Parité homme-femme : faut-il imposer des quotas dans les comités exécutifs et de direction des entreprises ?

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Par Patricia Guipponi

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Les Assises de la parité ont eu lieu le 6 mai 2021. Les intervenants de la première table ronde de la journée se sont interrogés sur la pertinence des quotas pour accélérer l’égalité homme-femme, dix ans après la loi Copé-Zimmermann, instaurant une représentation équilibrée des deux sexes dans les conseils d’administration.

« Une réussite. » « Un succès. » « Un outil efficace. » La question posée par le journaliste Harry Roselmack aux intervenants de la première table ronde des Assises de la parité du 6 mai 2021 a recueilli un plein consensus. Elle portait sur la légitimité des quotas imposés en 2011 dans les conseils d’administration et de surveillance des entreprises afin d’y établir une représentation équilibrée des hommes et des femmes.

Dix ans auparavant, au moment de voter la loi Copé-Zimmermann instaurant cette parité, les débats n’étaient pas aussi harmonieux. C’est ce qu’a observé l’ancienne députée UMP de Moselle, Marie-Jo Zimmermann, corédactrice du texte législatif à présent salué. « Cela a été difficile. Y compris dans notre propre camp et avec le Medef. Nous n’avons pas cédé. Quand on légifère, on trouve des femmes. Quand on ne légifère pas, on trouve des excuses ! »

Aujourd’hui, la France fait figure de bon élève en Europe en matière d’égalité professionnelle. Les conseils d’administration et de surveillance des moyennes et grandes entreprises nationales comptent 44 % de femmes dans leurs rangs. Ce taux est espéré au sein des comités exécutifs (Comex) et des comités de direction (Codir) où seulement 17 % de femmes siègent.

La parité respectée, un gage pour lever des fonds d’investissement

Cet objectif est clairement affiché dans le projet de loi porté par Marie-Pierre Rixain, députée LREM de l’Essonne. « Il y a un plafond de verre dans les entreprises et il faut le fissurer de l’extérieur comme de l’intérieur. C’est ce qu’a fait la loi Copé-Zimmermann. Nous souhaitons étendre la dynamique aux Comex et Codir des entreprises pour permettre aux femmes de gravir les marches des postes à responsabilité et pour construire de nouveaux viviers de cadres dirigeants. »

Patrick Bertrand, président du comité de gouvernance des entreprises du Medef, souligne qu’à présent les entreprises craignent plus pour leur réputation que de se voir sanctionner pour le non-respect des quotas. « Il est difficile de lever des fonds d’investissement quand vous n’avez pas évolué dans certains domaines dont celui de la parité ». De même, il est plus compliqué d’« attirer des talents féminins dans les sociétés où les femmes sont peu représentées à des postes clés. »

Toutefois, Patrick Bertrand insiste sur le fait qu’imposer des quotas dans les Comex et les Codir de certains secteurs d’activité ne sera pas évident. Remarque partagée par Thibault Lanxade, PDG de l’entreprise de services numériques Jouve : « Il faut adapter les quotas aux spécificités des entreprises. Elles n’ont pas toutes les mêmes capacités, moyens, viviers… Chacune doit définir ses objectifs et sa propre feuille de route en la matière. »

Adopter la parité, un pari pour la modernisation interne de l’entreprise

Et Jérôme Frantz, vice-président de la CCI Paris-Ile de France d’observer : « Le quota n’est pas le fond du problème. C’est plutôt celui du vivier qui préoccupe. Où va-t-on recruter les femmes ? Certes, les choses évoluent. Elles sont 40 % à intégrer HEC et 51 % à rejoindre l’ESCP mais on n’en compte que 12 % dans les écoles d’ingénieurs. »

Pour Agnès Cloarec, avocate et membre d’International women’s forum (IWF), club de femmes influentes qui a lancé les Assises de la parité, « il faut revoir la logique actuelle qui consiste à identifier les jeunes hauts talents dans la tranche des 30/40 ans car c’est dans ces âges-là que les femmes sont en général accaparées par la maternité. » Ce point a été soulevé dans le dernier rapport du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Brigitte Grézy, présidente de cette instance consultative indépendante, a été invitée à conclure le débat. Elle a rappelé que la parité n’impliquait pas seulement de rééquilibrer de façon étique la part des hommes et des femmes dans une organisation. « C’est aussi faire le pari de la modernisation des process de relations humaines, du relationnel au sein des entreprises, de la prise en compte de la parentalité, de mettre l’accent sur la lutte contre le sexisme, les violences… Donc oui, trois fois oui aux quotas ».

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