Comment faire pour que les masques nous protègent de la Covid-19 sans être une catastrophe environnementale ?

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Par Patricia Guipponi

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Plus de 24 millions de masques à usage unique sont jetés chaque semaine sans qu’aucune filière de traitement de ces déchets n’existe. Un consortium de médecins, scientifiques et industriels planche sur leur possible réutilisation, tandis que deux entreprises ont développé des solutions de recyclage.

Le masque est seul moyen de se protéger et de préserver autrui de la Covid-19, avec les mesures de distanciation et le lavage des mains. Il s’est imposé dans la tenue vestimentaire quotidienne, obligatoire en milieux clos et au travail, hors bureau individuel.

Les Français en utilisent plus de 24 millions chaque semaine. Principalement des chirurgicaux, à usage unique, qui vont finir dans une poubelle, pas forcément la bonne, ou par terre, négligemment abandonnés par leurs propriétaires.

On estime que 400 à 450 ans sont nécessaires pour qu’un masque se dégrade. Le problème est donc de taille. D’autant plus qu’il n’existe aucune filière de traitement à grande échelle de ces déchets dont les stocks augmentent considérablement.

Combiner le lavage et la stérilisation

Un consortium de médecins, scientifiques et industriels* s’est constitué dès le mois de mars. Leur mission : trouver des pistes pour une possible réutilisation des masques usagés. « Notre objectif est sanitaire et écologique », témoigne Philippe Cinquin, chercheur à l’université Grenoble-Alpes, au laboratoire TIMC-Imag. Les équipes travaillent sur les masques chirurgicaux et les FFP2. Elles planchent sur des solutions applicables aussi bien en milieu professionnel que par le grand public.

Les recherches en laboratoire ont démontré que le lavage en machine à 60 degrés, avec détergent, combiné à une méthode de stérilisation, conservait les propriétés de filtration des masques chirurgicaux. « Par stérilisation, on entend destruction des micro-organismes, les virus, et les bactéries qui sont plus résistantes. Cela peut être fait en autoclave, sous la pression vapeur à 121 degrés pendant vingt minutes », indique le professeur Philippe Cinquin.

La stérilisation peut aussi s’effectuer par l’exposition à l’oxyde d’éthylène ou par irradiation avec des rayons gamma ou beta. « Cette étape n’est nécessaire que si l’on traite simultanément, en milieu professionnel, plusieurs masques chirurgicaux. Il faut se prémunir du risque de contamination bactérienne croisée. » La bactérie portée par un professionnel, non détruite par le simple lavage, risquerait de contaminer un autre professionnel. En milieu familial, tous les membres de la famille partagent le même environnement bactérien. Le problème ne se pose donc pas. « De ce fait, le lavage à 60 degrés avec détergent semble suffisant, comme pour les masques en tissu. »

Dans l’attente d’essais sur des volontaires

Il est possible d’éliminer le SARS-CoV-2, tout en conservant les propriétés de filtration des masques FFP2, après plusieurs cycles de décontamination, dans les conditions de salissure recommandées par les normes. « L’exposition à l’oxyde d’éthylène est concluante. » Un chauffage à 90 degrés durant 60 minutes donne aussi des résultats satisfaisants. « Ainsi que la chaleur humide à 70 degrés pendant une heure, ou encore les Ultraviolets C… », poursuit le chercheur.

Avant la possible mise en œuvre de ces dispositifs, il est indispensable de vérifier que les performances des masques chirurgicaux et des FFP2 sont conservées lors des cycles combinant plusieurs usages et décontaminations. Cela nécessite une recherche interventionnelle sur la personne humaine, soumise à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. « Par ailleurs, il faut que soit abrogé le décret qui interdit la réutilisation de dispositifs à usage unique », précise Philippe Cinquin.

Dérogation pour mener ses missions de traitement

Chaque année, 8 000 tonnes de produits usagés sont ramassées en milieu hospitalier par la société Cosmolys, située à Avelin, près de Lille. Pionnière dans la collecte et le traitement des produits d’activités de soins à risques infectieux, dont font partie les masques, l’entreprise a obtenu une dérogation pour mener ses missions particulières. En effet, le cadre législatif impose d’incinérer ou d’enfouir ces déchets selon des normes très strictes.

Après tri, désinfection, broyage, le polypropylène obtenu est réutilisé dans la composition d’emballages médicaux, tels que les boîtes à aiguilles. L’Etat se montre très intéressé par cette piste de recyclage pour les masques. Cela pourrait encourager le développement d’une filière à grande échelle dans l’Hexagone.

En juin, l’entreprise Plaxtil a lancé la première solution circulaire de recyclage des masques sur l’agglomération du Grand-Châtellerault (Vienne), où une cinquantaine de bornes de collectes ont été installées. Plus de 70 000 masques, décontaminés et broyés dans un tunnel d’ultraviolets, ont été transformés. Le plastique résultant est utilisé pour fabriquer par moulage tout type d’objet. Plusieurs collectivités ont fait savoir qu’elles seraient partantes pour adopter le procédé sur leur territoire.

 *Ce consortium national regroupe des CHU, des CHRU, des universités, des laboratoires, le CNRS, l’Inserm, entre autres. Il a été lancé à l’initiative du CHU de Grenoble.

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