Harcèlement moral au travail : 4 étapes clé pour se reconstruire

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Par Émilie Gilmer

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Le harcèlement moral au travail peut laisser des séquelles durables et compromettre la suite d’une carrière. Il existe pourtant des moyens de réparer le traumatisme afin de renouer avec l’univers professionnel. Explications.

La principale conséquence d’un harcèlement moral au travail est d’abîmer la confiance et l’estime de soi. Mais les « dégâts » causés par une telle situation peuvent être plus graves, allant parfois jusqu’à des conduites suicidaires. Leur gravité dépend principalement de deux éléments : la durée d’exposition au harcèlement et son intensité. « Attendre pour réagir revient à s’exposer chaque jour davantage, jusqu’à n’avoir plus de souffle pour se défendre », résume Ariane Bilheran*, psychologue clinicienne et docteur en psychopathologie, spécialiste du harcèlement. La « nature » du harceleur entre aussi en ligne de compte. « S’il s’agit d’une personne investie d’autorité, le problème s’en trouve aggravé », précise l’experte.

D’où la nécessité d’identifier les signaux faibles dès leur apparition. « Tout malaise, stress aigu et chronique, anxiété et angoisse, stratégies de compensation (augmentation des addictions, tabac, alcool, etc.), nervosité, ruminations, troubles du sommeil, mais aussi malaises psychosomatiques (apparition de symptômes physiques d’origine psychique), doivent alerter, précise la spécialiste. En particulier, si la personne commence à se dévaloriser et nourrir des reproches envers elle-même. »

Prendre conscience du harcèlement moral et bien s’entourer

La victime a parfois du mal, pourtant, à mesurer le danger qu’elle court. Son entourage peut alors jouer un rôle clé. « La prise de conscience du harcèlement que l’on subit passe souvent par l’étonnement d’un tiers, médecin, psy, syndicat ou encore une personne de la famille ou un ami », remarque Ariane Bilheran.

Une fois le problème identifié, il est nécessaire de bien s’entourer afin de pouvoir s’appuyer sur des personnes « relais » aussi bien dans sa vie personnelle (proches, médecin de famille) que sur un plan pratique (en sollicitant l’aide d’un avocat par exemple et/ou d’un réseau comme Souffrance et Travail qui propose un accompagnement spécialisé ou d’une association d’aide aux victimes comme France Victimes). « Au sein de l’entreprise, je recommande aux salariés de se tourner vers la personne en charge des relations humaines, indique Audrey Richard, présidente nationale de l'ANDRH (Association nationale des directeurs des ressources humaines) et elle-même DRH. Ce n’est pas forcément un réflexe acquis alors que les professionnels des RH sont formés sur le sujet du harcèlement et que ce sont eux, au sein de l’entreprise, qui vont avoir à gérer le dossier du début à la fin. »

Être reconnu par l’entreprise en tant que victime de harcèlement moral

La qualité d’écoute de l’entreprise – et la prise en compte du problème – est par ailleurs déterminante dans le processus de reconstruction. « On ne recueille pas un témoignage comme celui-là entre deux portes, confie Audrey Richard. Ça se fait dans un endroit approprié, avec le temps nécessaire, avec bienveillance et neutralité. Et en toute confidentialité. » Charge ensuite à l’entreprise de diligenter une enquête en la confiant à un professionnel compétent, interne ou externe (cabinet d’avocat ou cabinet spécialisé dans les risques psychosociaux par exemple), et de prendre des mesures disciplinaires contre le harceleur si les faits sont avérés.

Il s’agit aussi de tout mettre en œuvre pour que la situation ne se reproduise pas : création d’une ligne d’écoute, proposition de modules de formation. « Parfois la problématique de harcèlement vécu par un salarié agit comme un déclencheur au sein de l’entreprise pour sensibiliser l’ensemble du personnel, confirme Audrey Richard. Cette réaction est aussi une façon de signaler au salarié harcelé : nous prenons au sérieux ce que vous avez subi et nous en tirons des enseignements pour qu’aucun autre salarié ne le subisse », remarque la professionnelle.

Se reconstruire sur un plan psychique et émotionnel

Reste que les effets du harcèlement survivent généralement au harcèlement lui-même. « Dans la majorité des cas, il existe un syndrome post-traumatique, voire des troubles psychosomatiques », reconnaît la psychologue clinicienne Ariane Bilheran. Selon le vidal.fr, l’état de stress post-traumatique « est un trouble anxieux sévère, qui se développe à la suite d’un événement ayant entraîné une détresse intense […] La personne atteinte revit en permanence l’événement à travers des souvenirs, des rêves ou des flash-backs qui la saisissent par surprise. »

Il semble alors compliqué de s’en remettre sans une prise en charge psychologique adaptée. « En clair, il est nécessaire de trouver un professionnel spécialisé qui aide la victime à se reconstruire psychiquement, à retrouver ses ressources émotionnelles et cognitives », indique la psychologue. À noter que, dans certains cas, l'employeur peut proposer une assistance psychologique aux victimes de harcèlement. « Cela dépend de la taille et des moyens de l’entreprise, mais il arrive que des séances soient proposées au salarié à la charge de l’entreprise », remarque la présidente de l’ANDRH, Audrey Richard.

Autre levier de reconstruction à ne pas négliger : la dimension corporelle. Reprendre une activité sportive, se mettre au jardinage, à la danse, au yoga… « Tout ce qui peut contribuer au rétablissement de l’équilibre général après cette épreuve d’atteinte grave à l’intégrité est à privilégier », estime Ariane Bilheran.

Retrouver un nouvel élan après le harcèlement au travail

La question du « retour » dans l’entreprise se pose pour tout salarié victime de harcèlement moral. Bien souvent, un arrêt maladie a été l’occasion d’une réflexion sur l’avenir. Le dialogue doit alors se poursuivre avec la Direction des ressources humaines pour prendre la décision adéquate.

« L’une des options, si la taille de l’entreprise le permet, est de proposer au salarié une mobilité interne, un changement d’équipe par exemple, afin de reprendre son emploi dans un environnement neutre, précise Audrey Richard, présidente nationale de l’ANDRH. Il est néanmoins nécessaire que le salarié soit pleinement d’accord avec ce choix, qu’il ne vive pas cette mobilité comme une sanction. Le risque est qu’il se dise “Non seulement j’ai été victime de harcèlement, mais en plus on me retire le job que j’aimais”. »

Pourtant, en fonction de la durée du harcèlement et de son degré d’intensité, il peut être compliqué pour certaines victimes de retourner sur le lieu du harcèlement. « Le harcèlement entraîne souvent un profond questionnement sur le désir propre du salarié, sur ses valeurs, sur ce qui fait sens pour lui, analyse la psychologue Ariane Bilheran. Beaucoup ne parviennent plus à travailler en équipe et préfèrent s’orienter vers des activités libérales et/ou plus solitaires. »

*Auteure d’ouvrages sur le harcèlement aux éd. Dunod et Armand Colin, qui sont désormais compilés dans une somme accessible en version numérique sur son site.

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