Nicolas Hulot : « Arrêtons de croire que le changement climatique, c’est pour plus tard »

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Par Propos recueillis par Angélique Pineau

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© Sébastien Duhamel

À quelques jours de la COP 21, la conférence sur le climat qui réunit à Paris de nombreux chefs d’État, Nicolas Hulot rappelle l’urgence à agir.

Quels sont les principaux enjeux de la COP 21, la conférence sur le climat ? Et pourquoi y a-t-il urgence ?

Nicolas Hulot : L’urgence à agir ne fait plus aucun doute et est rappelée COP après COP, rapport après rapport, discours après discours. L’enjeu principal, c’est que les 195 pays qui seront à Paris s’engagent sur des réductions d’émissions de gaz à effet de serre assez ambitieuses pour permettre de limiter le réchauffement climatique à + 2 degrés, ce qui est déjà beaucoup. Mais, au-delà, c’est surtout dans les mesures qui seront décidées par les États qu’on pourra juger de la réussite de la conférence de Paris. En particulier sur les financements : les pays industrialisés vont-ils tenir leur engagement, pris à Copenhague en 2009, d’aider les pays en développement à hauteur de 100 milliards de dollars par an (argent public + privé) d’ici 2020 ?

Cette conférence est en quelque sorte une des dernières chances pour l’humanité de se ressaisir et de ne pas rentrer dans un scénario irréversible aux conséquences qui le seront tout autant. Paris est un moment de vérité.

Êtes-vous optimiste sur le fait qu’on parviendra à des engagements importants ?

N. H. : Il n’est plus temps ni d’être optimiste ni pessimiste, mais de tout tenter pour aboutir à un accord ambitieux. À la Conférence de Paris, pour la première fois, les 195 pays vont mettre sur la table des engagements chiffrés. C'est inédit dans l’histoire de la communauté internationale. À ce stade rien n’est joué, et mieux vaut être inquiet, plutôt que trop optimiste et se prendre finalement une douche froide, comme à Copenhague.

Derrière les chiffres, les statistiques, les degrés de réchauffement climatique, il y a des réalités plus concrètes qui nous menacent. Lesquelles par exemple ?

N. H. : Il faut arriver à faire comprendre, et pour l’instant force est de constater qu’on n’y arrive pas encore, que le défi climatique n’est pas qu’une simple question environnementale, mais au contraire l’enjeu qui détermine tout le reste : la paix et la stabilité géopolitique, la santé, l’économie, les emplois, l’agriculture et l’alimentation, le vivre-ensemble.

Quels liens faites-vous entre climat et santé ?

N. H. : Bien sûr, on pense d’abord aux événements extrêmes, qui vont se multiplier avec le réchauffement climatique. Le dérèglement est malheureusement déjà une réalité tout autour du globe et touche les plus fragiles. En 2007, le cyclone au Bengladesh a causé 3 400 morts. En Afrique, en 40 ans, le lac Tchad a perdu 90 % de son volume d’eau potable avec des conséquences sévères sur l’accès à l’eau et donc sur la santé des peuples qui vivent autour. L’Europe ne sera pas épargnée et il y aura aussi des conséquences sur les maladies chroniques, par exemple sur les allergies.

Selon vous, le réchauffement climatique est « l’injustice ultime ». Pourquoi ?

N. H. : Car le réchauffement climatique va toucher en priorité les plus faibles. Il frappe d’emblée les plus vulnérables : les populations qui non seulement n’ont pas profité de notre mode de développement, mais qui en subissent le plus les effets négatifs. Développement qui s’est fait parfois sur leur dos en utilisant leurs ressources naturelles et leurs populations. Cette nouvelle humiliation, dans un monde divisé et tendu, où toutes les injustices sont connues de tous, peut achever de fracturer l’humanité. La faire basculer dans un fossé de haine et d’incompréhension. Nous devons faire face à cette réalité et agir.

Au quotidien, on pense souvent que de petits gestes ne servent à rien, que leur impact sera trop faible. Une excuse pour ne rien faire ?

N. H. : Ne négligeons pas les petits gestes, ils restent essentiels pour que chacun puisse se sentir acteur du changement. Mais il faut maintenant que les citoyennes et les citoyens aillent plus loin. Chacun peut faire des choix encore plus engageants et qui accéléreront la transition : choisir une électricité 100 % issue de sources renouvelables, choisir une banque qui n’investit pas dans les énergies fossiles, favoriser le vélo ou le vélo électrique pour ses déplacements quotidiens (ce qui a aussi des conséquences positives pour la santé !), lutter contre le gaspillage alimentaire, manger bio, et aussi… faire entendre sa voix en signant l’appel que je lance « Chefs d’État, osez » et en participant à la grande marche pour le climat qui aura lieu le 29 novembre à Paris, la veille de l’ouverture de la COP 21. C’est ce type d’engagements que je propose dans mon livre.

Le problème, c’est qu’en période de crise économique, les citoyens ont parfois d’autres préoccupations, une vision à plus court terme…

N. H. : Nous sommes tous prisonniers des difficultés de tous les jours. Mais arrêtons de croire que le changement climatique, c’est pour plus tard. C’est aujourd’hui que tout se joue. Et arrêtons aussi de croire ou de faire croire que la lutte contre le réchauffement climatique aggravera nos difficultés. Au contraire ! Par exemple, en France, les estimations officielles évaluent à 300 000 le nombre d’emplois créés ou sauvegardés si on s’engage enfin résolument dans la transition énergétique. Et, pour chaque foyer, adopter un mode de consommation plus sobre, c’est aussi faire des économies. Réduire les inégalités et lutter contre le réchauffement climatique, c’est une même – et une belle – ambition.

Fin 2012, en tant que président de votre fondation, vous avez été nommé à titre bénévole Envoyé spécial du Président de la République pour la protection de la planète. En quoi consiste votre rôle ?

N. H. : J’occupe ce poste depuis maintenant bientôt trois ans. C’est une mission transversale : transcender les clivages, les cadres et les milieux pour essayer de créer une dynamique de convergence sur les sujets environnementaux et climatiques qui sont d’une rare complexité et qui ne peuvent s’accommoder ni d’une approche verticale, ni d’une approche cloisonnée. Mon rôle, c’est de rapprocher les points de vue, de développer en fonction des interlocuteurs des arguments très différents selon leur sensibilité, leur compétence ou leur situation. Cela peut aller d’arguments éthiques, si ceux-ci sont recevables ou audibles, à des arguments économiques ou de géopolitique et de stabilité. Je veux être un facilitateur.

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