Les supermarchés coopératifs et participatifs poussent comme des petits pains. La Louve, le premier du genre en France, est née fin 2016 à Paris. Depuis, une vingtaine d’autres ont ouvert leurs portes ou sont en projet, comme Scopéli à Nantes. Le point avec Frédéric Ratouit, l’un des initiateurs de ce futur supermarché coopératif et participatif.
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Frédéric Ratouit : Au départ, c’est venu d’un retraité qui avait entendu parler de La Louve. Intéressé par le concept, il l’a évoqué lors d’une réunion consacrée à une monnaie locale, près de Nantes. C’était au début de l’année 2016. Rapidement, un petit groupe de 6 ou 7 personnes, sensibles aux valeurs de l’économie sociale et solidaire, s’est constitué autour de lui. On s’est tout simplement dit : « Pourquoi pas nous ? ». Et on s’est vu ensuite chaque semaine pour faire avancer le projet.
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F.R. : Nous avons trouvé un local de 1 200 m² dans un quartier en plein développement à Rezé, au sud de Nantes, dans une zone commerciale « classique ». Mais il y a encore des travaux à réaliser. Une campagne de crowdfunding a été lancée, début 2017, pour récolter des fonds. Un moyen aussi de faire connaître notre démarche. Pour le reste, nous comptons surtout sur l’autofinancement, grâce aux capitaux privés des coopérateurs. Car nous souhaitons rester indépendants. Mais, pour cela, il faut être nombreux. L’association Scopéli compte plus de 2 200 foyers adhérents aujourd’hui, ce qui représente environ 3 700 personnes en tout.
Par ailleurs, le 5 juillet 2017, nous avons officiellement lancé la coopérative. Toute personne qui souhaite s’impliquer davantage dans le projet peut désormais acheter des parts sociales et ainsi devenir coopérateur. C’est possible à partir de 50 euros (une part = 10 euros). Mais les étudiants, les moins de 25 ans et les personnes en difficultés financières peuvent payer moins cher.
L’ouverture du supermarché, quant à elle, est prévue au second semestre 2018. En attendant, depuis le mois de septembre, les coopérateurs peuvent commander des produits en ligne. L’objectif : faire vivre la communauté et installer le modèle économique. Notre business plan prévoit que le chiffre d’affaires atteigne 4 à 5 millions d’euros après deux ou trois ans d’existence. Et avec environ 2 000 coopérateurs, ce serait suffisant pour fonctionner. Il y aura également des salariés. Ils auront en charge des tâches qui nécessitent un suivi régulier comme la comptabilité ou les achats. On part sur la base d’un équivalent temps plein pour 400 à 500 coopérateurs.
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F.R. : Déjà, la marge est réduite (limitée à 20 %) car notre but n’est pas de gagner de l’argent. Et le fait d’acheter en gros volume et de faire nous-mêmes de la mise en sachet ou de la découpe fait également faire des économies. Mais cela n’est possible que si les coopérateurs donnent trois heures de leur temps chaque mois. C’est grâce à leur engagement que les consommateurs-citoyens ont un « avantage prix » à la fin.
En moyenne, les produits seront vendus entre 15 et 30 % moins cher, tout en garantissant une rémunération juste aux producteurs et aux fournisseurs. Nous proposerons majoritairement du bio. Même si on ne s’interdit pas de travailler avec des gens qui privilégient la qualité sans pour autant être labellisés.
F.R. : Il y a en ce moment, en France, une envie de mieux manger, de privilégier les produits locaux. D’où le succès des circuits courts, des AMAP (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne). Le fait que ce soit des supermarchés, cela permet de toucher plus de monde, pas seulement des militants. Mais je suis persuadé que cet engouement vient plutôt d’une recherche de plus de démocratie citoyenne, d’un désir de renouer avec un lien communautaire de proximité. Les gens qui nous rejoignent nous disent : « On a envie de participer, on a envie de faire ». Et ces nouveaux supermarchés sont une belle opportunité d’être à la fois dans le sens et dans l’action. C’est ce qui attire des gens d’horizons divers : des jeunes, des plus vieux, des chômeurs, des actifs…
Au début, ce mouvement ne concernait que les grandes agglomérations. Mais il est en train de gagner de plus petites villes. Il y a par exemple un projet de supermarché coopératif et participatif aux Herbiers, en Vendée, dans une communauté de communes de 25 000 habitants.
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On vous en dit plus sur les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP).
F.R. : Je pense vraiment que c’est faisable partout, que le modèle est adaptable. Au début, il faut être au moins 5 ou 6 personnes très motivées et avoir conscience qu’un tel projet prend du temps. Il faut bien compter entre deux et trois ans pour faire naître un supermarché. Mais un petit groupe bien déterminé peut entraîner beaucoup de monde derrière lui. Et dans ces cas-là, tout est possible. Il faut avoir confiance dans la bonne volonté des autres et ne pas avoir peur de la démocratie.
Il est aussi essentiel de communiquer sur le projet en utilisant notamment les réseaux sociaux pour fédérer un nombre suffisant de coopérateurs potentiels. À Scopéli, on est contactés par ce biais toutes les semaines, par des gens qui souhaitent se lancer dans l’aventure. On est d’ailleurs en train de créer un réseau pour aider au montage de supermarchés coopératifs et participatifs. Dans une logique de logiciel libre : ce que l’on a créé, on est prêt à le donner aux autres, comme l’a fait La Louve avec nous. Ce qui renvoie aux valeurs de partage que l’on défend.