La Tricyclerie : valoriser les biodéchets autrement

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Par Cassandra Poirier

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© Charlotte Goislot

60 tonnes de biodéchets compostés. 4 000 km parcourus à vélo. Depuis 2016, La Tricyclerie arpente les rues de la ville de Nantes afin de récolter les déchets organiques pour les transformer en compost. Le tout, à vélo.

La poubelle d’un professionnel de la restauration peut contenir jusqu’à 50 % de déchets organiques. Or, après décomposition, cette matière se transforme en compost, un véritable engrais utilisé pour enrichir les sols. « Tout le monde produit des déchets. Mais on commence à avoir conscience que de mettre ses ordures ménagères à l’incinérateur, cela n’a plus trop de sens si on peut leur donner une seconde vie à travers le compostage », explique Valentine Vilboux, co-fondatrice et coordonnatrice de La Tricyclerie.

La création de cette start-up nantaise est partie d’un constat. Il y a une volonté commune à plusieurs acteurs de s’engager dans une démarche « zéro déchet » et de traiter les déchets organiques différemment. Mais par manque de solution, une majeure partie de ces biodéchets est encore incinérée. Coline Billon, fondatrice de la Tricyclerie, a alors eu l’idée de mettre en place un moyen pour valoriser ces déchets, en adoptant une démarche sociale, solidaire et écologique.

De la collecte à la terre

« Il y a trois ans, huit restaurateurs se sont engagés pour une période d’expérimentation de quatre mois. Aujourd’hui, nous avons 40 points de collecte, dont une trentaine de restaurants, des boulangeries, des épiceries bio et des entreprises », explique Valentine Vilboux.

Cinq fois par semaine, des « Tricycleurs » enfourchent leur vélo à remorque pour récupérer les matières organiques des petits producteurs de déchets (qui produisent moins de dix tonnes de déchets organiques par an) du centre-ville de Nantes. Les déchets sont ensuite mélangés à de la matière sèche puis laissés en phase de maturation pendant environ six mois. « Notre compost est conforme à une norme européenne qui valide le fait qu’il ne contient pas d’éléments pathogènes et qu’il peut être utilisé en agriculture biologique », précise Valentine Vilboux. L’or noir est ensuite redistribué en vrac ou en gros pour les maraîchers, jardiniers ou particuliers nantais.

En un mois, La Tricyclerie parcourt 320 km, récolte 3,3 tonnes de biodéchets, produit 1,1 tonne de compost et enrichit 369 mètres carrés de terres. Une démarche décarbonisée et 100 % locale.

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La Tricyclerie - la collecte des épluchures

Une démarche volontaire écoresponsable

L’association peut s’appuyer sur un réseau de bénévoles et de volontaires en service civique pour faire les collectes, entre autres. « L’un des objectifs de la Tricyclerie est de proposer un engagement différent dans le domaine de l’environnement. Nous voulons dépoussiérer un peu le terme associatif. Pour cela, nous travaillons avec une structure, Benenova, qui est une plateforme qui met en lien des associations et des bénévoles de façon ponctuelle. Les gens viennent nous aider quand ils sont disponibles », explique Valentine Vilboux.

Si la démarche de la Tricyclerie fait mouche auprès des bénévoles, les restaurateurs et petits commerçants sont aussi de plus en plus nombreux à être séduits par ce que propose l’association. C’est le cas du restaurant Chacha qui fait appel à la start-up nantaise depuis plus de deux ans. « C’est une démarche écoresponsable qui allait de soi pour le restaurant. Faire le tri et composter, ça ne prend pas plus de temps. C’est un geste essentiel pour l’environnement et même un acte militant », précise Séverine Figuls, gérante du Chacha.

Il n’y a pas encore d’incitation fiscale pour les commerçants qui font appel à La Tricyclerie. Il s’agit véritablement d’un engagement volontaire. « Nous avons créé un réseau avec tous nos partenaires pour valoriser leur démarche. Et en travaillant avec La Tricyclerie, c’est aussi un gage de qualité pour les consommateurs. Cela veut dire que les restaurateurs utilisent des produits frais », explique Valentine Vilboux.

Sensibiliser au développement durable

En plus de la récolte des biodéchets qui est effectuée deux fois par semaine par point de collecte, La Tricyclerie offre aussi des ateliers de sensibilisation. Qu’ils s’agissent d’animations en entreprises ou encore d’ateliers en EHPAD*, le but est de sensibiliser aux questions de développement durable et de lever les freins face au compostage.

L’association, lauréate du Prix ESS 2018 dans la catégorie transition écologique, connait un tel succès sur la ville de Nantes qu’elle propose aujourd’hui un accompagnement pour les personnes intéressées pour dupliquer le modèle. « Nous en sommes à notre deuxième séminaire. Il y a un an, nous n’aurions pas pu imaginer exporter le projet sur d’autres territoires, affirme Valentine Vilboux. Aujourd’hui, l’île de la Réunion a mis en place La Tricyclerie Peï et nous sommes en discussion avec plusieurs porteurs de projets. » De nombreux coups de pédales et encore plus de biodéchets compostés en perspective.

* Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes

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