Comment travailler avec une maladie chronique ?

Publié le

Par Agnès Morel

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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Les maladies chroniques touchent de plus en plus de personnes, et donc de salariés. En plus des difficultés personnelles entraînées par leur pathologie, les malades craignent de devoir faire un trait sur leur vie professionnelle. Peut-on continuer à travailler avec une maladie chronique ? Comment se faire accompagner pour garder un pied dans la vie professionnelle ?

Malgré la fatigue, les douleurs, les absences répétées… maladie chronique et travail ne sont pas forcément incompatibles. D’ailleurs, la majorité des patients continue à travailler. Selon une étude de l’Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT), dans les cinq ans suivant le diagnostic d’une maladie chronique, seule une personne sur cinq s’arrête définitivement de travailler. « Par exemple, la plupart des personnes atteintes de mucoviscidose travaillent. Tout dépend de la gravité de la pathologie, de son évolution, de la fatigue du salarié… » explique Romain Montariol, chargé de mission vie professionnelle pour l’association Vaincre la mucoviscidose. « C’est à chaque fois un cas particulier. » Mais si les symptômes d’une pathologie chronique ou les effets d’un traitement peuvent rester invisibles pour les collègues de travail, comme dans le cas du diabète ou de l’endométriose, l’évolution de la maladie peut, un jour, nécessiter d’envisager une adaptation du poste de travail, ou du travail en lui-même. « Il faut y penser dès que le rythme à tenir devient trop fatigant », conseille Romain Montariol. Comment faire alors pour travailler malgré sa maladie chronique ?

Contacter le médecin du travail

Que cela soit lors d’un entretien d’embauche ou ultérieurement, le salarié n’est pas obligé de faire part de ses problèmes de santé à son employeur. En revanche, il faudra préférer en parler au médecin du travail, car c’est lui qui pourra préconiser un aménagement de poste pour tenir compte des soins ou des effets secondaires : fatigue, douleurs, troubles… Comment faire ? Il suffit de prendre rendez-vous. « Il est normal d’avoir un peu d’appréhension à le rencontrer », rassure Romain Montariol, qui conseille de préparer la visite méticuleusement, surtout si la maladie est peu visible, ce qui est le cas de 80 % des situations, selon l’Anact. « Le médecin du travail n’est pas un spécialiste des maladies chroniques : se faire le plus pédagogue possible est indispensable », conseille-t-il. Concrètement, il ne faut pas hésiter à bien expliquer les effets de sa pathologie au quotidien, à communiquer les coordonnées de ses médecins afin qu’il échange avec eux, à emporter tous les justificatifs nécessaires (courriers des médecins spécialistes, dossier médical, documentation sur la pathologie…).

Demander à faire adapter son cadre de travail

C’est à la suite de ce rendez-vous que le médecin du travail pourra proposer un cadre de travail adapté : un aménagement en termes d’ergonomie, d’amplitude horaire, de jours de télétravail, d’organisation ou de répartition du travail au sein de l’équipe, d’organisation en cas d’absence inopinée…. « N’hésitez pas à faire part de vos souhaits. Dans le cas de la mucoviscidose, cela peut signifier décaler l’heure d’embauche, le matin, pour permettre au salarié de faire sa kinésithérapie, ce qui demande du temps. Mais aussi mettre en place une à deux journées de télétravail par semaine pour limiter la fatigue liée aux déplacements », explique Romain Montariol.

En dernier recours, demander un temps partiel

Ces aménagements peuvent évoluer dans le temps, être renouvelés ou adaptés selon l’évolution de la situation… Et si un jour, le médecin le juge nécessaire, il peut aussi proposer un arrêt maladie (qui sera établi par votre médecin traitant), prescrire un travail à temps partiel thérapeutique, appuyer une demande de pension d’invalidité…  « Lorsque la maladie évolue et que la fatigue s’intensifie, il est courant de demander un temps partiel thérapeutique, une bonne solution pour continuer à travailler », précise Romain Montariol. Afin d’en bénéficier, il faut obtenir l’accord du médecin du travail, de l’employeur, mais également du médecin de la Sécurité sociale, car l’Assurance maladie complétera le salaire la première année. Le salarié basculera ensuite sur un temps partiel « classique ».

La RQTH, c’est quoi ?

Lorsque concilier travail et maladie devient compliqué, il est possible de faire une demande de « reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé » ou RQTH. Elle est indispensable pour accéder à des aménagements d’horaires ou de poste de travail,  bénéficier d’un accompagnement à la recherche d’emploi, à la reconversion ou à la création d’entreprise, ou encore pour être éligible à un contrat aidé.

A noter : la personne reconnue travailleur handicapé n’a aucune obligation d’en avertir son employeur, si elle ne le souhaite pas.

Et pour les travailleurs non salariés ?

Si vous êtes artisan, commerçant, libéral, auto-entrepreneur... le code du travail n'est pas applicable. Contrairement au salarié, le travailleur indépendant ne bénéficie pas du service de santé au travail et doit s'adresser au médecin traitant. Suite à la disparition en 2018 du RSI (Régime social des indépendants), il reste possible de toucher des indemnités journalières pour un arrêt de travail à temps complet ou une reprise à temps partiel... à condition d'être affilié depuis au moins un an à la Sécurité sociale pour les indépendants et d'être à jour dans le paiement des cotisations.

Témoignage : En télétravail, je gagne en qualité de vie

Nathalie Clary organise des voyages sur mesure. Elle est atteinte d’endométriose digestive et préside l’association ENDOmind. Elle témoigne.
« Après avoir travaillé une dizaine d’années dans une agence de voyages, j’ai décidé de me mettre à mon compte en 2014 pour travailler à un autre rythme. Cela a changé ma vie ! Longtemps, j’ai travaillé à temps complet, sans oser demander à aménager mon poste de travail. J’avais un peu peur que cela nuise à ma carrière, comme c’est le cas pour beaucoup d’autres malades. Je prenais sur moi pour cacher la douleur, la fatigue chronique et pour caser mes rendez-vous médicaux dans mon emploi du temps. Aujourd’hui, je suis en télétravail, ce qui me donne plus de souplesse dans ma journée et me permet de mieux vivre la maladie. Si les douleurs sont trop fortes, je peux me mettre en retrait et m’y remettre ensuite, par exemple. Et puis, je m’économise la fatigue des transports matin et soir, ce qui me permet d’être plus opérationnelle. Si les employeurs, en France, permettaient à leurs salariés de télétravailler plus facilement, sans qu’ils aient à le demander, cela serait un gain formidable pour toutes les personnes atteintes de maladies chroniques. Peut-être que cela va rentrer dans les mentalités avec le télétravail imposé par la pandémie ? Espérons-le. »

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