Tourisme durable : ils ont décidé de voyager autrement

Publié le

Par Natacha Czerwinski

Temps de lecture estimé 7 minute(s)

Artur se lance au moins une fois par an dans une aventure à vélo. Ici, en novembre 2022, sur le GR 736, le long du Tarn.
© Patrick Lamarre

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Face à l’urgence climatique et aux impacts environnementaux et sociaux du tourisme traditionnel, de plus en plus de citoyens adoptent une approche des vacances plus écoresponsables. Témoignages.

Aurélien le reconnaît avec humour : compte tenu de son passé de grand voyageur, son bilan carbone est « épouvantable sur plusieurs générations ». « J’ai vécu pendant 20 ans à l’étranger (10 ans au Japon, 10 ans en Corée), raconte cet enseignant en langues de 46 ans. Pendant cette période, je rentrais au moins une fois par an en France et j’ai souvent emprunté l’avion sur de courtes distances (je suis ainsi allé à Taïwan, aux Philippines ou encore en Australie). Mais, à l’époque, je n’avais pas conscience de mon impact. »
Depuis son retour en France, il y a trois ans, Aurélien a décidé d’adopter un mode de vie plus durable – et de partir en vacances autrement. « Je ne prends plus l’avion et j’essaie de limiter la voiture, je fais essentiellement du vélo et de la marche à pied, raconte celui qui a élu domicile à Avignon. Pour les distances les plus longues, je prends le train, je pars en France ou pas très loin. Et j’ai fait des voyages exaltants ! Déjà, j’ai redécouvert mon pays natal – les territoires autour du Mont Ventoux sont extraordinaires. L’année dernière, je me suis aussi rendu jusqu’en Allemagne à vélo, en passant par les Alpes, la Suisse et l’Alsace. Au rythme de la bicyclette, on profite davantage de tous ces paysages magnifiques. Et j’étais fasciné de découvrir que, sans être un immense sportif, je pouvais faire 100 à 120 km dans la journée ! »
Si le quadragénaire a apprécié ce voyage, c’est aussi pour sa dimension humaine. « J’ai pensé mon parcours en ‘reliant les points’ entre les gens que je connaissais, explique-t-il. Ce mode d’hébergement répondait à un enjeu financier (difficile d’aller à l’hôtel tous les soirs pendant trois semaines !), mais c’était aussi l’occasion de partager de bons moments. D’ailleurs, pour mes prochaines vacances, j’ai prévu d’aller visiter le Massif central à vélo ; et, comme je n’ai pas de réseau familial ou amical là-bas, je pense m’arrêter dans des éco-lieux ou faire du wwoofing. »

« Le temps du trajet est l’occasion de prendre du recul »

Marie-Alix garde, elle aussi, un souvenir marquant de la semaine qu’elle a passée, il y a quelques années, dans une ferme près du Mans – une expérience qui a été déterminante dans sa façon de repenser ses vacances. « Même si ce n’était pas très loin de chez moi, j’ai trouvé ce séjour très dépaysant, car c’était un mode de vie que je ne connaissais pas et j’ai beaucoup appris, explique cette ingénieure de 33 ans, qui vit au Luxembourg. Il se trouve que, juste après, je suis allée en Iran. Les paysages étaient magnifiques mais, comme je ne comprenais pas la langue, j’ai eu le sentiment d’avoir un aperçu très superficiel du pays… Cela m’a fait réfléchir à ce que je mets dans la notion de voyage. »
La jeune femme, sensible de longue date aux questions environnementales, a décidé de renoncer à l’avion après avoir fait un bilan carbone en ligne. « J’ai réalisé que tous mes écogestes du quotidien étaient balayés par un simple voyage en avion. Désormais, je ne prends plus que le train ou le bus et j’apprécie énormément le temps du trajet, qui est pour moi l’occasion de lire, de réfléchir et de prendre du recul. Plutôt que d’aller le plus vite possible d’un point A à un point B, l’idée est de profiter de chaque étape du voyage. Par exemple, avec mon conjoint, nous nous sommes rendus en Corse, depuis le Luxembourg, en train, en faisant d’abord un arrêt près de Metz pour un week-end dans une ferme, puis à Paris et à Toulon pour rendre visite à des amis. »
Si la trentenaire ne vit pas son choix comme un sacrifice (« j’ai pris l’avion plusieurs fois dans ma vie, souvent pour de longs séjours, et j’ai conscience de ma chance », assure-t-elle), elle sait aussi que son engagement a un coût. « Les différences de tarifs sont tellement importantes que les choix de transports alternatifs ne sont pas accessibles à tous. Mais, en voyageant de nuit, on peut économiser un peu sur l’hébergement. »
Pour être écoresponsable une fois sur place, la jeune femme préfère d’ailleurs éviter de séjourner dans un hôtel et privilégie les locations. « Le fait d’avoir une petite cuisine permet d’acheter moins de produits emballés », indique Marie-Alix qui, pour ses déplacements locaux, mise aussi sur le train, le bus ou le vélo.

