suicides intervenue il y a quelques années dans une grande société et la médiatisation croissante des risques psychosociaux, les entreprises se montrent plus attentives au bien-être au travail. »

 

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Son rôle dans l’entreprise : contribuer au bonheur des collaborateurs.

Un salarié heureux est plus productif

Il est aujourd’hui établi qu’un collaborateur bien dans sa tête est plus efficace. « 10 à 25 % de l’efficacité d’un salarié est imputable à son bien-être psychologique : l’entreprise a donc tout intérêt à s’en préoccuper », poursuit Gaël Chatelain. Car les enjeux sont nombreux. En termes de productivité, déjà. Les salariés heureux s’engagent davantage, sont plus créatifs et font preuve de moins d’absentéisme. En matière de santé, ensuite. Moins d’arrêts maladie, moins de stress, moins d’épuisement professionnel. Enfin, image oblige, pour recruter les meilleurs, les entreprises ont intérêt à leur donner envie de venir.

Attention, toutefois, à ne pas se contenter de mesures cosmétiques. « Apporter des chouquettes ou mettre un babyfoot à disposition ne suffisent pas. Il faut une approche globale qui tienne compte du rythme de vie, du management, du cadre de travail… », met en garde Fabienne Broucaret.

 

Équilibre entre vie pro et vie perso : la clé du bonheur

Pour 93 % des Français, le bonheur au travail passe avant tout par un bon équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle*. Mais seuls 37 % considèrent que leur employeur se préoccupe de cette question. Pourtant, les choses évoluent. L’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 sur la qualité de vie au travail insiste notamment, dans son article 11, sur l’importance de « favoriser une meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle par une articulation adaptée des temps ».

Plus récemment, la loi Travail, votée en 2016, a introduit le droit à la déconnexion pour les entreprises de plus de 50 salariés. « Certaines sociétés ont anticipé. Je pense notamment à ce constructeur automobile qui coupe ses serveurs e-mails entre 18 h 15 et 7 heures du matin. Ou encore aux salariés de ce fabricant de pneumatiques qui reçoivent une alerte quand ils se connectent plus de cinq fois par mois en dehors des heures de travail », ajoute Gaël Chatelain. De même, certaines structures interdisent de programmer des réunions avant 9 h 30 et après 18 heures.

Autre solution pour faciliter la vie des salariés : mettre à leur disposition un ensemble de services pratiques sur leur lieu de travail : crèche d’entreprise, soutien scolaire, conciergerie** (pressing, cordonnerie, retouche, billetterie…). Plus besoin de courir entre midi et deux ou après le travail pour réaliser toutes ces tâches du quotidien.

* Selon le baromètre 2016 de la Conciliation entre vie professionnelle, vie personnelle et vie familiale réalisé pour l’Observatoire de l’Équilibre des Temps et de la Parentalité en Entreprise.

 

L’entreprise, un lieu de prévention

Au-delà de ses obligations en matière de santé et de sécurité, avec la généralisation de la complémentaire santé pour tous les salariés du secteur privé depuis le 1er janvier 2016, l’entreprise devient un véritable acteur de santé. L’une des pistes de prévention privilégiées est l’activité physique. Si l’idéal est d’avoir un espace dédié, il existe des solutions moins onéreuses : s’inscrire en équipe à des courses de solidarité, faire venir un professeur de yoga, organiser des séances d’échauffement musculaire pour lutter contre les troubles musculo-squelettiques…

 

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La santé prend une place de plus en plus grande, pour les entreprises comme pour les travailleurs indépendants.

Et parce que la santé passe aussi par l’assiette, certaines entreprises remplacent par exemple les distributeurs de barres chocolatées par des corbeilles de fruits frais, proposent des menus plus équilibrés à la cantine ou un accompagnement diététique. D’autres encore encouragent les fumeurs à s’arrêter en prenant en charge les produits de substitution ou en organisant des sessions de sensibilisation.

 

Un management plus à l’écoute

Et le rôle du manager dans tout cela ? Là aussi, les choses évoluent. Avec les nouvelles formes d’organisation du travail et la mise en place de politiques RSE (responsabilité sociale et environnementale des entreprises), le management basé sur la confiance et la bienveillance tend à se développer. Le télétravail et les horaires flexibles gagnent du terrain. Moins de perte de temps dans les transports, mais surtout un gage de confiance auquel les collaborateurs sont sensibles.

Car les salariés heureux sont ceux qui se sentent reconnus, responsabilisés et écoutés par leur direction. « Pour valoriser leurs collaborateurs, certains managers organisent des sessions où chacun partage ses compétences avec ses collègues, même (et surtout) si elles sortent du cadre de son travail. L’objectif est de recréer du lien entre les salariés pour remettre de l’humain dans l’entreprise », analyse Fabienne Broucaret.

 

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Certains employeurs n’hésitent pas à s’investir en faveur du bien-être de leurs salariés au-delà des obligations légales. Exemples.

S’il ne suffit pas à rendre les gens heureux, l’agencement des espaces de travail contribue également à leur bien-être. Un cadre agréable entretient la motivation et le plaisir de venir travailler chaque matin. Sièges ergonomiques, bureaux dont la hauteur est réglable pour éviter le mal de dos, espaces de détente… Chaque entreprise agit, selon ses moyens bien sûr. L’idée est de créer une ambiance épanouissante qui incite à l’engagement.

Autant de solutions à la portée des entreprises qui souhaitent travailler avec des collaborateurs épanouis… pour le bonheur de tous !

 

 

TEMOIGNAGE

« L’avenir est au “slow management” »

Éric Jemin n’est pas un patron comme les autres. À la tête de DAO-BE*, société de prestations de services, il applique le « slow management ». Cette approche managériale place le collaborateur au cœur de l’entreprise. Et visiblement, cela plaît. Depuis 2003, la structure dont le siège social est situé à Avrillé dans le Maine-et-Loire n’a cessé de se développer. Elle compte désormais cinq sites en France (Avrillé, Rouen, Châteaubourg, La Roche-sur-Yon et Le Mans) et deux à l’étranger (New York et Montréal). Elle est passée de huit salariés en 2003 à 80 aujourd’hui, avec très peu de turn-over.

Pour le patron de DAO-BE, c’est sûr, l’avenir est au « slow management ». « Mon but en tant que chef d’entreprise est de créer de l’emploi, d’accompagner mes collaborateurs dans leur projet professionnel et personnel et de développer les différents sites. L’aspect économique est un moyen, avant d’être un objectif. Tout est basé sur la confiance et le respect. L’idée est d’avancer et de progresser ensemble. »

 

* DAO-BE a reçu, en 2016, le Prix du public (catégorie management) de la 2e édition du Trophée des 1 001 vies en région Pays de Loire, créé par Harmonie Mutuelle, qui récompense les bonnes pratiques en entreprise.

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