Territoires zéro chômeur de longue durée : une utopie réaliste ?

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Par Angélique Pineau

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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© DR Territoire zéro chômeur de longue durée de Loos

Lancée en 2017, l’expérimentation des territoires « zéro chômeur de longue durée » vise à la fois à créer des emplois et à redynamiser des territoires. Où en est-on aujourd’hui ? Le point avec Laurent Grandguillaume, président de l’association Territoires « zéro chômeur de longue durée ».

Quel est le principe des territoires « zéro chômeur de longue durée » ?

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Les activités créées dans les territoires sont imaginées par les personnes recrutées (crédit Jean-Michel Libion).

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Et combien d’emplois ont été créés ?

L.G. : Les dix territoires ont créé une entreprise à but d’emploi (EBE) pour pouvoir recruter des chômeurs de longue durée. En dix-huit mois, les EBE ont déjà embauché environ 650 personnes en contrat à durée indéterminée. Par ailleurs, plus de 350 personnes ont retrouvé un emploi dans le territoire sans passer par l’EBE. Elles ont peut-être bénéficié de la dynamique territoriale, c’est-à-dire des liens entre les différents partenaires réunis autour de ce projet de territoire « zéro chômeur de longue durée ». Parfois, leur profil correspondait tout simplement au besoin identifié par l’un d’entre eux. Au final, plus de 1 000 personnes ont ainsi pu sortir du chômage de longue durée.

Deux territoires (Pipriac en Ille-et-Vilaine et Mauléon dans les Deux-Sèvres) sont même proches de l’exhaustivité. C’est-à-dire qu’ils ont proposé un emploi quasiment à l’ensemble des chômeurs de longue durée présents sur leur périmètre.

Mais ces CDI bénéficient-ils vraiment aux personnes les plus éloignées de l’emploi ?

L.G. : Oui, car on n’est pas un dispositif défini par un ministère où, pour pouvoir en bénéficier, vous devez rentrer dans une case avec des critères très précis. Et pour qu’il y ait des résultats, on cible d’abord ceux qui ont le plus de chances de retrouver rapidement un emploi. Dans les entreprises à but d’emploi (EBE), il n’y a pas de sélection à l’entrée, si ce n’est qu’il faut être en situation de chômage de longue durée. Ce qui permet de toucher les personnes les plus en difficultés. Pour preuve, en moyenne, les salariés des EBE étaient auparavant au chômage depuis plus de quatre ans.

Les territoires y gagnent aussi beaucoup. Car ces entreprises créent des activités utiles qui génèrent du lien social et de l’activité économique, tout en contribuant à la transition écologique. Et l’emploi amène des recettes fiscales, des cotisations sociales… C’est donc un cercle vertueux. Sans oublier bien évidemment le bien-être pour les personnes qui ont décroché un CDI.

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Les personnes embauchées étaient au chômage depuis plus de quatre ans en moyenne (crédit Jean-Morgane Gaillard).

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Le bilan est positif. Mais quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

L.G. : Les difficultés des entreprises à but d’emploi (EBE) sont ni plus ni moins les mêmes que dans n’importe quelle entreprise qui vient de se lancer. Ce n’est pas simple, la première année, de dégager un chiffre d’affaires suffisant. Il faut du temps pour faire connaître ses activités sur un territoire (certaines démarrent plus vite que d’autres), pour nouer des partenariats et trouver des clients. Il faut du temps également pour que les équipes se connaissent et apprennent à bien fonctionner ensemble. En clair, les EBE sont des entreprises comme les autres, avec l’humain au cœur de leur projet.

D’autres villes ou communautés de communes voudraient elles aussi devenir des territoires « zéro chômeur de longue durée » ?

L.G. : Plus de 140 territoires intéressés nous ont déjà contactés, avec tout type de profils : urbains, ruraux et périurbains. Et même parfois des très grandes villes comme Marseille ou Bordeaux. On reçoit des e-mails et des appels tous les jours, pas seulement de France, mais aussi de Belgique, des États-Unis… De grandes institutions internationales, comme l’OCDE* ou la Commission européenne, veulent également en savoir plus sur la démarche.

* OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques.

Emmanuel Macron a justement annoncé dans son plan « pauvreté » la volonté d'étendre cette expérimentation à davantage de territoires…

L.G. : C’est une très bonne nouvelle et une reconnaissance de tout le travail effectué. Cela montre que les pouvoirs publics comprennent l’utilité du projet. Mais maintenant, pour pouvoir réellement l’étendre, il faut qu’il y ait une deuxième loi. Car la première se cantonne uniquement à l’expérimentation sur ces dix territoires. On espère qu’elle arrivera dès 2019 et qu’elle permettra à un maximum de nouveaux territoires de nous rejoindre. C’est pourquoi on ne souhaite pas forcément que cette loi en définisse un nombre précis. L’idée serait que tous ceux qui sont prêts puissent se lancer. Car plus ils seront nombreux, moins il y aura de chômeurs de longue durée dans notre pays.

Vous présentez souvent ce projet comme une « utopie réaliste ». Elle n’a jamais été aussi réaliste qu’aujourd’hui ?

L.G. : Exactement, et on a bien l’intention de faire en sorte qu’elle le devienne de plus en plus. On espère qu’elle va se multiplier dans de nombreux territoires. En France comme ailleurs. Le projet n’appartient à personne en particulier. Il est né dans la société civile, il a été imaginé au départ par l’association ATD-Quart Monde. Et ce qui est important aujourd’hui, c’est que chacun puisse se l’approprier.

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