À Colombelles, ATIPIC emploie les chômeurs de longue durée

Publié le

Par Angélique Pineau

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© Angélique Pineau / crédit vidéo: Angélique Pineau

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[VIDÉO] Près de Caen, Colombelles est l’un des dix territoires « zéro chômeur de longue durée » de France. L’entreprise ATIPIC y a été créée pour salarier ces demandeurs d’emploi et offrir de nouveaux services aux habitants.

Isabelle, Éric, Gwladys, Julien, Tatiana et les autres salariés n’en reviennent toujours pas. Au départ, ils ont même pensé à une mauvaise blague. Car quand on est au chômage depuis longtemps, se voir offrir un CDI ˗ même payé au SMIC ˗ juste à côté de chez soi est un peu inespéré. Mieux : on leur a demandé de créer leur poste, en fonction de leurs compétences et de leurs envies, et de choisir leur temps de travail. Ils étaient 13 salariés au lancement d’ATIPIC, en avril 2017. Un an plus tard, ils sont déjà trois fois plus.

 

 

ATIPIC est l’une des dix entreprises à but d’emploi de France. Elle est née pour servir de lieu d’expérimentation à une initiative originale : celle des territoires « zéro chômeur de longue durée ». Ces derniers veulent montrer que l’on peut utiliser le coût du chômage pour financer des emplois, sans surcoût pour la société.

 

Créer des emplois sans en détruire d’autres

Comme les neuf autres territoires « zéro chômeur de longue durée », Colombelles a dû candidater auprès du ministère du Travail pour pouvoir participer à cette expérimentation nationale. Comme argument pour convaincre : un marché de l’emploi plus tendu depuis la fermeture d’une importante usine de sidérurgie, il y a quelques années. Et, dans le même temps, de nouvelles entreprises qui se créent avec, potentiellement, de nouveaux services à inventer pour elles comme pour leurs salariés. La réponse positive a donc été un vrai soulagement. Mais elle n’est pas sans contrepartie. D’ici à 2020, ATIPIC doit embaucher 100 personnes. Soit l’ensemble des chômeurs de longue durée volontaires que compte le territoire.

L’entreprise propose ainsi des contrats à durée indéterminée à des demandeurs d’emploi, habitant Colombelles, et en recherche depuis plus d’un an. Et grâce à eux, elle lance des activités, utiles à la commune et à ses 6 500 habitants. « On n’a pas vocation à concurrencer les entreprises du territoire et encore moins à détruire d’autres emplois, précise Hervé Renault, son directeur. Donc on est très vigilants sur les activités que l’on crée. Elles doivent être nouvelles ou complémentaires de celles qui existent déjà. »

 

Bientôt une ferme maraîchère « ATIPIC »

Ce sont les salariés qui sont à l’initiative de ces projets et qui les mettent sur pied, épaulés par leur direction. C’est ainsi que Julien, menuisier de formation et amoureux de jardinage, a eu envie de construire des bacs pour mettre des fleurs et des aromates au pied de certains immeubles de la ville. Un service facturé à l’organisme gestionnaire. Quant à Éric, ancien peintre en bâtiment, il ne pouvait plus exercer son métier car un genou le fait souffrir. Il avait des envies de grand air et la mairie avait un bois à redynamiser. Ni une ni deux, Éric est devenu garde-nature. Grâce à lui, les Colombellois se réapproprient ce lieu autrefois à l’abandon. Il organise même des activités ludiques pour les enfants avec la médiathèque.

 

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En intégrant ATIPIC, l’entreprise à but d’emploi de Colombelles, Julien et Éric ont pu renouer avec le travail.

Grâce aux postes de Julien et d’Éric, ATIPIC contribue ainsi à créer du lien social entre les habitants. Elle propose également (entre autres) l’accompagnement des personnes en situation de handicap à leurs rendez-vous médicaux, de la rénovation de logements, de la conciergerie d’entreprise… Elle a même repris, en plein centre-ville, un bazar-droguerie qui allait fermer suite à un départ à la retraite. Désormais, quatre ex-chômeurs tiennent la boutique « la Boîte à idées ». Ils y développent de nouveaux services : dépôt-vente de matériel de puériculture, réparation de vélos, vente de cosmétiques bio…

Une ferme maraîchère de 7 hectares devrait elle aussi voir le jour d’ici à la fin de l’année 2018. L’ambition ? Cultiver des produits « sains », vendus en circuit court, et proposer un service en plus aux Colombellois.

