Témoin d’une situation de harcèlement, comment réagir ?

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Par Émilie Gilmer

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Bien souvent, les victimes de harcèlement – moral ou sexuel – n’osent pas prendre la parole parce qu’elles ont honte ou se sentent coupables. Si on est témoin de tels actes, il suffit parfois d’un geste ou d’une parole pour les aider à sortir de l’isolement.

Faute de dénonciation, les situations de harcèlement sont encore largement sous-estimées en France. En cause notamment : la difficulté à se voir comme victime et à solliciter le soutien de son entourage.

Exemple dans le milieu professionnel où certaines femmes victimes de harcèlement sexuel se sentent tellement isolées qu’elles remettent en question leur propre ressenti. « Ce qui leur est renvoyé, si elles réagissent, est qu'elles sont « trop coincées », ou qu'elles manquent d'humour, remarque Mathilde Valaize, juriste de l’association AVFT*, qui défend les victimes de violences sexuelles au travail. Elles n’ont parfois d'autre possibilité que d'endurer la souffrance. »

Alerter la victime de harcèlement sans la brusquer

La première étape pour tendre la main à une victime est de l’alerter sans la brusquer. Face à un harcèlement moral au sein du couple, par exemple, inutile d’aller trop vite avec des injonctions du type : « Tu dois le quitter, il te harcèle ». « Cela risque de bloquer la victime et de rompre le dialogue », analyse Marie-France Hirigoyen**, psychiatre et psychanalyste.

L’idée, au contraire, est de poser des questions. Par exemple : « Est-ce que tu te sens bien dans ton couple ? », « Est-ce que tu es d’accord avec ce qu’il se passe ? », « Personnellement, je n’accepterais pas cette situation ». « L’objectif est d’amener progressivement la victime à retrouver son esprit critique que l’emprise lui a fait perdre », remarque l’experte.

Se rendre disponible pour l’aider

Même chose dans le milieu professionnel où le premier besoin d’une victime de harcèlement est de se sentir reconnue et soutenue. « Le simple fait d’aller voir cette collègue et de lui dire : « Tu sais, tu n’es pas la seule à considérer que ce que tu vis n’est pas normal » est une façon de valider la conscience qu’elle a d’être victime », indique Mathilde Valaize, juriste de l’association AVFT.

Mais ce qui est également essentiel est de l’assurer de son soutien et de sa disponibilité avec des phrases simples. « Je suis là à tout moment si tu as besoin d’aide », « N’hésite pas à venir me voir si tu as envie de parler. » « C’est une façon de se positionner comme un interlocuteur fiable et un soutien solide, ajoute l’experte. Ce premier pas est parfois décisif pour aider la victime à dénoncer son agresseur. »

Laisser la victime libre d’agir (ou pas)

Attention toutefois : l’idée n’est pas de faire à la place de la victime. « Ce sont des personnes dont la volonté a parfois été bafouée pendant plusieurs années, remarque Mathilde Valaize. Dans une perspective de reconstruction, il est essentiel qu’elles prennent les rênes de la situation. » D’autant plus que différents motifs entravent la prise de parole : la peur de ne pas être crue, l’absence de personnes de confiance dans la structure, la crainte de perdre son travail, etc.

Il arrive aussi que la honte et la culpabilité empêchent de parler… « Très souvent, les victimes se sentent coupables d'avoir laissé faire, remarque Marie-France Hirigoyen. Car au-delà du harcèlement vécu, ce qui est douloureux est de ne pas avoir su réagir à temps, d’avoir été « complice » en quelque sorte de ce qu’il s’est passé. » D’où l’importance de maintenir un lien coûte que coûte, de ne pas juger et de se montrer patient si la personne harcelée a besoin de temps.

Lui proposer des pistes pour se sortir du harcèlement

Le « rôle » de l’entourage est néanmoins de proposer des pistes d’action et des démarches dont la victime n’a peut-être pas connaissance. On peut, par exemple, lui fournir une attestation (si elle décide de constituer un dossier) pour décrire les changements que l’on a constatés dans sa vie, en tant que témoin. « Il est possible, par exemple, de décrire les retards inhabituels d’une collègue de travail qui ne veut plus avoir à faire la bise à son agresseur le matin ou d’expliquer que cette même collègue a cessé de déjeuner quotidiennement avec les autres pour éviter d’avoir à parler à son agresseur », précise Mathilde Valaize.

De même, dans le cas d’un harcèlement conjugal, où l’on peut témoigner par écrit de l’état de dégradation psychique de la victime et/ou de son isolement progressif (la demande faite à la victime par le conjoint de ne plus travailler et de rester à la maison, l’interdiction de fréquenter ses amis ou de rendre visite à sa famille). « On peut aussi lui suggérer de faire des captures d’écran des SMS (par exemple) dénigrants et disqualifiants qu’elle reçoit de la part de son harceleur », suggère Marie-France Hirigoyen, psychiatre et psychanalyste. Ces éléments seront, là encore, versés au dossier et aideront la victime dans ses démarches le jour où elle décidera de porter plainte pour harcèlement.

*Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail

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