Solutions Solidaires : le monde d’après existe déjà grâce à l’ESS

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Par Alexandra Luthereau

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Un an après le début de la pandémie de Covid-19, et face à la crise que nous traversons, experts et acteurs de l'économie sociale et solidaire se sont interrogés, lors de la 3e édition de Solutions Solidaires, sur la façon d’engager des changements radicaux dans nos modèles et nos organisations. Un programme et une ambition : inventer des solidarités nouvelles.

Comment l’économie sociale et solidaire (ESS) peut-elle participer aux transitions sociales, environnementales et démocratiques auxquelles nous sommes confrontés et dont la nécessité a été accentuée avec la crise liée au coronavirus ? C’est à cette question que des experts et acteurs de l’ESS ont été invités à débattre le mardi 2 février 2021 autour de la table-ronde intitulée L’ESS au rendez-vous de la République.

ESS et République ? Si cette problématique est posée, c’est que « l’ESS a un rapport étroit avec la République », explique Timothée Duverger, directeur de la Chaire TerrESS à Sciences-Po Bordeaux. En effet, l’économie sociale et solidaire repose sur le partage des richesses, une gouvernance démocratique et la non-lucrativité de ses activités (les richesses créées sont réinvesties dans le projet plutôt que des dividendes soient versés). Cette économie rappelle d’ailleurs l’utopie de démocratisation de l'entreprise de 1830, selon laquelle « l’ESS cherche à faire descendre la République dans l’atelier », rappelle le maître de conférences.

L’ESS : un élément essentiel du contrat social et républicain

Deuxième point commun avec la République : l’ESS participe à l’intérêt général à travers l’utilité sociale de ses activités, qui rappelons-le, couvre tous les secteurs de l’économie : logement, alimentation, culture, santé, banque, assurance… et même aéronautique. « L’économie sociale et solidaire en France n’est pas un secteur marginal mais un élément essentiel du contrat social et républicain. La Sécurité sociale n’existerait pas sans le mouvement mutualiste, le crédit pour les particuliers sans les banques populaires ou le logement social », illustre Jérôme Saddier, président d’ESS France, de l’AVISE et du Crédit Coopératif, en précisant que de nombreux autres exemples existent.

Solutions Solidaires

Cette table-ronde consacrée à l’économie sociale et solidaire était l’un des débats organisés lors de la 3e édition de Solutions Solidaires. Cet événement annuel vise à mettre en lumière des initiatives et des expérimentations et à les projeter vers l’avenir.

Tous les replays des conférences sont à visionner sur la plateforme numérique de Solutions Solidaires.

L’ESS pour relever les défis écologique, numérique, démographique et démocratique

Ce contrat social et républicain fait face aujourd’hui à des défis de taille. Gabrielle Halpern, doctoresse en philosophie, auteure du livre Tous centaures ! Éloge de l’hybridation cite « les transitions écologique, numérique et démographique ». Auxquelles s’ajoute « la transition démocratique », abonde Jérôme Saddier.

Autant de défis devant lesquels l’ESS compte de nombreux atouts : son ancrage territorial, sa capacité à mobiliser des énergies citoyennes, son modèle « hybride » favorisant les pas de côté et l’interaction entre acteurs de mondes différents. Et donc encourageant l’innovation. Timothée Duverger va même plus loin en affirmant que « ce monde d’après » existe déjà « avec les solutions mises en place par l’ESS dans les territoires pour résoudre les problèmes locaux ». C’est ce que le maître de conférences appelle les « utopies locales ».

Un partenariat entre public et ESS pour l’intérêt général

Railcoop en est une illustration concrète. Lancée en 2019, cette SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) s’est donnée comme projet de « remettre sur les rails des lignes ferroviaires abandonnées par la SNCF, commente Alexandra Debaisieux, membre de la direction collégiale. Railcoop est une réponse coopérative, associant tous les acteurs d’un territoire (personnes physiques, entreprises, associations, salariés, collectivités locales…) pour apporter des réponses à un déficit d’offres ferroviaires ». En 2021, la coopérative lancera deux nouvelles lignes, une de fret entre Figeac et Toulouse, et une « voyageurs » entre Bordeaux et Lyon.

« Cet exemple montre comment l’ESS peut apporter une réponse à un problème de fracture territoriale. En transformant le risque de la libéralisation du rail en une opportunité pour réinventer la solidarité, tout en étant complémentaire de la SNCF », analyse Timothée Duverger. Et de continuer : « On parle beaucoup de partenariats public-privé, il faut aller vers des partenariats public-ESS d’intérêt général. L’État ne peut pas tout, il ne faut pas voir cela de façon défaitiste mais aller chercher les énergies ailleurs ».

La secrétaire d’État à l’Économie sociale, solidaire et responsable, Olivia Grégoire, entend favoriser la dynamique ESS. D’abord, en développant les contrats à impact* qui répondent à des problématiques sociales et environnementales, pas ou mal pris en charge par l’État. « L’idée est de soutenir des structures de l’ESS qui ont fait leurs preuves sur terrain pour les aider à changer d’échelle », explique Pierre-Alain Sarthou, directeur du cabinet d’Olivia Grégoire.

Deuxième axe de travail, le gouvernement souhaite « renforcer les initiatives et les coopérations entre les différents acteurs territoriaux » en réactivant les Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE). « Nous lancerons au premier semestre un appel à projets », précise le directeur de cabinet.

Enfin, troisième des solutions à encourager : les joint-venture sociales (co-entreprises sociales), qui « permettent de créer des projets entre acteurs de l’ESS et acteurs privés, chacun au même plan d’égalité ».

Une plateforme participative : la République ESS

De son côté, ESS France a lancé, fin 2020, une plateforme participative. La République de l’ESS, c’est son nom, invite les citoyens et les acteurs de l’économie sociale et solidaire à formuler des propositions, en débattre pour définir un projet politique et collectif incarné par l’ESS face aux enjeux économiques, sociaux, environnementaux, voire démocratiques. « Cette plateforme vise à donner un cadre “politique”, avec des guillemets, car non partisan, à l’ESS. Autrement dit, lui donner une ambition plus large que ses seules activités », souligne le président d’ESS France.

Timothée Duverger de conclure : « l’ESS contribue à l’intérêt général, elle peut accueillir des énergies citoyennes sur des territoires, qui permettent ces transitions. C’est une histoire ancienne qui peut devenir l’avenir ».

* Le contrat à impact renouvelle le financement des projets innovants à impact social et environnemental portés par les acteurs du monde de l’économie sociale et solidaire. Dans ce dispositif, les projets sont financés par des investisseurs privés et/ou publics, que l’État rembourse si ces projets atteignent les objectifs préalablement fixés.

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