Nous étions une bande d’amis, alors étudiants, et avions le projet de créer une entreprise pour y expérimenter de nouvelles façons de travailler. Dès le départ, notre réflexion était politique. Nous voulions fabriquer des choses utiles, avec des matériaux locaux, que cela ait du sens. Nous voulions travailler autrement, partager les tâches, faire des choses aussi bien manuelles qu’intellectuelles, ne pas avoir de patron et avoir tous le même salaire.
Nous n’avions pas beaucoup d’argent et se lancer dans une activité industrielle telle que la scierie nécessite du capital. Il fallait donc que des gens puissent nous soutenir financièrement en devenant actionnaires. Nous avons choisi le statut de SAPO, société anonyme à participation ouvrière, qui nous a permis de rassembler un capital dont nous ne pouvions apporter qu’une partie, tout en donnant un large pouvoir aux futurs travailleurs.
D’abord, Ambiance Bois c’est de l’emploi. Nous étions six au départ, aujourd’hui la coopérative compte 27 personnes. En 2005, sur les 55 enfants de l’école, ceux dont les parents travaillaient à Ambiance Bois en représentaient 25, et une troisième classe a ainsi pu être ouverte récemment. Avec d’autres parents, nous avons créé les services dont nous avions besoin. Par exemple, pour la garde des tout-petits, nous avons commencé par mutualiser un emploi à domicile puis sollicité la commune qui nous a prêté un local. Finalement, nous avons créé une crèche associative qui existe toujours et fait travailler six personnes.
Aujourd’hui la commune compte une bonne trentaine d’associations, une télévision locale, une structure de co-working qui réunit une petite dizaine de travailleurs indépendants, un espace de vie sociale, un organisme de formation, une société coopérative de production (Scop) de rédacteurs, une société coopérative d’intérêt collectif (Scic) sur le logement et beaucoup d’autres services.
François Chatoux, mon prédécesseur à la mairie, avait compris que l’avenir du territoire passait par l’accueil de nouveaux habitants, parce que la population vieillissait et que les commerces fermaient les uns après les autres. Quand on arrive en 1984, il nous aide. Avec les élus du plateau de Gentioux, ils achètent un bâtiment qu’ils nous louent sous forme de location-vente. Ils nous financent même le séchoir à bois.
La commune a aussi racheté des bâtiments comme l’épicerie et l’auberge pour y installer des gérants, et faciliter ainsi la passation d’activité au moment de leur retraite. Dans les années 1990, la commune a créé une station-essence. En 2008, une maison médicale. Aujourd’hui, nous poursuivons cette politique offensive en réhabilitant et transformant des bâtiments pour permettre l’installation de jeunes.
Oui, ça essaime. Par exemple, à Gentioux, la commune voisine, un groupe d’habitants s’est mobilisé pour relancer un marché de producteurs. Ensuite, ils ont acheté, avec la Scic de Faux-la-Montagne, une maison qui accueille aujourd’hui une épicerie, un tiers lieu*, une naturopathe, une brasserie, des associations… C’est assez bouillonnant !
* Un tiers lieu est un espace qui n’est ni la maison, ni un lieu de travail, répondant aux besoins d’une communauté où les gens se rencontrent, N.D.L.R.
L’économie sociale et solidaire représente une cinquantaine d’emplois à Faux-la-Montagne, soit environ un tiers de l’emploi. Ce dynamisme tient au fait que la commune est en synergie avec les commerçants, les associations et toutes les initiatives d’habitants. En fait, nous interagissons à échelle très humaine. C’est ce qui fait qu’il y a du lien et que ça fonctionne.
C’est malheureusement une échelle pour laquelle il faut lutter, afin de la maintenir, lorsque les politiques publiques conduisent à créer des régions et des communautés de communes de plus en plus grosses et très éloignées des habitants et des petites communes…
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