« Les vacances sont une coupure indispensable pour la santé mentale »

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Par Propos recueillis par Émilie Gilmer

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La façon dont on pense à son travail en vacances en dit long sur la manière dont on se sent réellement dans sa vie professionnelle. Et si les congés étaient l’occasion de remettre les pendules à l’heure ? Les explications de Marielle Dumortier, médecin du travail.

Compte tenu du confinement que l’on vient de vivre, comment faire de nos vacances un vrai moment de repos ?

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Le Dr Marielle Dumortier est l’auteure de Mon médecin du travail (éditions du Cherche Midi, 2009). Crédit photo : DR.

Marielle Dumortier : La problématique actuelle est l’incertitude qui plane sur la période estivale. Parmi les gens que je rencontre en consultation, je vois deux catégories de personnes : des gens très angoissés à l’idée de ne pas pouvoir partir en vacances pour des raisons de travail ou d’argent, et des gens épuisés par le confinement parce qu’ils ont eu à gérer les enfants, le télétravail, la maison… et qui n’arrivent plus à se projeter.

Mon discours est d’abord de leur dire que ce qu’ils ressentent est normal : l’anxiété, la saturation, les questionnements. Quant à l’organisation des vacances à proprement parler, je leur suggère d’être innovants, autant que faire se peut.

Les vacances : des bienfaits pour le corps et l’esprit

En quoi la coupure des vacances est-elle nécessaire ?

M.D. : Les vacances permettent une récupération physique bien sûr, notamment musculaire, mais aussi et surtout une récupération mentale. Elles rendent possible une mise à distance du travail et de ses contraintes. En « fermant » quelques dossiers dans sa tête, nos pensées, progressivement, se remettent en marche. En effet, dans un monde où il faut toujours faire plus, toujours plus vite, on manque de temps pour se poser, pour réfléchir.

C’est aussi le moment d’explorer d’autres univers que l’univers professionnel et, par là, de s’oxygéner et d’enrichir son esprit.

À lire aussi : Santé en vacances : quelles précautions pour un séjour serein ?

Qu’entendez-vous par « être innovant » pour organiser ses vacances ?

M.D. : Bien sûr, ces vacances ne ressembleront pas à celles que l’on avait imaginées, mais il y a sûrement des choses intéressantes à faire sous une autre forme, à proximité de chez soi par exemple.

L’un des conseils que je donne est d’essayer de transformer cette pause estivale en retrouvailles familiales réelles, c’est-à-dire en oubliant le travail scolaire, en imaginant des activités ou des visites inédites… Ce qui est important pour aller bien d’un point de vue psychologique est de retrouver sa capacité d’action, de se remettre dans une dynamique. Bref, ne plus subir.

Il est parfois difficile de « déconnecter » du travail

À partir de combien de jours la coupure des vacances est-elle réellement bénéfique ?

M.D. : Cela dépend beaucoup des individus et de leur situation. Par exemple, une femme enceinte récupérera moins facilement qu’un autre salarié. De la même façon, quelqu’un qui suit un traitement pour une maladie chronique aura probablement besoin de plus de temps.

La capacité de récupération dépend aussi beaucoup des turpitudes de la vie. Si vous êtes en plein divorce et que votre quotidien professionnel est une source de problèmes, vous aurez également besoin de plus de temps pour récupérer.

Pourquoi certains d’entre nous n’arrivent-ils pas à « déconnecter » du travail pendant leurs congés ?

M.D. : Penser que l’on oublie tout en vacances est un leurre : transporter dans ses valises quelques préoccupations professionnelles est légitime. Néanmoins, si l’on est envahi par le travail durant toute la durée de ses vacances et que le fait d’y penser est une source d’angoisse, il y a de quoi s’interroger.

Qu’est-ce que la valeur travail représente pour moi ? Est-ce que je ne lui accorde pas trop de temps ? Le curseur entre ma vie personnelle et ma vie professionnelle est-il placé au bon endroit ? Quelle place j’ai pour faire autre chose ?

Penser au travail n’est pas toujours négatif

Pourquoi est-il important de s’interroger ?

M.D. : Parce que le surinvestissement professionnel peut conduire à une situation de fragilité au niveau de la santé physique et psychique. En effet, être surinvesti dans son travail signifie que l’on est davantage sensible que les autres « candidats » au stress et à tous les syndromes d’épuisement professionnel.

Attention néanmoins, souffrir de son travail ne signifie pas que l’on va systématiquement tomber malade. Par ailleurs, penser au travail durant ses vacances n’est pas forcément négatif. Si l’on sait qu’un projet stimulant nous attend à la rentrée, il n’y a aucun mal à y songer. De la même façon, on peut avoir très envie de retrouver ses collègues de travail avec lesquels on s’entend bien. Autrement dit, ce qui compte est davantage la façon dont on pense au travail que le temps passé à y penser !

Par Propos recueillis par Émilie Gilmer

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