Violences sexistes et sexuelles au travail : quels outils pour les prévenir ?

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Par Rozenn Le Berre

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© Daisy-Daisy / Getty

Mises en lumière par les multiples témoignages de femmes sous le hashtag #metoo, les violences sexistes et sexuelles imprègnent l'ensemble de la société. Le milieu professionnel n'est pas épargné : une femme sur cinq indique avoir été confrontée au harcèlement sexuel au travail. Des outils se développent pour prévenir ces violences.

En mai 2018, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, et la secrétaire d’État à l'Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, ont annoncé un plan sur l'égalité professionnelle. Sur les quinze actions à mettre en œuvre, cinq sont consacrées à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, marquant la volonté du gouvernement d'inclure cette question comme partie intégrante de la politique d'égalité entre les femmes et les hommes au travail.

Cela n'a pas toujours été le cas. « La prise en compte des violences sexistes et sexuelles en milieu professionnel est récente, indique Margaux Collet, consultante et formatrice spécialisée sur l'égalité femmes-hommes. Comme pour les violences conjugales, on a longtemps considéré qu'il s'agissait d'un problème entre deux personnes, de l'ordre du privé. Or il s'agit de garantir la sécurité physique et mentale des salariés ou des agents, qui est une responsabilité légale de l'employeur. ».

Former et informer

Premier levier d'action mobilisable par les employeurs, la formation et l'information. Le Conseil Supérieur pour l’Égalité Professionnelle (CSEP), dans son « Kit pour agir contre le sexisme au travail », incite les entreprises à développer des affichages (dont certains sont obligatoires) et des actions de sensibilisation à la question du sexisme et des violences sexuelles.

Margaux Collet précise qu'« il est important de mettre des mots sur des actes qui n'étaient pas qualifiés et de rappeler que ce sont des délits ou des crimes. Ce n'est pas un ''collègue lourd'', c'est du harcèlement, ce n'est pas qu'il a ''la main baladeuse'', c'est une agression sexuelle. » Ainsi informés et sensibilisés, c'est non seulement la victime mais également ses collègues qui pourront intervenir plus facilement*.

* Voir le clip réalisé par le gouvernement.

La difficile prévention du « sexisme ordinaire »

Si le harcèlement sexuel est de plus en plus reconnu, notamment depuis une loi de 2012 consolidant sa définition, harmonisant et aggravant ses sanctions, d'autres formes de violences sexistes peinent encore à être considérées, à l'instar des agissements sexistes.

Interdits par le code du travail* et devant être mentionnés dans les règlements intérieurs, ces « agissements liés au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » font encore partie du quotidien de nombreuses salariées. Selon un rapport du CSEP, 8 femmes sur 10 indiquent être régulièrement confrontées au sexisme au travail**. « La tolérance aux blagues sexistes est très forte, confirme Margaux Collet. Elles font partie des relations professionnelles quotidiennes, banales, et on n'en mesure pas la gravité. »

Difficile donc de sensibiliser sur cette pratique qui, bien qu'officiellement prohibée, demeure très commune. Xavier Guisse, en charge de la Responsabilité Sociale de l'Entreprise au sein du groupe PSA, explique : « On est tous dans le déni [sur cette question du sexisme ordinaire], même parfois les personnes qui sont convaincues de l'importance de l'égalité professionnelle. Car on considère qu'en 2018 ce n'est plus un sujet. Il y a aussi une crainte de lever des oppositions chez les hommes. Au sein du groupe PSA, on est dans un secteur industriel et automobile, où les stéréotypes masculins sont importants. »

Le groupe, malgré ces freins, a choisi de s'engager en développant notamment des campagnes de formation et d'information. « Certains hommes salariés ont pu être surpris par le thème, le propos, le message. Mais s'il est endossé par la direction générale, le message peut porter. »

* Article L. 1142-2-1.
** Rapport téléchargeable gratuitement ici.

Accompagner les victimes, sanctionner les auteurs

Les employeurs disposent d'un deuxième levier d'action dans la lutte contre les violences : l'accompagnement des victimes. Dans un contexte où 30 % des victimes en milieu professionnel n'en parlent à personne, le plan développé par Muriel Pénicaud et Marlène Schiappa incite les employeurs à mettre en place un dispositif de signalement et de traitement qui puisse être identifié et mobilisé par l'ensemble des salariés. Personnes référentes, fiches de signalement, cellules d'écoute, sont autant d'outils qui peuvent être mis en place.

Enfin, les employeurs sont invités à sanctionner* les auteurs de manière proportionnelle à leurs actes. Un agissement sexiste, en ce qu'il ne respecte pas le règlement intérieur, peut ainsi conduire à des sanctions disciplinaires décidées par l'employeur. Le harcèlement sexuel et l'agression sexuelle seront eux punis par le juge pénal (respectivement par deux ans et cinq ans d'emprisonnement) et peuvent être complétés par des sanctions disciplinaires. Le viol est lui puni par quinze ans d'emprisonnement, et jusqu’à vingt ans si l’agresseur est un supérieur hiérarchique.

Les violences sexistes et sexuelles au travail recouvrent donc des actes de nature et de gravité très différentes, dont la définition et les sanctions applicables se trouvent à la croisée du code pénal et du code du travail. « Ce n'est pas un sujet facile, reconnaît Xavier Guisse. Mais il faut s'emparer de ce sujet car c'est la meilleure manière d'améliorer les relations professionnelles et le bien-être des salariés, femmes et hommes, au travail. »

* Loi n° 83-634 du 13 juillet 1986 / Article L1153-5 du code du travail / Circulaire du 9 mars 2018.

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