Coronavirus : « Cette crise est l’occasion de réviser les formes de management »

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Par Propos recueillis par Émilie Gilmer

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Si certaines entreprises pratiquaient déjà le travail à distance, d’autres ont découvert cette mesure à la faveur du confinement. Une initiation « forcée » qui peut induire un nouveau rapport au travail. À condition toutefois de revoir en profondeur le cadre de l’organisation collective. Explications avec Vincent Mandinaud, sociologue et chargé de mission à l’Anact*.

À quelles difficultés le confinement confronte-t-il les entreprises ?

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Vincent Mandinaud : D’une part, des difficultés relatives à la gestion du risque sanitaire et sa traduction opérationnelle (confinement, équipements de protection, protocoles de prévention…). D’autre part, la continuité de l’activité et une organisation du travail en mode « dégradé », avec ses conséquences sur la gestion du personnel. À ce titre, la crise est un révélateur des fragilités des organisations productives.

On peut imaginer que les entreprises qui avaient préparé des plans de continuité d’activité rencontrent relativement moins de difficultés que celles qui n’avaient jamais envisagé ce type de situation.

Pensez-vous que cette crise puisse donner un nouvel élan au télétravail ?

V.M. : Il est possible que, dans l’épreuve, des expériences et des compétences se fassent jour, qui vont faire réfléchir les entreprises et infléchir leurs organisations. Et ce d’autant plus si la situation de crise devait être amenée à durer.

Dans l’urgence, le télétravail massif montre tout son intérêt, mais aussi ses limites. Les conditions dans lesquelles il se réalise sont elles aussi dégradées. Des questions d’équipement, d’organisation du travail (modalités de coopération, management du travail…) se posent, selon que les entreprises avaient déjà ou non l’expérience de telles pratiques. Ce recours au télétravail massif donne à voir que télétravailler, ce n’est pas simplement déporter les activités de bureau au domicile, toutes choses étant égales par ailleurs.

Il montre aussi la dépendance aux nouvelles technologies et interroge sur leurs usages et leur régulation. Il va être intéressant de voir de quelle manière les entreprises vont tirer enseignement de cette crise pour donner de l’allant à de nouvelles formes de management, fondées sur la confiance et la reconnaissance de l’engagement au travail.

Concrètement, quels pourraient être les changements en matière d’organisation ?

V.M. : Intégrer durablement le télétravail dans son organisation suppose d’établir des règles, de former et d’équiper les collaborateurs, d’ajuster les plannings, de mieux réguler la charge de travail, de faire naître de nouvelles formes de relations (via l’usage des outils numériques comme la visioconférence par exemple).

Certes, les télétravailleurs font actuellement la preuve que le télétravail fonctionne et qu’il est (relativement) efficace en situation de repli. Néanmoins, il ne faut pas imaginer que le régime actuel puisse devenir un régime normal. Le recours au télétravail constitue dans la période actuelle une « roue de secours » pour les entreprises, lorsqu’il est possible.

En période de confinement, les télétravailleurs composent avec leur vie familiale, la fermeture des institutions scolaires, un matériel informatique et un cadre de travail parfois peu adaptés. Cela induit une forme de surcharge mentale et de pression dont on ne peut imaginer qu’elles s’inscrivent naturellement dans la durée.

En sortie de crise, les entreprises devront mesurer les efforts consentis, en tenir compte et négocier de possibles transformations de leurs organisations et de leurs pratiques managériales.

Justement, cette crise peut-elle faire naître de nouvelles revendications côté salariés ?

V.M. : Certainement. Outre les télétravailleurs « forcés » qui auront fait preuve de leur bonne composition et d’agilité, il y a aussi tous ceux dont l’activité n’est pas « télétravaillable » et qui sortent de chez eux pour aller travailler, notamment dans les secteurs dits stratégiques (santé, alimentation, transport, énergie).

Cette crise aura mis en lumière de façon frappante les écarts entre ceux qui sont exposés et ceux qui le sont moins, compte tenu de leur activité. D’autant plus qu’une grande partie des salariés qui sont aujourd’hui sur sites (les personnels de santé, les aides à domicile, les caissiers, les livreurs…) n’étaient pas vraiment reconnus, jusqu’alors, dans la hiérarchie sociale…

Du coup, on peut imaginer en sortie de crise un certain nombre de revendications, non pas simplement sur un plan sociétal ou politique, mais à l’intérieur même des entreprises.

* Anact : Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail.

Pour en savoir plus :

Consultez le dossier « Coronavirus et conditions de travail » sur le site de l’Anact.

Par Propos recueillis par Émilie Gilmer

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