Diversité dans l’entreprise : le monde du travail se mobilise

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Par Émilie Gilmer

Temps de lecture estimé 6 minute(s)

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Une personne sur quatre(1) affirme avoir subi des propos ou comportements racistes, homophobes, sexistes ou handiphobes sur son lieu de travail. En réaction, de nombreuses entreprises et associations agissent pour changer les mentalités. Elles partagent par ailleurs un constat : la diversité est un puissant levier de performance.

Ces dernières années, la lutte contre les discriminations en entreprise est devenue un sujet majeur dans le débat public. Selon une étude(2), 84 % des Français estiment, par exemple, que la diversité sociale, culturelle et ethnique dans le monde du travail est une bonne chose. Mieux : les entreprises sont clairement perçues comme l’acteur clé pour faire changer les choses ! En réponse à cette attente – et face à un cadre réglementaire de plus en plus strict en matière de diversité – nombre de dirigeants se mobilisent.

« Il y a à peine quelques années, le sujet était largement minimisé, se souvient Saïd Hammouche, président fondateur de l’entreprise à mission Mozaïk RH, cabinet de recrutement et de conseil en stratégie diversité et inclusion, également président de la Fondation Mozaïk. Même si la question n’est pas traitée par 100 % des entreprises, une prise de conscience s’est opérée chez beaucoup de décideurs et un mouvement de fond s’est mis en place pour davantage de diversité. » En atteste le succès du premier Sommet de l’inclusion économique, qui a rassemblé plus de 7 500 personnes en novembre 2021…

L’inclusion, qu’est-ce que c’est ?

« L’inclusion est une situation dans laquelle toutes les personnes, quelles que soient leurs capacités, peuvent participer pleinement à la vie de la cité. […] C’est une société qui donne véritablement sa chance à chacun en l’acceptant dans sa différence et dans ce que celle-ci peut apporter aux autres. »* Dans une entreprise, l’inclusion se traduit par un égal accès à l’embauche, la formation, la promotion et l’évolution de carrière, via la prévention de toutes les formes de discriminations.

*Source : rapport d’information « Culture et handicap : une exigence démocratique », Commission de la culture du Sénat, juillet 2017.

La diversité : un levier de performance et d’innovation

Les entreprises qui agissent le constatent rapidement : une stratégie d’entreprise inclusive revêt de nombreux avantages. Motiver les salariés en quête d’équité sociale, soigner sa réputation, éviter le risque juridique lié à une discrimination… Mais elle est aussi (et surtout !) un levier de performance.

« Avoir au sein de son organisation une diversité de profils représentatifs de la société permet d’améliorer la compréhension des consommateurs et des marchés », remarque Saïd Hammouche. De même, mettre en présence des modes de pensée et des points de vue différents est source de créativité. Les innovations mises au point grâce à la diversité sont d’ailleurs nombreuses. Exemple avec la technologie du SMS, qui a été pensée par l’industrie des télécoms en réponse à la problématique de personnes malentendantes. Et qui a apporté, par la suite, une croissance exponentielle aux opérateurs.

Aider les recruteurs à dépasser leurs préjugés

Faire avancer le sujet donc. Mais comment ? « La première étape est de mener un autodiagnostic de son entreprise », explique Saïd Hammouche. Le défenseur des droits a publié en 2012 un guide(3) à cet effet. Il permet, par exemple, d’identifier les risques discriminatoires dans le processus de recrutement, c’est-à-dire le fait de poser des questions durant les entretiens d’embauche qui ne seraient pas conformes à la loi. Il est par exemple interdit d’interroger un candidat sur sa vie privée, son origine ethnique ou ses opinions politiques.

« À partir de cet autodiagnostic, l’entreprise met en place un plan d’actions avec des mesures correctives », précise Saïd Hammouche. La formation des recruteurs est alors bien souvent un axe privilégié. Le but est de les aider à déjouer leurs « biais inconscients » lors de l’examen d’un CV ou d’un entretien en face-à-face : ces croyances implicites qui nous font ranger les gens dans des cases selon leur âge, leur apparence physique, leur origine, etc.

Un outil a d’ailleurs été mis en place en 2018 par la Fondation Mozaïk : la plateforme DiversifiezVosTalents.com. Elle met en relation recruteurs et candidats par l’analyse, non seulement du CV, mais aussi des compétences comportementales.

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Il existe des outils pour aider les recruteurs à dépasser leurs préjugés. Crédit Getty images.

Créer une culture de l’inclusion

Mais le recrutement ne fait pas tout. Une fois la porte de l’entreprise franchie, l’inclusion repose sur une égalité de traitement des salariés (en termes de salaires, promotions, accès à la formation, etc.).

Beaucoup d’entreprises se dotent pour cela de compétences nouvelles ; celles d’un chief diversity officer (responsable de la diversité) par exemple – qui œuvre à une gestion des ressources humaines plus inclusive. Son rôle est de proposer des actions visant à former et sensibiliser les managers, alerter la hiérarchie sur les risques de discriminations et veiller à ce que l’ensemble des salariés issus de la diversité évoluent dans un environnement sécurisé et équitable.

« De plus en plus de dirigeants font aussi le choix de s’engager à travers de la Charte de la diversité ou du Label Diversité, remarque Audrey Richard, présidente de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). D’autres – les mêmes parfois – signent un accord d’entreprise sur la diversité, négocié avec les représentants syndicaux. »

Le programme « Égalité 360° » de Radio France a, par exemple, été créé en lien avec les organisations syndicales et un réseau de plus de 100 salariés. Il a pour vocation de favoriser la diversité à la fois sur les antennes et dans l’ensemble des métiers de Radio France. « L’avantage des accords d’entreprise est qu’ils s’accompagnent de la mise en place d’un comité de suivi, ajoute Audrey Richard. Celui-ci évalue sur la durée les progrès réalisés ou à accomplir. »

Combattre les stéréotypes au quotidien

Reste alors un travail à mener auprès des salariés eux-mêmes, pour les aider à combattre leurs propres préjugés, qui peuvent générer – sous couvert d’humour, parfois – des comportements discriminatoires. L’agence de communication « Tell me the truffe »(4), spécialisée sur le handicap et la diversité, a mis au point un programme d’animation et de formation en ligne baptisé « Quel collègue êtes-vous ? ». Un test de personnalité qui interroge le salarié sur ses comportements face à des situations concrètes.

Autre levier selon Audrey Richard : « Rendre visibles les collaborateurs représentatifs d’une diversité, au travers de témoignages, par exemple, dans la communication interne et externe de l’entreprise. » C’est, entre autres, la stratégie déployée par le groupe d’ingénierie Assystem qui mène depuis dix ans de très nombreuses actions pour encourager les femmes à s’orienter vers les métiers de l’ingénierie, féminiser ses effectifs et faciliter l’accès aux postes à responsabilités pour ses collaboratrices. Une façon, aussi, de donner des modèles aux jeunes générations (et de susciter des vocations) afin que les mentalités évoluent durablement.

(1)    Selon le 11e baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi, 2018.

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