Santé des entrepreneurs et des salariés : il faut rester vigilant

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Par Félix Maréchal

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La politique de prévention santé mise en place en entreprise est l’une des conditions de sa performance. Cette prévention concerne tout autant les salariés que le chef d’entreprise lui-même, qui oublie trop souvent de prendre soin de lui, et en particulier de sa santé mentale. Un sujet sensible dans le contexte actuel du Covid-19.

Il y a des évidences qu’il est toujours bon de rappeler. Parmi elles, celle que la performance économique d’une entreprise est liée à la santé de ses salariés et de ses dirigeants. En effet, comment pourrait-elle conquérir des marchés et dégager de la rentabilité grâce à une gestion infaillible si les capacités de sa composante humaine étaient altérées ? Pourtant, il existe un sujet dont on parle peu : la santé des chefs d’entreprise.

« Le dirigeant clame qu’il n’a pas le droit d’être malade », constate amèrement Lionel Fournier, directeur de la région Atlantique d’Harmonie Mutuelle (Groupe VYV) et cofondateur de l’association 1nspire. Un thème trop souvent occulté, alors que le patron de PME ou de TPE est à l’évidence l’homme-clé : c’est lui qui a la vision et impulse la dynamique. De fait, il est très occupé et assez peu enclin à s’intéresser à son propre état de santé.

Et pourtant, la corrélation entre la santé du dirigeant et celle de son entreprise est mise en évidence par une étude réalisée en avril 2019*. Elle montre que pour 35 % des patrons interrogés, la satisfaction « santé et travail du dirigeant » coïncide avec leur perception que leur entreprise est en bonne santé, tandis que pour 34% d’entre eux la mauvaise santé du dirigeant va de pair avec… la mauvaise santé de l’entreprise. Cette corrélation est donc attestée dans 69 % des cas.

* Etude réalisée par la Fondation de l’Université de Nantes, en partenariat avec Harmonie Mutuelle et l’association 1nspire.

Le découragement pointe

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Lionel Fournier – crédit photo : DR.

« 1nspire a été créée sur la base d’une conviction, affirme Lionel Fournier. L’entreprise doit intégrer la question de la prévention santé si elle veut obtenir des performances durables, dans un contexte de vieillissement et de progression du burn-out et cela doit commencer par les chefs d’entreprise. » Fin 2019, 1nspire mettait en place une écoute psychologique, via la plateforme téléphonique de Ressources Mutuelles Assistance (RMA). Avec le développement du coronavirus, ce dispositif s’est élargi par le biais d’une coopération avec Apesa (Aide Psychologique aux Entrepreneurs en Souffrance aiguë) pour prendre en charge les cas les plus critiques.

« Nantes Métropole et la Région Pays de la Loire ayant fait remonter le niveau élevé de détresse de certains chefs d’entreprise, c’est tout un partenariat qui a pu se mettre en place entre 1nspire, RMA et Apesa pour prendre en charge les appels », explique Lionel Fournier. De la part des dirigeants, il constate, « après une étape de sidération, une prise de conscience de leur part des problèmes économiques créés par la crise sanitaire, mais aussi une inquiétude montante, voire une forme de découragement ».

« Un épuisement d’attente »

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Olivier Torrès – crédit photo : DR

Autre approche : celle de l’observatoire Amarok, dédié à la santé des travailleurs non-salariés. Réalisée avec l’Université de Montpellier, son enquête sur « L’état de l’entrepreneuriat français et le redémarrage économique post-crise sanitaire » (mai 2020) révèle un paradoxe : les entrepreneurs bénéficient d’une meilleure santé physique (grâce au repos forcé dû au confinement) mais d’une santé mentale dégradée et d’un sommeil dévasté. « Le score de burn-out est très élevé, constate Olivier Torrès, professeur en management et économie des PME à l’Université de Montpellier (MOMA) et MBS, fondateur d’Amarok. La population entrepreneuriale en risque de burn-out a doublé au bout d’un mois de confinement. Et désormais, à l’épuisement du combattant succède un épuisement d’attente. »

Des solutions pour les chefs d’entreprise

Alors, comment relever la tête ? Tout d’abord, éviter une exposition prolongée à des sources d’information anxiogènes. « Il serait plus salutaire pour le moral des entrepreneurs qu’ils se focalisent sur l’évaluation des actions qu’ils mènent ou vont mener dans un avenir proche », souligne Olivier Torrès. Ensuite, savoir solliciter les associations et les réseaux d’entrepreneurs. « Le soutien social est un antidote à beaucoup d’aspects, fait remarquer Olivier Torrès. C’est un des moyens pour les dirigeants “perdus“ de retrouver les voies de la vigilance entrepreneuriale. Celle-ci mesure la capacité d’un entrepreneur à saisir des opportunités. »

Enfin, de nombreuses solutions d’écoute existent. En dehors du numéro vert mis en place par le ministère de l’Économie et des Finances en collaboration avec Apesa (0 805 65 50 50), il y a différents dispositifs régionaux. Plusieurs cellules d’écoute et de soutien ont été créées par les chambres consulaires (chambres de commerce et d’industrie, chambres des métiers…). C’est le cas de la CCI de l’Hérault, au sein de laquelle l’Observatoire Amarok a formé des interlocuteurs. À souligner aussi : cet observatoire a créé un pack prévention. Il prend la forme de webinars au cours desquels les psychologues Amarok livrent leurs conseils pour mieux gérer le stress. Et pour vite retrouver leur « vigilance entrepreneuriale ».

Une priorité : protéger ses salariés

La première responsabilité du chef d’entreprise, c’est sans doute de ne pas mettre en danger son personnel. Pour faire face au risque d’infection au coronavirus, ils peuvent consulter la plaquette d’information du ministère du Travail sur le Covid-19. Au-delà des mesures essentielles (règles de distance sociale, télétravail, etc.), il faut aussi prendre en compte le surcroît de stress créé par cette situation. Chacun agit à sa manière.

Pour Philippe Lachaze, imprimeur dans l’ouest de la France, « le plus important est d’anticiper mais aussi de dialoguer le plus possible avec le personnel pour expliquer et lever des inquiétudes ». Pour Corinne da Costa, qui dirige un cabinet de conseil et d’études à Paris, « la problématique des transports est la plus difficile à gérer ». Peu de gens se déplaçant en voiture en région parisienne, la promiscuité dans les transports publics est en effet une source d’appréhension. Le télétravail reste le recours principal pour les métiers qui le peuvent.

À souligner que les salariés des entreprises adhérentes à Harmonie Mutuelle peuvent bénéficier de la ligne d’écoute et d’échanges de Ressources Mutuelles Assistance.

Pour aller plus loin :

Observatoire Amarok, dédié à la santé des travailleurs non-salariés.

1nspire, association engagée autour des problèmes de la santé globale des entrepreneurs, fondée par Harmonie Mutuelle, TGS France, l’Université de Nantes, le CJD Nantes et 60 000 Rebonds.

Association Apesa (Aide Psychologique aux Entrepreneurs en Souffrance aiguë).

RMA (Ressources Mutuelles Assistance, groupe VYV).

60 000 Rebonds, association dont la vocation est d’aider les entrepreneurs en post-liquidation à rebondir dans un nouveau projet professionnel.

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