Les enquêtes* menées chaque année par le Défenseur des droits en attestent : le recrutement reste un moment important de discrimination, du fait de la place laissée à la subjectivité du recruteur, et par là, aux préjugés et aux interprétations. Davantage présent dans le secteur privé – 60 % des réclamations en sont issues – ce phénomène concerne prioritairement l’origine des candidats, puis le handicap et l’état de santé. D’autres critères comme la grossesse, le sexe, l’âge, l’orientation sexuelle sont également concernés.
Cette problématique n’a rien d’anodin : non seulement pour les victimes qui peinent bien souvent à exercer un recours, mais pour les entreprises elles-mêmes qui s’exposent à de lourdes peines si la discrimination est avérée. En effet, un refus d’embauche ou une offre d’emploi discriminatoire constituent un délit puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
Le droit de la non-discrimination reste peu enseigné et mal connu par les entreprises. « Cette méconnaissance donne lieu à beaucoup de discriminations à l’embauche inconscientes ou involontaires, indique Clémence Levesque, chargée de mission auprès du Défenseur des droits. C’est-à-dire des entreprises qui croient bien faire mais discriminent sans le savoir. » Exemple : vouloir respecter l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés n’autorise pas une entreprise à réserver des postes aux personnes handicapées. D’où la nécessité d’aider les recruteurs à s’approprier le cadre juridique.
« Il est par ailleurs nécessaire de réactualiser régulièrement ses connaissances, ajoute l’experte. Car le droit est en perpétuelle évolution. » Par exemple, en 2014, le lieu de résidence a été rajouté à la vingtaine de motifs de discrimination à l’embauche déjà existants. Un moyen de lutter contre les préjugés sur les candidats issus des quartiers sensibles ou prioritaires.
« Ce que l’on préconise est de se concentrer sur une définition objective du besoin de manière à limiter au maximum la subjectivité de celui qui recrute », indique Clémence Levesque. Comment ? En prenant le temps de soigner l’intitulé du poste, la description des missions, les compétences recherchées.
L’idée est de n’être ni trop flou (« beaucoup d’expérience »), afin d’éviter les interprétations, ni trop précis (« le candidat idéal serait… »), afin de ne pas écarter trop hâtivement certains profils. Un conseil : bien préciser les conditions d’emploi (la fréquence des déplacements, les horaires atypiques…). À partir du moment où elles sont clairement mentionnées dans une offre, un recruteur n’aura nul besoin de poser des questions personnelles (par exemple : avez-vous des enfants ou comptez-vous en avoir ?), ce qui est interdit par la loi !
La marche à suivre est ensuite de créer différents outils et documents – fiche de poste, offre d’emploi, formulaire de candidature – qui reprennent l’ensemble de ces critères. Ils seront alors utilisables aux différents temps du recrutement : la recherche et la sélection des candidats, l’entretien d’embauche… Par exemple, établir une grille d’entretien garantit de poser les mêmes questions à chaque personne reçue.
« De manière générale, les entreprises ont intérêt à ce que les procédures soient basées sur des principes d’objectivité, de transparence et de traçabilité, précise Clémence Levesque. Cela permet d’assurer l’égalité de traitement entre tous les candidats, et à terme, entre tous les salariés. »
* Chaque année, le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT) publient conjointement un baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi.
Il en existe une vingtaine au total :