« Briser la coquille individualiste »

Pour réduire son impact carbone pendant ses voyages, Artur, 63 ans, est également un adepte du vélo, mais avec une démarche encore plus aventureuse ! « Ce que j’aime particulièrement, c’est faire de grandes traversées à vélo, en autonomie, seul ou avec des amis, raconte cet illustrateur graphiste, qui vit à Montpellier. J’ai commencé, il y a une quinzaine d’années, par des tours de région (Massif central, Provence…).
Puis, j’ai fait de plus en plus long jusqu’à participer, il y a cinq ans, à la French Divide. Cette course mythique relie la frontière belge au Pays basque, soit 2200 km à faire en 15 jours, sans assistance. Les années suivantes, j’ai fait une autre diagonale, de Roscoff à Montpellier, deux traversées du Portugal et de l’Espagne, plusieurs tours de pays… Et, en mars, je me suis rendu à Rennes, depuis Montpellier, pour assister au Congrès de la Fédération des usagers de la bicyclette. Mon objectif était de montrer qu’il existe, en milieu rural, de nombreuses initiatives pour se déplacer autrement qu'en voiture. Sur cette traversée, des inconnus m’ont proposé de m’héberger, c’était assez incroyable. »
Ce qui plaît à ce militant des transports alternatifs, ce n’est pas tant le défi sportif que, dit-il, « la simplicité et l’ouverture à son environnement » inhérentes à ces expériences hors normes. « Voyager de cette manière permet de briser la coquille individualiste car, à un moment donné, on a forcément besoin des autres, souligne Artur. De plus, il faut composer avec la météo, l’inconfort du bivouac, parfois le manque de nourriture… Cette improvisation fait partie de l’aventure et j’apprécie ce côté ‘dépouillé’. »

Découvrir les paysages au rythme du train

Pour leur part, c’est grâce au train que Marina et son conjoint ont vécu leurs plus belles vacances. Le couple, qui habite Vert-Saint-Denis (Seine-et-Marne), confie en avoir « un peu marre de l’avion ». « Non seulement c’est polluant, mais il y a aussi trop de paramètres gênants : les aéroports sont souvent excentrés, il faut arriver deux heures à l’avance et nous avons déjà eu des problèmes de bagages perdus, raconte cette opticienne de 29 ans. Sans compter qu’on ne voit rien des paysages ! Nous voulions changer d’approche et prendre un peu plus notre temps. »
C’est ainsi qu’en 2019, les deux amoureux ont décidé de faire un beau voyage en empruntant uniquement le train, le bus ou le bateau. Le parcours, qu’ils ont peaufiné pendant six mois, les a menés en Suisse, en Italie, en Autriche, en Allemagne, en République tchèque, au Danemark, en Suède et enfin en Norvège ! « 22 étapes en un mois, c’était intense, sourit Marina. Mon plus beau souvenir ? Sans doute le train entre Oslo et Bergen, en Norvège : le trajet durait 8 heures mais nous n’avons pas vu le temps passer tellement les panoramas (fjords, montagnes, lacs) étaient magnifiques. »

Train, transports en commun et même rollers !

Pour réaliser ce circuit d’exception, les deux voyageurs se sont munis d’un pass Interrail d’un mois, qui permet de circuler, en illimité, à bord de la plupart des trains européens. « C’est un budget : mon conjoint l’a payé 900 euros et moi 700 euros, car à l’époque j’avais moins de 27 ans*, indique la jeune femme. Mais cela valait le coup ! » « Impatient » de tenter à nouveau une aventure similaire, le couple rêve de faire le voyage mythique de Londres à Istanbul, celui de l’Orient-Express, en train et en bateau.
En attendant, pour leurs prochaines vacances, Marina et son conjoint limiteront au maximum l’avion. « En novembre, nous avons prévu de partir en Egypte, avec notre petit garçon, et de prendre l’avion seulement jusqu’en Italie. Ensuite, nous emprunterons un bateau pour rejoindre le Caire. Nous pensons aussi tester le train sur place. Pour ce qui est de nos séjours en France, nous privilégions le train et nous louons une voiture uniquement si nous n’avons pas le choix. Sur place, nous prenons les transports en commun, voire nos rollers ! »

* Les tarifs indiqués concernent la première classe, mais il existe un tarif seconde classe moins cher.

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