Habitat, transports, aménagement du territoire : comment mettre en place une démarche de sobriété ?

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Par Juliette Plouseau

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© Mouvement Impact France

Un débat intitulé « Sobriété = proximité ? » était organisé à l’occasion des Universités d’été de l’économie de demain, le 30 août 2022 à Paris*. L’objectif : tenter de trouver des clés pour mettre en œuvre la sobriété dans les transports, le logement ou encore en matière d’aménagement du territoire.

La sobriété est un sujet qui s’impose de plus en plus dans le débat public. Une journée était d’ailleurs consacrée à cette thématique, dans le cadre des Universités d’été de l’économie de demain le 30 août 2022. Mais concrètement, quelles mesures permettraient d’accélérer la mise en œuvre d’un mode de vie plus sobre dans les territoires ? La proximité est-elle l’une des clés pour parvenir à cette sobriété ?

La sobriété passe par une mobilité « zéro carbone »

« Nous pouvons tous avoir un bilan « zéro carbone » dans notre usage de la mobilité d’ici 2050**. Mais il n’y a pas un seul bouton sur lequel appuyer pour y parvenir. Et cette opportunité doit être accessible à tout le monde, quel que soit l’endroit où l’on habite », assure Clément Beaune, ministre délégué aux Transports. « Il ne s’agit pas uniquement de faire "un peu moins" ou "un peu différemment". Il faut vraiment aller plus loin dans cette démarche de sobriété. »

Un point de vue partagé par Philippe Bihouix, directeur général d’Arep (Architecture recherche engagement post-carbone), qui revendique également la mise en œuvre d’une sobriété plus globale, plus en profondeur. Il insiste notamment sur la notion de « démobilité ». Autrement dit, un aménagement du territoire qui permettrait de revitaliser les campagnes, les bourgs, les villes moyennes, et ainsi de limiter les besoins de de se déplacer pour aller se faire soigner, aller au travail ou encore emmener ses enfants à des activités.

Pour Philipe Bihouix, « quand on parle de mobilité, il ne faut pas non plus uniquement se focaliser sur la construction de véhicules électriques. Il faut également encourager l’accès à des voitures plus petites, moins puissantes et qui consomment beaucoup moins. ».

Emploi et proximité

Autre sujet très étroitement lié à celui de la mobilité : la question de l’emploi. Catherine Touvrey, directrice générale d’Harmonie Mutuelle, témoigne de l’organisation de son entreprise. Ainsi, au lieu d’avoir ses 5 000 salariés concentrés sur un seul et même site, la mutuelle a choisi de maintenir 150 sites partout en France.

« Pendant les quarante dernières années, dans une logique d’optimisation, on a spécialisé les territoires, les lieux d’habitation et de travail. La distance entre le lieu de vie et d’emploi n’a pas cessé d’augmenter. Les entreprises ont donc un vrai rôle à jouer dans les logiques territoriales », constate-t-elle.

Habitat plus sobre : mieux utiliser l’existant

La quête de la sobriété s’applique aussi à l’habitat. « Dans les logements et les bureaux, la sobriété consiste tout d’abord à baisser le chauffage et à ne pas mettre la climatisation. Ce ne sont pas des mesures symboliques », souligne Philippe Bihouix. Mais là encore, il estime qu’il faut monter d’un cran sur le sujet, notamment en matière de construction. « La sobriété ne passe pas seulement par le fait de faire de l’éco-construction en bois », ironise-t-il.

Il faut, selon l’expert, construire « moins et mieux », en commençant par optimiser l’utilisation du patrimoine bâti existant. 8 millions de logements en France seraient sous-occupés. Si ces derniers étaient mieux utilisés, cela permettrait d’accueillir 12 millions de personnes*** sans avoir à construire un seul mètre carré.

« Les logements vacants sont bien souvent situés dans des zones moins tendues, en dehors des métropoles. Il y a donc un défi à relever pour réussir à attirer les populations dans ces secteurs », ajoute Philippe Bihouix.

Changer les comportements collectifs et individuels pour plus de sobriété

Mais comment parvenir à faire accepter la sobriété aux Français et les changements que cela implique ? Pour Catherine Touvrey, « la prévention et la sobriété sont finalement des sujets similaires. Dans les deux cas, il faut se pencher sur la manière de faire évoluer les comportements, qu’ils soient individuels ou collectifs ».

Pour y parvenir, elle retient trois critères d’actions « indissociables » :

  • Tout d’abord celui du consentement et de l’acceptabilité.
  • Vient ensuite la problématique de l’infrastructure ou de la faisabilité, pour laquelle se pose la question des moyens.
  • Et enfin, « il faut aussi pouvoir agir sur le comportement lui-même ».

Catherine Touvrey précise que les changements de comportements se jouent auprès de trois catégories d’acteurs :

  • les individus, qu’ils soient citoyens, patients ou encore automobilistes ;
  • les pouvoirs publics, au niveau national et local ;
  • les structures de droit privé, et notamment les entreprises.

« Si l’un de ces acteurs n’est pas au rendez-vous, les autres auront assez peu de chance d’être au niveau », ajoute-t-elle.

L’exemple de la mobilité à vélo

Pour illustrer son propos, la directrice générale d’Harmonie Mutuelle fait un parallèle avec la mobilité à vélo. Elle souligne que cette activité physique a fait la preuve de son impact majeur sur le diabète ou l’hypertension par exemple mais aussi sur d’autres maladies chroniques.

Aujourd’hui, chaque kilomètre de vélo parcouru au quotidien permettrait d’éviter 70 centimes de dépenses de santé. « Si je fais un calcul sur la population couverte par Harmonie Mutuelle, si on arrive à convaincre 5 % de nos adhérents de prendre leur vélo plutôt que leur voiture pour aller travailler, ce serait 100 millions d’euros par an économisés à la collectivité. Mais pour cela, il faut notamment des infrastructures », explique Catherine Touvrey.

Elle constate qu’il existe aujourd’hui, concernant la mobilité à vélo, deux catégories de personnes : les gens qu’il faut réussir à convaincre de prendre un vélo et ceux qui en ont envie mais qui ne passent pas le cap pour diverses raisons. Ils peuvent avoir peur, habiter très loin de leur travail, etc. « Il y a donc, comme on peut le voir avec cet exemple, un travail important à mener sur les comportements, pour rendre faisable ces changements. »

* Les Universités d'été de l'économie de demain sont organisées depuis 2018 par le Mouvement Impact France. Ce dernier est un réseau réunissant des entrepreneurs ayant la volonté de mettre l'impact écologique et social au cœur de leur entreprise.

La sobriété, qu’est-ce que c’est ?

« Si la notion est mobilisée par un grand nombre d’acteurs dans les champs politique et scientifique ou dans le débat public, il n’y a pas aujourd’hui de consensus sur la définition », souligne l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

L’Ademe a néanmoins tenté d’apporter une définition à cette notion. « Dans un contexte où les ressources naturelles sont limitées, la sobriété consiste à nous questionner sur nos besoins et à les satisfaire en limitant leurs impacts sur l’environnement. Elle doit nous conduire à faire évoluer nos modes de production et de consommation, et plus globalement nos modes de vie, à l’échelle individuelle et collective. »

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