Santé et qualité de vie au travail : un enjeu pour l’avenir de l’entreprise ?

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Par Félix Maréchal

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Depuis le 31 mars 2022, la loi Santé apporte de nouvelles obligations aux entreprises en matière de qualité de vie et de conditions de travail. Comment faire de cette obligation, une opportunité et un enjeu d’avenir et de performance ? Une question à laquelle les participants à l’Agora mutualiste du 14 juin 2022* ont apporté des réponses.

« Nous sommes passés du curatif au préventif ». Voici comment Alain Coulais assurait le lancement de l’Agora Mutualiste sur la qualité de vie au travail (QVT) ce 14 juin 2022 à Lyon. Le délégué Harmonie Mutuelle territoire Atlantique faisait une allusion directe à la loi Santé, qui modifie la négociation sur la QVT au sein des entreprises, depuis l’entrée en vigueur de la majeure partie de ses dispositions le 31 mars 2022. Cette loi instaure un tel renforcement de la prévention des risques en entreprise qu’il convient désormais de parler de QVCT (Qualité de vie et conditions de travail). Parmi les évolutions : la loi Santé intègre les risques psychosociaux dans l’évaluation des risques.

Pourquoi cette évolution ? « En 2019, un bilan du premier accord national interprofessionnel (ANI) avait été établi entre salariés et employeurs, a expliqué Anne-Cécile Lombardy, directrice régionale ARACT Auvergne Rhône-Alpes. Ensemble, ils ont réalisé que ce premier accord ne mentionnait que les conditions périphériques au travail — salles de pause, séances de détente… — et non pas le contenu du travail lui-même. Ainsi la nouvelle loi Santé intègre par exemple des notions comme la charge de travail, les nouvelles formes d’emploi ou encore le parcours professionnel. » D’une obligation, l’entrepreneur peut en faire un atout pour l’avenir de son entreprise.

L’entrepreneur doit savoir prendre en compte les nouvelles attentes

Pour les dirigeants, ces évolutions ne sont pas sans conséquence. Elles participent même d’un mouvement général de transformation des attentes par rapport au travail. L’entreprise doit s’y conformer et peut en faire un vecteur de développement et de fidélisation. « Dans le contexte actuel de pénurie de ressources humaines et de difficultés à recruter, l’entreprise faisant la différence est celle qui sait écouter et analyser les attentes de ses collaborateurs », affirmait Axel Gaset lors de cette Agora mutualiste. Expert-comptable, président Provence-Corse et membre du bureau national de l’IFEC (Institut français des experts-comptables et des commissaires aux comptes), il juge nécessaire pour un chef d’entreprise de se poser la question suivante : « qu’est-ce que les salariés veulent faire de notre entreprise ? ». « Il faut laisser les collaborateurs se projeter », a-t-il repris, mentionnant pour exemple l’intégration de salariés volontaires dans le choix d’un outil digital structurant pour son cabinet. L’expert-comptable ajoutait que « les entreprises ont besoin de managers qui savent prendre en compte les nouvelles attentes, en particulier celles des nouvelles générations ».

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Un événement qui a eu lieu le mardi 14 juin à 18h30 sur à Lyon et sur le compte Facebook d'Essentiel Santé Magazine

Télétravail : quel équilibre définir ?

Le télétravail est bien sûr au cœur de ces nouvelles attentes. « Avec lui, le travail est entré dans la maison et dans les organisations personnelles, a souligné Alain Coulais. Quelles frontières établir entre les deux ? ». Pour Anne-Cécile Lombardy, il faut plutôt parler d’organisation hybride (vs « télétravail »), en ce sens qu’il s’agit d’orchestrer la meilleure alternance possible entre le présentiel et le distanciel. « Pour réussir la mise en place de cette organisation, le principe de confiance est un prérequis indispensable, a-t-elle estimé. À l’ARACT Auvergne Rhône-Alpes, nous avons beaucoup travaillé avec les équipes et les managers pour ne pas perdre l’esprit collectif ni nos habitudes de créer ensemble. La prépondérance donnée au travail rendu plutôt qu’aux horaires effectués est l’un des principes retenus. »

De son côté, Axel Gaset a souligné que le télétravail est devenu incontournable dans les métiers administratifs, ajoutant que celui-ci « ne crée pas un problème de désengagement des collaborateurs mais plutôt de surengagement, avec l’enjeu pour le chef d’entreprise de devoir inciter ses salariés à se déconnecter ».

