Le travail c'est la santé

Publié le

Par Aurélia Descamps

Temps de lecture estimé 7 minute(s)

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À la fois synonyme de contrainte et d’épanouissement, le travail a des effets sur la santé. Une préoccupation importante pour les salariés comme pour les employeurs.

Quel est l’impact du travail sur la santé ?

« Le travail est avant tout un effort physique et intellectuel, mais ce qu’il permet d’accomplir peut procurer une grande satisfaction, à l’image de celle que l’on ressent lors d’une réussite sportive », explique Sandrine Caroly, enseignant-chercheur en ergonomie au laboratoire « Pacte » à l’université de Grenoble. Se réaliser, développer ses compétences, s’épanouir : l’activité professionnelle peut être source de plaisir et favoriser la santé au sens large, c’est-à-dire le « bien-être physique, mental et social »*.

Certaines entreprises en font même un axe clé de leur politique : « En travaillant sur le bien-être au travail, on améliore la motivation de chacun et la performance de l’entreprise », constate Stéphane Wilmotte, directeur des ressources humaines (DRH) d’Électro Dépôt.

Reste que tout métier peut causer des dommages physiques (mal de dos, blessures...), sans compter les menaces pour le psychisme (stress, violences morales...) : les « risques psycho-sociaux ».

* D’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

 

Comment améliorer les conditions de travail ?

Pour ménager leur santé, les salariés doivent pouvoir compter sur leur employeur (lire aussi l’encadré « Les acteurs de la santé au travail »). Ses moyens d’action sont nombreux : détailler les attitudes à adopter dans les situations à risque, aménager les postes et les locaux ou encore former le personnel.

« On peut par exemple apprendre quelles sont les postures à privilégier pour éviter de futurs troubles musculosquelettiques (comme les tendinites) », indique Sylvie Brunet, membre du bureau de l’association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). Dans un environnement de travail agressif – bruyant, froid... –, il est nécessaire de disposer d’équipements de protection. Certains rythmes d’activité font aussi l’objet d’une attention particulière (horaires atypiques, tâches répétitives...).

« En milieu hospitalier, nos inquiétudes portent beaucoup sur le cycle de travail en douze heures, préjudiciable pour la santé, pointe Roland Jaguenet, membre du CHSCT du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes. On peut adapter les conditions d’exercice – installer des fauteuils de relaxation pour les temps de pause par exemple – mais, dans notre cas, il me semble que c’est toute l’organisation des services qui est à revoir. »

 

Comment prévenir les risques psycho-sociaux ?

Certaines structures s’efforcent de mieux répartir les charges de travail ou de faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle des salariés. Comme au cabinet de conseil Galiléa, à Angers : « Les horaires flexibles permettent de s’adapter aux envies et aux contraintes familiales de chacun », apprécie Majid Chajia, l’un des consultants. Elles peuvent aussi miser sur un management plus participatif, afin de favoriser l’autonomie des équipes. « Surtout, les cadres intermédiaires doivent gagner en marges de manœuvre, car ils sont bien placés pour repérer les risques psycho-sociaux et limiter les conflits, souligne Sylvie Brunet. Il faut aussi privilégier l’expression directe du personnel, qui est le plus à même d’analyser son environnement professionnel. »

Mieux vaut agir avant qu’il ne soit trop tard, et qu’une cellule d’écoute psychologique doive être mise en place : « Les cas de souffrance augmentent, observe Jean-Michel Sterdyniak, médecin du travail : des personnes qui ont le sentiment d’être des “pions” dans l’entreprise, qui ne supportent plus l’augmentation des charges de travail... »

En plus d’agir sur les racines du mal, rien n’empêche l’employeur d’agencer une salle de sport, de proposer une cantine ou encore d’informer sur les dangers du tabac. Autant de mesures qui peuvent contribuer à améliorer l’hygiène de vie des salariés, eux aussi responsables de leur bien-être.

 

En chiffre

Dans les grandes entreprises (plus de 250 salariés), 40 % des salariés pensent que des actions en faveur de leur santé sont menées, contre 30 % dans les entreprises de 50 à 249 salariés, et 26 % dans les entreprises de moins de 50 salariés.

