Après le burn-out et le bore-out, qu'est-ce que le brown-out?

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Par Olivier Vachey

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Un emploi inadapté aux aspirations professionnelles peut mener à une forme répandue de mal-être : le <em>brown-out</em>. Cette « baisse de tension » peut impacter tous les aspects d’un quotidien devenu fade. Explications.

La souffrance au travail peut s’exprimer de diverses façons, en fonction de ses causes profondes. Le trouble le plus célèbre est le burn-out, un épuisement physique et psychique lié à un stress et à une pression constante. Notion opposée et plus récente, le bore-out fait écho à un ennui né d’une sous-charge de travail. En clair : le salarié est payé à se tourner les pouces, au point d’en déprimer. Enfin, troisième concept d’émergence récente (2013), le brown-out renvoie à un désintérêt de l’activité professionnelle lié à sa perte de sens.

Brown-out : définition

L’expression anglaise « brown-out » fait initialement référence à une chute de tension électrique. Une « baisse de jus » que les experts en santé appliquent désormais aux travailleurs en manque de repères : « Un salarié en brown-out est une personne qui n’arrive pas, n’arrive plus, à trouver un sens à son activité. Le décalage peut s’installer progressivement ou faire suite à des contraintes organisationnelles : perte de marché, arrivée de nouvelles technologies, conflit éthique, modification de périmètre du poste… explique Laurine Alessandri psychologue du travail-IPRP, membre des réseaux Souffrance et Travail et I3R Corse. Face à une perturbation de leurs missions, certains s’adaptent, prennent leur mal en patience ou se recentrent sur la sphère privée. D’autres, plus focalisés sur leur travail, n’y parviennent pas. » Ils s’exposent alors à un retour de flamme, ou plutôt à une extinction de leur flamme intérieure…

Quels sont les symptômes du brown-out ?

Principaux symptômes physiques du brown-out : fatigue chronique, maux de ventre, troubles du sommeil… Rien de très caractéristique, a contrario des symptômes psychiques tels le sentiment d’être inutile, une démotivation pour les tâches et rapports professionnels, un cynisme et/ou pessimisme exacerbés

Une étude menée par Randstad auprès de 10 000 personnes révèle que 18 % des Français, soit presque 1 Français sur 5, ne perçoivent pas le sens et l’utilité de leur emploi, au point d’avoir le sentiment d’occuper un “bullshit job”. Des chiffres inquiétants qui, pour beaucoup d’experts, plongent leurs racines dans les évolutions sociétales.

Attention aux métiers à risques

Dans un ouvrage précurseur de 2013, l’anthropologue américain David Graeber dénonçait le premier ce phénomène des bullshit jobs (en français, jobs à la con) dont l’essor accompagne celui de l’innovation et des nouvelles technologies, en particulier dans les secteurs du management, des ressources humaines et de la finance. Un grand nombre de postes ont été créés, mais les personnes qui les occupent ont le sentiment de ne pas servir à grand-chose, ou ne comprennent pas à quoi. En résultent un désinvestissement et parfois un brown-out.

Autres métiers à risque : ceux issus du public. « Policiers, enseignants, personnels soignants… De nombreux postes de la fonction publique sont soumis à des injonctions parfois paradoxales – réprimer ou protéger ? – et ont pour obligation de faire "toujours mieux avec toujours moins de temps et de moyens". Résultat, l’aspect humain s’étiole et la remise en question apparaît, avec toujours la même question : à quoi je sers ? ».

Une prise en charge adaptée est alors d’autant plus importante que le trouble n’impacte pas que le travail. « La perte de sens contamine toutes les sphères : couple, famille, amis, loisirs. Avec à la clé un isolement social, souvent couplé à une dégradation de l’état de santé de personnes qui ne voient plus vraiment l’intérêt de manger sainement ou de s’entretenir. » Mais rien de définitif pour autant, car à la différence du burn-out, le salarié en brown-out possède encore une étincelle d’énergie et conserve un espoir que la situation change.

À lire aussi : Risquez-vous un burn-out ?

Comment sortir d’un brown-out ?

La présence d’une pathologie susceptible de perturber l’état physique ou psychique d’un patient en brown-out (dépression, troubles du sommeil…) peut mener à la prescription de traitement médicamenteux. La prise en charge « classique » repose toutefois plus sur un suivi psychologique, éventuellement associé à de la médecine douce. « D’expérience, le coaching est efficace. 2-3 mois de thérapie d’accompagnement permettent d’identifier et d’atteindre un objectif redonnant du sens au travail », assure Laurine Alessandri.

Parmi les réponses concrètes à mettre en place, une simple amélioration des échanges peut parfois débloquer des situations. « Entre sa hiérarchie, ses collaborateurs, les RH, mais aussi la médecine, voire le psychologue du travail, le salarié doit réaliser qu’il n’est pas seul et qu’il existe dans son entourage professionnel des personnes capables de l’écouter, de le soutenir et le (ré)orienter si besoin, via un bilan de compétence, une formation… »

De fait, une solution « classique » passe par une reconversion, pour impulser une nouvelle direction à son exercice professionnel. Ce n’est ni un cliché ni une montagne à surmonter, dans un contexte de passerelles et de formations toujours plus riches et accessibles aux salariés. Parmi les personnes interrogées dans le cadre de l’étude Randstad, près de la moitié serait d’ailleurs prête à se former pour retrouver du sens au travail. Pour près du quart, le salut passe par le lancement de sa propre activité.

« En résumé, il faut prendre de la hauteur, s’extraire du système et développer une vision d’ensemble, accompagné si nécessaire par des personnes capables d’ouvrir des portes en apparence fermées, pour sortir du brown-out et redonner un sens à sa vie. »

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