Désormais, il ne sort plus courir sans ses gants et son sac poubelle. Adepte de la course à pied depuis plusieurs années, Vincent Lavallez s’est découvert cet été une nouvelle passion : le plogging. Plogging, vous dites ? Derrière ce néologisme venu du Nord de l’Europe – il est la contraction du terme suédois « ploka upp », qui signifie ramasser, et du mot jogging – se cache une activité toute simple : profiter de sa séance de running pour collecter les déchets qui jonchent le sol.
« J’ai commencé sur la plage, pendant mes vacances, raconte Vincent, employé dans une collectivité. À mon retour, je me suis dit : « Cette fois-ci, j’y vais ». En tant que joggeur, on repère régulièrement des détritus, mais on n’y fait pas forcément attention… Maintenant, je ne vois plus que ça ! »
Bouteilles en plastique, papiers, canettes voire bidons d’huile : le sportif – qui consacre les deux derniers kilomètres de son parcours au ramassage – glane tout ce qui dénature le paysage, fait le tri chez lui et poste des photos de sa récolte sur les réseaux sociaux.
« C’est une façon de sensibiliser les gens, de les faire réfléchir à leurs comportements individuels, explique le trentenaire. Nous-mêmes, en famille, nous avons commencé à changer nos habitudes de consommation. Nous n’achetons plus d’eau en bouteille et nous essayons de limiter au maximum les emballages. Même si c’est parfois désespérant de voir tout ce qu’on peut trouver par terre, le plogging me donne le sentiment de contribuer au bien-vivre ensemble. C’est même devenu une source de motivation supplémentaire pour chausser mes baskets ! »
Vincent est loin d’être le seul partisan du plogging. Depuis plusieurs mois, l’activité enthousiasme les Français qui, de Lille à Marseille en passant par Paris ou Bordeaux, se mobilisent – seuls ou en groupe – pour soutenir le mouvement.
Chaque année, en septembre, les ploggeurs sont tous à pied d’œuvre à l’occasion du World Clean Up Day, gigantesque opération de nettoyage internationale qui fédère les habitants de nombreux pays. A Nantes, des centaines de volontaires, réunis sous la houlette de l’association Run Eco Team, se donnent rendez-vous pour nettoyer des kilomètres de rues. « Les gens se manifestent très vite : en moins d’un mois, nous réunissons suffisamment de participants », se réjouit Nicolas Lemonnier, créateur de Run Eco Team qui, dès 2016, soit avant même l’apparition du terme plogging, avait lancé le concept en France.
Aujourd’hui, l’association, qui compte 50 000 membres dans le monde – et 15 000 dans l’Hexagone – constitue le fer de lance de cette pratique mi-sportive, mi-écologique.
« Le fait de courir et de ramasser des déchets est une manière simple et positive de lutter pour la sauvegarde de la planète, analyse l’ostéopathe nantais, dont l’association a suscité l’admiration de Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook. Les membres de Run Eco Team et toutes les personnes qui participent aux événements que nous créons ne sont pas des activistes altermondialistes. Ce sont des citoyens lambda qui veulent faire du sport et mettre la main à la pâte. Nous ne sommes pas non plus là pour faire la morale et les gens aiment bien ça. Je pense que tout cela fait que le phénomène est voué à prendre de plus en plus d’ampleur. »
Sans compter que l’exercice, accessible à tous, séduit par sa souplesse. « Même si les gens marchent, on les accepte ! sourit Baptiste Massin, coach sportif au Puy-en-Velay, qui a organisé un plogging dans sa ville en avril. Il n’y a pas de limite à la pratique ni de préparation physique spécifique. L’objectif n’est pas de réaliser une performance. Ce qui est intéressant avec le plogging, c’est que cela peut aussi être une passerelle pour commencer à faire du sport, notamment pour les personnes qui ont peur de se lancer dans le running. »
L’activité présente également des atouts par rapport à la course à pied « classique » : l’entraînement fractionné – on court, on s’arrête – induit une dépense calorique plus importante, les flexions jouent sur le renforcement musculaire et le port du sac fait travailler les bras.
« Le plogging est une activité assez complète qui permet également de personnaliser les séances », ajoute Baptiste Massin. Ainsi, les férus de running peuvent s’attaquer aux « gros » déchets, plus espacés sur le parcours, tandis que les moins athlétiques sont invités à se concentrer sur une zone où pullulent, par exemple, papiers et mégots. « Marcher en position accroupie leur permet ainsi de muscler les cuisses », précise le coach.
Attention toutefois, prévient le professionnel du sport, à adopter les bonnes postures. Sinon les chevilles, les genoux et le dos risquent de souffrir lors de l’exercice. « Il faut ralentir quand on approche d’un déchet et se pencher un peu comme si on faisait un squat, autrement dit écarter un peu les pieds, mettre les fesses en arrière, serrer le ventre et garder le dos droit. L’alternative consiste aussi à faire une fente en mettant un pied devant et l’autre derrière », détaille le jeune homme, dont l’initiative a été saluée par le maire du Puy-en-Velay, Michel Chapuis. Pour éviter tout risque de blessure, la municipalité fournira d’ailleurs aux recrues des prochains plogging des pinces ramasse-déchets disposant d’un long manche.
Les communes sont en effet de plus en plus nombreuses à encourager ce mouvement écocitoyen et soutiennent logistiquement (promotion de l’événement, sécurisation du parcours) les rendez-vous plogging. « Au début, les élus étaient un peu frileux, mais notre but n’est pas de dénoncer la saleté de leur ville, souligne Nicolas Lemonnier. Nos actions ne signifient pas non plus que les agents municipaux font mal leur travail. La plupart du temps, les déchets que nous ramassons se trouvent dans des zones difficiles d’accès (buissons, bords de ruisseaux…). »
L’engouement est tel qu’il a même atteint l’Élysée : Nicolas Lemonnier a rencontré les conseillers d’Emmanuel Macron et ceux-ci ont été « très emballés par l’idée de faire courir le président pour la planète », assure le bénévole. De quoi donner au plogging un coup de projecteur supplémentaire…
Comment se mettre au plogging ?
Si vous voulez, vous aussi, contribuer à la préservation de votre cadre de vie tout en faisant du sport, c’est très simple. Vous pouvez déjà vous lancer seul : lors de votre prochain jogging, en forêt ou en ville, prévoyez gants et sac poubelle pour ramasser les détritus que vous croiserez inévitablement sur votre chemin.
Si vous souhaitez rejoindre – voire créer – un groupe dans votre quartier, consultez le site de l’association Run Eco Team. Vous trouverez aussi sur Facebook, ville par ville, les groupes déjà existants (Run Eco Team Toulouse, Lyon, Rouen…).