 

Les acteurs de la santé au travail

L’employeur est chargé d’assurer la sécurité et de protéger la santé des salariés. Il tient à jour un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) : l’inventaire des facteurs de danger auxquels est exposé chaque service (travail en hauteur, port de charges lourdes...), assorti d’un plan d’action.

Obligatoire dans les structures d’au moins 50 salariés, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) représente le personnel pour toutes les questions relatives à la santé au travail. L’instance veille au respect du droit en la matière et peut proposer des mesures de prévention.

Parfois épaulé par une équipe pluridisciplinaire (infirmier, assistant social...), le médecin du travail (ou « de prévention ») réalise des consultations individuelles régulières auprès du personnel et analyse leur environnement de travail. Il assure une mission de conseil auprès de l’employeur et des salariés.

 

Moins d'autonomie mais plus de coopération

Les marges de manœuvre des salariés (régler soi-même des incidents, faire varier les délais...) ont diminué ces dernières années, sauf pour les ouvriers non qualifiés. En parallèle, les contraintes sur le rythme de travail se sont accentuées (normes de production à satisfaire, surveillance permanente...). Mais le développement actuel des coopérations entre collègues et avec les supérieurs est susceptible d’atténuer les effets de cette intensification.

L’exposition à des dangers physiques connaît une légère hausse : le risque infectieux et le risque routier concernent désormais un tiers des équipes. Quant aux régimes horaires atypiques, leur fréquence est stable : 16 % des salariés travaillent parfois la nuit et 28 % le dimanche.

Source : étude Conditions de travail : reprise de l’intensification du travail chez les salariés, DaresAnalyses, n° 49, juillet 2014 (données 2013).

 

Témoignages - Se reconvertir après une maladie professionnelle

« J’ai été conducteur d’engins pendant dix ans dans la même entreprise, indique ce quinquagénaire* qui a réalisé l’ensemble de sa carrière dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP).

En 2012, j’ai été opéré à deux reprises pour une hernie discale, notamment provoquée par les vibrations auxquelles j’ai été exposé et reconnue comme maladie professionnelle. J’ai fait des pieds et des mains pour que mon employeur me propose un nouveau poste, adapté à mon handicap, mais nous n’avons pas trouvé de terrain d’entente.

J’ai été licencié et je fais actuellement une formation pour devenir agent d’entretien polyvalent. »

* Cette personne a souhaité rester anonyme.

 

Le télétravail pour passer plus de temps avec ses enfants

« Quand mon employeur m’a proposé en 2008 de faire du télétravail deux journées par semaine, j’ai sauté sur l’occasion, explique Badara Cissé, ingénieur en réseaux de télécommunication.

À l’époque, les trajets entre mon domicile et la société me prenaient plus de deux heures par jour (plus de quatre aujourd’hui). Travailler à la maison me permet de passer davantage de temps avec mes enfants.

En outre, je peux adapter les jours où je fais du télétravail, pour faire face aux aléas liés aux transports en commun, par exemple. L’option a aussi ses désavantages : contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, j’ai tendance à travailler plus longtemps et intensément, ce qui peut accroître la fatigue mentale. »

 

« Échanger sur les pratiques professionnelles »

Le point de vue de Sandrine Caroly, enseignant-chercheur en ergonomie au laboratoire « Pacte » de l’université de Grenoble

« À force de travailler ensemble et d’être confrontés aux mêmes difficultés, les membres d’une même équipe se mettent à partager des valeurs communes et s’entendent sur les critères de ce qu’est un “bon travail”.

Au-delà des consignes officielles, cela leur donne des repères pour améliorer leurs performances tout en préservant leur santé : ils y trouvent des solutions pour faire face à des situations critiques par exemple.

Un tel esprit – que j’appelle “collectif de travail” – ne se décrète pas, mais se construit au fil du temps, notamment en échangeant sur les pratiques des uns et des autres. Mais les modes d’organisation actuels – caractérisés par l’isolement des individus et l’usage prononcé des nouvelles technologies – ont tendance à fragiliser ce processus. »

 

Pour en savoir plus

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