Le 26 mai prochain, les citoyens seront appelés à voter pour le renouvellement des députés du Parlement européen. À l’occasion de ces élections, Essentiel Santé Magazine et Harmonie Mutuelle ont organisé le 2 avril 2019 une Agora pour s’interroger sur la place de l’économie sociale et solidaire en Europe. Cette conférence-débat s’intitulait : « L’économie sociale, une chance pour l’Europe ? ».
En préambule, Stéphane Junique, président d’Harmonie Mutuelle, a rappelé les enjeux de la question du développement de l’économie sociale en Europe : « Nous devons lutter pour favoriser ses leviers, renforcer notre politique avec une stratégie d’alliance de ses acteurs pour transformer et faire évoluer l’Europe vers un modèle plus social, dans un contexte de projet européen fragilisé ».
« L’ESS est actrice de la transformation sociale en Europe », a abondé Denis Stokkink, intervenant de cette conférence en tant que président du think tank Pour la solidarité, engagé en faveur d’une Europe solidaire et durable.
Le poids de cette économie alternative représente 2,8 millions d’entreprises, près de 14 millions de travailleurs et près de 10 % de la richesse produite dans l’Union européenne. L’économie sociale n’est donc pas négligeable sur le sol européen.
Mais, pour se faire entendre et orienter les politiques européennes, le secteur doit avant cela lever un certain nombre d’obstacles. Le premier étant que l’économie sociale n’est pas quelque chose d’homogène dans l’Union, malgré des valeurs communes. Le vocabulaire utilisé, les structures juridiques et même l’approche de cette économie diffèrent d’un pays à l’autre. La France va parler d’économie sociale et solidaire quand partout ailleurs le terme d’économie sociale est utilisé.
Les pays anglo-saxons vont avoir une logique fondée sur les « charities », que l’on pourrait traduire par organisme de bienfaisance. En Europe de l’est, l’économie sociale, issue de l’économie planifiée et organisée, est perçue négativement. « C’est un paysage dans lequel on ne parle pas la même langue », résume Alain Coheur, membre du Comité économique et social européen (CESE).
Pourtant, au sein de l’Union européenne, le contexte devient de plus en plus favorable au développement de cette économie. La place accordée à l’économie sociale dans les instances européennes s’accentue avec la formation d’un intergroupe dédié et l’augmentation du nombre de personnes chargées de la question à la Commission européenne. Mais surtout, l’adoption du socle européen des droits européens* en novembre 2017 est un signal fort envoyé pour une évolution plus sociale de l’Europe.
Sans compter que face aux défis de l’Europe, comme par exemple celui de la lutte contre la grande pauvreté, « l’ESS est une économie de solutions concrètes. Et une économie de transformation de la société », insiste Jérôme Saddier, président d’ESS France, la chambre française de l’économie sociale et solidaire.
* Le socle européen des droits sociaux énonce 20 principes et droits pour soutenir un équitable et bon fonctionnement des marchés du travail et des systèmes de protection sociale.
Selon lui, si l’économie sociale veut se développer sur le sol européen, il faut qu’elle y travaille. Comment ? « Il faut mieux définir ce dont on parle. L’économie sociale c’est aussi un sujet d’Europe technologique, agricole, des droits… pas seulement social », rappelle le président d’ESS France. D’ailleurs, contrairement aux idées reçues, c’est un secteur dans lequel il existe une véritable « dynamique entrepreneuriale », souligne Alain Coheur du CESE européen.
D’un point de vue politique, Jérôme Saddier suggère que les acteurs sociaux réfléchissent au principe sur lequel l’économie sociale peut se développer. « Le secteur marchand repose sur la concurrence libre et non faussée. L’économie sociale et solidaire ne peut pas se développer sur ce principe. Alors quel est le nôtre ? Il faut construire notre position sur ce que nous attendons de l’Europe et démontrer à quoi nous servons concrètement. Il y a tout un travail d’évangélisation à mener ». Et de conclure : « Si nous y arrivons, nous pouvons réenchanter le projet européen et alors oui, être une chance pour l’Europe ».