 

Une entreprise tremplin

À travers ces activités, les salariés d’ATIPIC remettent le pied à l’étrier et ont la possibilité de se former. « L’idée, c’est qu’ils montent en compétences, pour qu’ils puissent ensuite aller vers d’autres entreprises s’ils le souhaitent, souligne Hervé Renault. D’ailleurs, s’ils veulent partir ailleurs, on fera tout pour que la transition se passe dans les meilleures conditions possibles. Car ATIPIC est avant tout une entreprise tremplin. »

 

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TÉMOIGNAGES

Paroles d’« ATIPIC »

« Avoir l’opportunité d’être embauchés en CDI à Colombelles, donc à côté de chez nous, on ne pouvait pas rêver mieux. Quand la commune a été retenue pour participer à l’expérimentation "Territoires zéro chômeur de longue durée", j’étais heureuse. Je me suis dit que j’allais peut-être enfin pouvoir sortir la tête de l’eau. Pour moi, la principale difficulté pour retrouver un emploi, c’était de ne pas avoir le permis de conduire. Ça limitait mes recherches. Et depuis que j’ai intégré le bazar-droguerie, je m’y plais énormément. »

 

« Trois ans de chômage, c’est long. Dans les premiers mois, on est plein de bonne volonté. Mais ça devient compliqué au fur et à mesure que le temps passe. On n’y croit plus. Car à 61 ans, on n’a plus tout à fait la tête de l’emploi. Les entreprises cherchent de la "viande fraîche". Avant, j’étais gestionnaire commercial dans une PME d’une dizaine de salariés qui a fermé à la suite d’une liquidation judiciaire. Chez ATIPIC, je m’occupe de la "Boîte à idées" avec trois autres personnes. J’espère y rester jusqu’à ma retraite. »

 

« On pourrait se dire : c’est juste un travail, juste un contrat. Mais quand on a été un certain temps au chômage, on a l’impression d’être vraiment mis au ban de la société, on est à part. Et de pouvoir dire "j’ai un CDI", surtout aujourd’hui, c’est une reconnaissance. Franchement, j’avais honte vis-à-vis de mes enfants. Je leur ai toujours inculqué le travail, toujours dit de faire des études. Et ils voyaient leur mère qui ne trouvait pas d’emploi. Donc eux aussi étaient fous de joie le jour où je leur ai dit que j’avais signé mon contrat. »

 

« C’est vrai qu’en étant payé au SMIC, on ne peut pas mener la grande vie. Mais, à côté de ça, c’est un projet tellement humain… Tous les jours, on apprend de nouvelles choses. Chez ATIPIC, on nous donne vraiment la possibilité de nous former, d’aller à notre rythme aussi car il n’y a pas la pression comme dans une entreprise traditionnelle. Donc je ne pense pas partir pour le moment car j’ai encore plein de choses à apprendre ici. Et puis, cette entreprise, c’est un peu notre bébé. On a monté le projet, on a vu ATIPIC naître. »

 

« En Moldavie, j’étais professeur de langues et traductrice. Rien à voir avec ce que je fais aujourd'hui. Chez ATIPIC, j’accompagne les personnes en situation de handicap à leurs rendez-vous médicaux. Je viens les chercher à leur domicile et je prends les transports en commun avec elles. Le but, c’est de les aider à acquérir de l’autonomie. Je me sens utile quand je fais ça, comme quand j’étais professeur. J’aide les autres et ça me plaît. Et puis, c’est un travail qui me donne une sécurité de vie. Car j’élève seule ma fille. »

 

« Au sein de la "Boîte à idées", je fais un peu de tout : j’oriente le client, je m’occupe de la caisse, j’aide à la trésorerie. Et je suis en train d’y développer une partie dépôt-vente de matériel de puériculture. Je connais bien le sujet car avant d’être au chômage, je m’occupais d’enfants dans une crèche halte-garderie et dans une école maternelle. C’est moi qui ai proposé ça car je sais que cela devient très difficile de trouver du matériel d’occasion en bon état par ici. Grâce à cela, maintenant, j’ai un salaire fixe. Et je peux faire des projets. »

 

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