Burn out : des salariés témoignent

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Par Charlotte de l'Escale

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Ces salariés ont travaillé jusqu’à s’en rendre malades. Très malades. Chacun raconte ici son expérience du burn out ou épuisement professionnel et comment il s’en est sorti.

Cela fait 15 ans que Vanessa Mangon s’est effondrée. Si elle s’est relevée, elle garde des séquelles et souhaite alerter sur les dangers de l’épuisement professionnel. « Mon burn out date de 2005. J’avais 33 ans et j’étais directeur financier d’un petit groupe. J’ai débuté à ce poste sans avoir d’enfants, puis j’en ai eu. La charge mentale était alors trop importante. Je n’ai pas vu l’installation croissante de la fatigue comme menaçante. Donc, à un moment donné, j’ai plongé complètement. C’était un écroulement massif et total. Je suis restée deux ans en incapacité totale de travail. Puis, je me sentais toujours très faible, mais j’ai voulu recommencer à travailler à temps partiel. Je pensais reprendre ensuite un temps plein. Mais non.

« Il me reste une forme de fatigue chronique »

Mon travail actuel n’a absolument rien à voir avec le précédent. Il est très calme, sans encadrement de personnel, et je le fais de chez moi. Je ne peux pas dire que je me sois vraiment remise de cet épisode de burn out. Il me reste une forme de fatigue chronique, des difficultés à rester longtemps concentrée, un sommeil pas très réparateur. C’est pourquoi j’ai écrit un livre, Quand travail ne rime plus avec santé. Comment éviter le burn-out ?*. Je voulais faire de la prévention. Parce que je n’ai jamais imaginé que ressentir une telle fatigue pouvait être dangereux. Depuis mon burn out, j’ai découvert l’importance de se détendre, d’avoir des phases de repos. Il faut arriver à se connaître de mieux en mieux. Parce que quand on arrive au burn out, c’est qu’il y a une partie de soi ou de ses besoins que l’on a négligés. »

*Editions La Boîte de Pandore, novembre 2020.

« Mon corps refusait en totalité les ordres que mon cerveau lui adressait »

Auteure de Du déni… au burn out**, Patricia Carré explique comment son éducation l’a poussée à aller au-delà de ses limites. « Le burn out, en ce qui me concerne, a été l’abandon des forces physiques après une période de gros efforts, sans pour autant être démoralisée. Un interrupteur que l’on aurait actionné et qui m’a coupée de toute énergie.

Ce fut l’arrêt de toutes les fonctions motrices de mon corps. J’étais incapable de soulever ma cuillère au petit déjeuner, j’avais un besoin irrépressible de dormir, des vertiges et des nausées permanents, une incapacité à rester en position statique debout. Mon corps refusait en totalité les ordres que mon cerveau lui adressait. Ma vision était si floue qu’elle impliquait de nombreuses migraines. Il s’agissait d’un épuisement physique et mental lié à un excès de travail, d’investissement personnel, de stress.

« Je ne savais pas être à mon écoute »

Les diktats de l’éducation ont la vie dure. Être parfaite : ne pas faire parler de soi négativement, être obéissante, polie, travailleuse, courageuse, etc. Lorsque l’on est bienveillant avec soi-même, à l’écoute de ses ressentis, des manifestations de son corps, quand on se respecte, on met toutes les chances de son côté pour affronter les multiples aléas de la vie. Mais moi ? Je ne savais pas être à mon écoute, on ne m’avait jamais appris... Au contraire, j’étais bercée par : “il ne faut jamais remettre à demain ce que l’on peut faire le jour même”, “le travail, c’est la santé”... Rappelons-nous : nous sommes dans une société où l’on doit se surpasser quotidiennement. »

**Éditions Trois Colonnes, 2019.

« J’ai démissionné après dix ans de service »

Patrice, 61 ans, raconte, lui aussi, son burn out. « Je travaillais auprès d’adolescents “sous main de justice” (NDLR : jeunes placés sous l'autorité de la justice ». Ce matin-là, dès mon arrivée, le chef de service m’a tendu un piège en m’imposant deux jeunes qui ne s’entendaient pas. La matinée a été très compliquée, puis il m’a convoqué pour me sermonner sur ma prise en charge. Lorsque je suis sorti, des collègues m’ont trouvé décomposé, je titubais et j’étais très pâle. Heureusement, j’ai pu avoir un rendez-vous l’après-midi même chez mon médecin traitant. Il m’a arrêté pour un mois.

Je n’ai pas voulu prendre de médicaments, car je pense qu’on ne peut se remettre d’un burn out que par la parole. Je suis donc allé voir une psychiatre. Mon état s’est amélioré, d’autant que ma compagne m’a bien aidé. Quelques mois plus tard, j’ai démissionné après dix ans de service, et je suis allé travailler auprès de détenus. Malgré quelques coups durs, je n’ai pas eu de réminiscence et j’ai pu rebondir. Aujourd’hui, j’attends la retraite, en avril 2021. »

« Le burn out, c’est une extinction du cerveau »

Catherine, 57 ans, a été arrêtée pour épuisement professionnel en novembre 2019, après deux ans de déni, malgré des erreurs de plus en plus fréquentes dans son travail, des oublis, un signalement par le médecin du travail… « Le burn out, c’est plus qu’une immense fatigue, c’est une extinction du cerveau, une sidération, un bug généralisé, un effacement de la mémoire vive, une incapacité à prendre toute décision, raconte-t-elle. Je me suis fait aider par une sophrologue pour tenter de rester à la surface, j’ai suivi des cours de yoga...

Puis il y a eu le confinement, le décès de ma mère, une dépression (je sais désormais la différence entre le burn out et la dépression). J’ai repris en mi-temps thérapeutique depuis mi-octobre, soit 11 mois plus tard, avec encore des séquelles de concentration et une grande fragilité au stress. J’envisage une reconversion pour trouver plus de sérénité dans mon avenir professionnel. Je précise que j’avais énormément de responsabilités professionnelles, syndicales, associatives, familiales qui se sont empilées au fil du temps. »

Par Charlotte de l'Escale

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