Le centre de santé communautaire, une clé pour un soin adapté à l’évolution sociale ?

Publié le

Par Patricia Guipponi

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

Illustration
© Photo issue du documentaire La Relève, réalisé par Juliette Warlop.

Le Labo de l’ESS a initié une étude sur la santé et l’économie sociale et solidaire. Dans ce cadre, il présentait ce mardi 8 décembre le film La Relève en visio-conférence projection. Le documentaire met en lumière une structure de soins où l’humain est intégré dans toute sa dimension.

Le visage de Djamila est grave. Didier Ménard, son médecin, lui fait face. Ils se tutoient. Signe de la confiance qui les unit. Elle habite la cité du Franc-Moisin à Saint-Denis. Lui y exerce depuis plus de trente ans. Il va partir à la retraite comme nombre de ses confrères installés en cabinet libéral, dans le quartier populaire. Djamila comme tant d’autres ne peuvent s’y résoudre. « On est accroché à ce fil », murmure-t-elle, inquiète pour la suite.

Le ton est donné dès les premières images du documentaire La Relève, réalisé par Juliette Warlop, projeté ce mardi 8 décembre, lors d’une visio-conférence proposée par le groupe de réflexion le Labo de l’Economie sociale et solidaire (ESS). L’internaute spectateur plonge dans les doutes et le quotidien des 12 000 habitants au sud-est de la commune d’Île-de-France. Assiste à la passation de relais bienveillante entre les soignants sur le départ et une équipe pluriprofessionnelle de médecins et de médiateurs.

L’humain au cœur de la médecine

Les nouveaux venus vont investir un centre de santé communautaire, associatif, baptisé La Place Santé. Rare en son genre en 2012, lors du tournage du film, puisque seule la ville de Toulouse dispose alors d’une structure analogue, La Case santé. Aujourd’hui, dix autres centres ont vu le jour sur le territoire français, de Lorient à Marseille.

La Place Santé fait partie des cinq établissements (1) observés dans le cadre de l’étude « Santé et ESS : un système de santé pour tous ancré dans les territoires ». Cette étude est encadrée par Romain Guerry du groupe mutualiste VYV, référent thématique Santé du Labo de l’ESS. « L’idée est de se demander si l’économie sociale et solidaire actuelle, portée par les mutuelles, les associations, les coopératives, peut être une réponse à l’évolution des besoins de santé de la population dans les soins de premier recours », résume-t-il.

Les cinq structures choisies ont la particularité de conjuguer l’exercice de la santé en portant « l’humain au cœur de la médecine et pas seulement la maladie », analyse le docteur Alain Beaupin, président de la coopérative Richerand à Paris intégrée à l’étude, dont le rendu est fixé en février 2021. « Cette approche de la santé est adaptée aux spécificités d’un territoire donné et de la population qui y évolue. »

Les équipes pluriprofessionnelles accompagnent le patient dans son itinéraire de vie, qu’il soit médical, social, économique, familial... « La Place Santé est un lieu d’offre de soins où les médecins travaillent de concert avec les médiatrices, associées à la consultation », témoigne le docteur Didier Ménard.

Un modèle à consolider et à répliquer

Le patient est pleinement acteur de son suivi. Son accompagnement psychosocial va se décliner dans l’aide à l’autonomie pour l’accès aux droits ou encore la tenue d’ateliers collectifs et interactifs qui tissent les liens avec autrui, rompent l’isolement. Le rythme de travail des salariés — docteurs et autres intervenants — est plus serein que celui adopté par les générations précédentes de médecins, usés à la tâche. Il reste intense, dévoué mais mieux vécu. Et cela a un impact positif sur le patient.

Après huit ans d’existence, la Place Santé est devenue le lieu incontournable du quartier du Franc-Moisin. « Ça fonctionne bien. Le modèle est accessible à tous les Français. Pas qu’aux milieux populaires où l’on a tendance à le cloisonner. Il a sa place dans l’évolution du système de santé en France », note le praticien. Et il est une alternative aux déserts médicaux.

Ses faiblesses sont toutefois pointées. Sa stabilité économique est fragile. Alain Beaupin et Didier Ménard ont le même souhait. « Il faut sortir du paiement à l’acte et construire un système solide où le hors soins, qui participe à la bonne santé, soit pris en charge par l’Assurance maladie. »

Mutuelles et territoires, même combat !

L’Association des maires de France (AMF) et la Mutualité Française viennent de rendre public leur premier baromètre santé-social (2), panorama des questions et inquiétudes sanitaires exprimées par les Français. Cet état des lieux démontre combien il est urgent d’agir afin de freiner les inégalités de territoires pour une santé plus adaptée et humaine.

L’accès aux soins difficile, voire inexistant, selon les zones géographiques, les nuisances environnementales comme l’exposition aux perturbateurs endocriniens, qui favorise notamment la puberté précoce, sont autant de problématiques à prendre à bras le corps.

L’AMF et la Mutualité Française s’engagent au quotidien pour répondre aux préoccupations légitimes des populations. L’opération Bulles d’Air en est l’un des exemples. Initiée par l’union régionale des Hauts-de-France de la Mutualité Française, en partenariat avec l’Éducation nationale, elle sensibilise les CM1 et CM2 aux polluants de l’air et à l’écocitoyenneté. Tandis que le Vill’âge bleu Mutualité Française Bourguignonne permet aux personnes âgées autonomes, qui veulent rester chez elles, de bénéficier d’un habitat individuel regroupé au cœur d’une ville ou d’un village d’une quinzaine de logements individuels.

(1) Sont aussi concernés : A vos soins à Saint-Nazaire en Loire-Atlantique ; Soignons humain à Lille ; le centre Pierre-Nicole de la Croix Rouge et la coopérative de Richerand à Paris.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.
Tous les champs sont obligatoires.

Ce site utilise un système anti- spams pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

A découvrir