« La démarche QVT met en mouvement toute l’entreprise »

Au-delà du télétravail, la question se pose pour l’entrepreneur de savoir quelle méthode exploiter pour susciter de l’adhésion. C’est là que la démarche QVT montre son utilité. « Cette démarche met en mouvement tout ou partie des acteurs de l’entreprise autour de dimensions telles que l’efficience au travail, la performance de l’entreprise, la reconnaissance de celle-ci vis-à-vis des salariés ou encore les relations interpersonnelles, a expliqué Anne-Cécile Lombardy. Cette mise en mouvement peut se faire à partir de situations de travail précises ou alors à travers des méthodes ludo-pédagogiques qui permettent de traiter les enjeux en se transposant dans un autre univers, par exemple un escape game QVCT (Qualité de vie et conditions de travail). »

Chargée de mission à l’ARACT Auvergne-Rhône-Alpes, Estelle Choisy Droba a rappelé quant à elle que la QVCT est un levier de performance pour l’entreprise (elle permet notamment de lutter contre l’absentéisme) et une garantie pour les salariés de pérenniser leur emploi.

Philosophe-consultant, Tristan Bitsch a fait remarquer que pour obtenir le bonheur en entreprise, il faut pouvoir articuler les enjeux individuels (le souci de soi) avec les enjeux interpersonnels (ce que favorise l’intelligence relationnelle). « Au niveau individuel, nous avons besoin de nourrir le sens de ce que nous faisons, tandis que sur le plan interpersonnel, le besoin que nous avons pour être heureux au travail est de dialoguer, soulignait-il. Et comme le disait Socrate, le dialogue passe par quatre valeurs-clés : écoute, questionnement, argumentation et franchise. »

Le dialogue, condition-clé de l’épanouissement

L’humain étant un animal social, le dialogue est donc une condition clé de son épanouissement. Pour structurer cette approche d’écoute et de dialogue en entreprise, Harmonie Mutuelle a créé Harmonie Potentiel Humain, un outil de diagnostic. « Sur la base de ce diagnostic très riche, fondé sur 150 questions posées aux salariés, le dirigeant obtient une vision du niveau d’énergie/d’épuisement de ses collaborateurs, de leur niveau d’engagement. Cela permet d’identifier les facteurs qui énergisent ou épuisent les salariés et surtout les leviers d’actions prioritaires et les cibles. Nous définissons ainsi avec les entreprises un plan d’action adapté, a expliqué Carole Bourget-Martin, directrice région Auvergne Rhône-Alpes Harmonie Mutuelle. Il peut s’agir de séances de sport en entreprise, d’ateliers QVT, de gestion du stress, de réveil musculaire (par exemple face aux troubles musculosquelettiques), de sommeil et rythme de vie… »

Les chargés de prévention de la mutuelle peuvent aussi accompagner l’entreprise dans la mise en place d’un service d’assistance sociale externalisé ou mettre en œuvre tout plan d’action en partenariat avec d’autres acteurs comme l’ARACT afin d’agir sur les déterminants de santé. Une illustration de la nécessité de passer aujourd’hui, en entreprise, du curatif au préventif.

*Cette Agora était organisée en partenariat avec l'ARACT AURA, Association régionale pour l'amélioration des conditions de travail et l'Institut français des experts-comptables (IFEC).

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