L’économie sociale : une chance pour l’Europe ?

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Par Angélique Pineau

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Comme en France, l’économie sociale connaît un déficit d’image en Europe. Pourtant, son poids est loin d’être négligeable dans l’économie de l’Union. Et elle joue un rôle essentiel au niveau social.

Les élections européennes auront lieu fin mai dans toute l’Union (le 26 en France) afin d’élire les députés européens pour cinq ans. À quelques semaines de ce rendez-vous important, Essentiel Santé Magazine a choisi de vous parler de cette « autre économie » qui réconcilie l’utilité sociale et la performance économique. Et qui est une réalité dans tous les pays de l’Union européenne.

Une part de l’identité européenne ?

En France, elle est apparue dès le XIXe siècle et on l’appelle « l’économie sociale et solidaire » (ESS). Elle rassemble les associations, les coopératives, les fondations, les mutuelles et les sociétés commerciales à vocation sociale. Mais dans la plupart des autres pays de l’Union, on parle plutôt d’« économie sociale ». Et même si, dans certains d’entre eux, elle n’en est parfois qu’à ses premiers balbutiements, elle prend de plus en plus d’ampleur dans tous les États membres.

De là à penser que l’économie sociale serait une des composantes de l’identité européenne, il n’y a qu’un pas…

À lire aussi : C’est quoi l’ESS ?

Notre article pour comprendre ce qu’est l’économie sociale et solidaire et le poids qu’elle représente en France.

L’économie sociale en chiffres

L’économie sociale représente plus de 13,6 millions d'emplois rémunérés en Europe, soit 6,3 % de la population active, avec de grosses différences selon les pays. En Belgique, en France, en Italie, au Luxembourg et aux Pays-Bas, c’est 9 à 10 % de la population active contre moins de 2 % à Chypre, en Croatie, en Lituanie, à Malte, en Roumanie, en Slovaquie ou en Slovénie.

Plus de 2,8 millions de structures et d’entreprises appartiennent à l’économie sociale en Europe. Les plus nombreuses sont les associations et les fondations.

L’Europe compte près de 83 millions de bénévoles, soit l’équivalent de 5,5 millions de travailleurs à temps plein. Dans certains pays comme la Suède, les Pays-Bas ou la Slovaquie, environ un adulte sur deux est bénévole au sein d’associations. C’est seulement un sur quatre en France.

Source : Évolutions récentes de l’économie sociale dans l’Union européenne, étude du Comité économique et social européen (CESE), 2017.

Denis Stokkink, président de Pour la solidarité

« Un poids plus important que la sidérurgie ou l’automobile »

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Crédit : Angélique Pineau

« L’économie sociale représente une part importante de l’économie européenne : environ 10 % du PNB, c’est-à-dire de la richesse produite en Europe, et près de 7 % de l’emploi. C’est plus que la sidérurgie ou le secteur automobile alors que c’est moins mis en évidence et donc moins connu du grand public.

L’économie sociale est porteuse d’une réalité économique au travers de mutuelles, de coopératives, d’associations… Mais elle est aussi fondée sur des valeurs – la solidarité et l’égalité – qui sont aussi les valeurs du modèle social européen. Même si celui-ci a été un peu dévoyé ces dernières années. »

Pour la solidarité est un think tank européen au service des acteurs de l’économie sociale. Denis Stokkink est également membre du GECES, le groupe d’experts de l’économie sociale et de l’entrepreneuriat social de la Commission européenne.

Alain Coheur, membre du Comité économique et social européen (CESE)

« Pas d’actionnaires à rémunérer »

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Crédit : Angélique Pineau

« L’économie sociale est présente dans de très nombreux secteurs d’activité en Europe. Pour tous ses acteurs, le capital humain est la valeur dominante par rapport au capital financier. Il n’y a pas de rémunération d’actionnaires dans l’économie sociale. Et c’est une économie non délocalisable.

Ses valeurs s’expriment concrètement au quotidien. Les mutuelles de santé par exemple ont pour principe la non-exclusion des adhérents, sous prétexte qu’ils auraient eu trop de soucis de santé ou qu’ils seraient porteurs d’une maladie. Si demain l’économie sociale disparaissait, cela conduirait tout simplement à la privatisation de la santé et donc à sa marchandisation et à l’exclusion d’une partie de la population qui n’aurait ainsi plus accès aux soins. »

Au sein du Comité économique et social européen (CESE), Alain Coheur préside le groupe dédié à l’économie sociale. Il est aussi directeur des Affaires européennes et internationales à l'Union nationale des mutualités socialistes (UNMS) en Belgique.

Hugues Sibille, président du Labo de l’ESS

« Créer de la solidarité et du lien social »

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Crédit : Alain Bujak

« L’Europe est en mutation. Elle connaît des crises et des difficultés qui conduisent à des frustrations et qui peuvent se traduire par exemple par le Brexit*. À cela, l’économie sociale peut être une réponse, même si ce n’est pas la seule. Car, partout en Europe, elle crée de la solidarité et du lien social dans les territoires.

Entre l’État et l’économie de marché, il y a en effet des millions de structures qui apportent des solutions aux problèmes et des services aux populations. Imaginez par exemple ce que serait la France si, demain, il n’y avait plus d’associations loi 1901. Le pays ne fonctionnerait plus. »

Le Labo de l’ESS est un think tank français dédié à l’économie sociale et solidaire. Hugues Sibille est aussi membre du groupe d’experts de l’économie sociale et de l’entrepreneuriat social de la Commission européenne (le GECES).

SMart, la coopérative aux 38 000 salariés

Elle est née il y a 20 ans en Belgique. Au départ pour répondre aux difficultés rencontrées par les intermittents et les auteurs, qui voulaient faire valoir leurs droits. Depuis, la coopérative SMart (pour Société mutuelle pour artistes) en a fait du chemin. Elle s’est ouverte à d’autres secteurs que le seul milieu culturel et elle propose à tous les travailleurs indépendants qui le souhaitent de les salarier. Et ce, pour qu’ils puissent bénéficier d’une vraie protection sociale. Aujourd’hui, elle est présente dans neuf pays européens, dont la France. Et au cours de l’année 2018, elle a salarié pas moins de 38 000 personnes pour un chiffre d’affaires global de 220 millions d’euros.

À voir aussi : notre vidéo sur la coopérative SMart.

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