Actions itinérantes pour lutter contre l’isolement

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Par Angélique Pineau-Hamaguchi

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

À l’image des petits commerces ambulants, des initiatives basées sur l’itinérance permettent d’amener la culture, la santé ou les services en milieu rural et dans certains quartiers urbains.

À bord d’un bus ou d’un véhicule aménagé, des associations sillonnent un territoire, pour aller à la rencontre de ses habitants et leur proposer des services auxquels ils n’ont pas facilement accès. Grâce à l'itinérance, ils luttent contre l’exclusion et les inégalités.

Le jeu : activateur de lien social

À Niozelles, dans les Alpes-de-Haute-Provence, la ludothèque la plus proche se trouve à 25 km. Mais depuis 5 ans, les habitants du village bénéficient de la LudoBrousse. Un camion qui se déplace également dans quatre autres communes. Une fois installés dans une salle municipale, les jeux sont mis à la disposition des familles qui peuvent venir jouer gratuitement sur place ou les emprunter pour quelques euros. « C’est l’occasion de se rencontrer et d’échanger, et pourquoi pas de s’inviter ensuite les uns chez les autres pour jouer ensemble », précise Hervé Vernay, directeur de la LudoBrousse. L’association organise aussi des soirées jeux et se rend deux fois par mois dans des centres d’accueil pour adultes handicapés.

Des ludothèques itinérantes comme celle-ci, il en existe 125 en France, essentiellement gérées par des associations. Toutes ne sont pas situées en milieu rural. À Saint- Denis (93), au cœur du quartier des Francs-Moisins, la ludothèque fixe « Les enfants du jeu » dispose d’un véhicule afin d’aller également dans d’autres cités d’Ile-de-France. La Ludomobile s’arrête, à leur demande, devant des centres sociaux ou des maisons de quartier notamment, et s’installe parfois sur une place, au cœur des immeubles. « L’idée est d’amener le jeu là où il n’y en a pas toujours, explique Nadège Haberbusch, codirectrice, car c’est un formidable outil de socialisation, pour les enfants comme pour les adultes. »

Aller au cinéma à deux pas de chez soi

Offrir un service de proximité dans des villages ou des périphéries de villes éloignés des centres culturels, c’est aussi l’objectif des 130 cinémas itinérants. Ces associations se mobilisent pour permettre à leurs habitants de voir des films récents ou de grands classiques, sans être obligés de se rendre dans une salle, parfois située à plusieurs dizaines de kilomètres. « Pour les personnes peu mobiles, aller au cinéma n’est pas chose facile. Cela nécessite d’être accompagné et donc de trouver quelqu’un pour vous y conduire », souligne Éric Raguet, président de l’Association nationale des cinémas itinérants, également directeur du Cinébus qui parcourt les pays de Savoie depuis près de 30 ans. « Quand le cinéma est à deux pas, les écoles et les maisons de retraite hésitent moins à organiser des sorties. »

Souvent salarié de l’association, le projectionniste se déplace de village en village, emportant avec lui le film et, si besoin, le matériel de projection. En amont, des bénévoles de la commune se chargent de l’affichage, de l’installation des chaises et de la billetterie. La salle des fêtes peut alors se transformer, pour deux heures, en véritable salle obscure. Les circuits itinérants redonnent aussi vie, parfois, à d’anciennes salles de cinéma jusqu’alors en sommeil.

Un bus dentaire pour les plus démunis

Les associations culturelles ne sont pas les seules à avoir compris l’intérêt de l’itinérance. L’Ordre national des chirurgiens-dentistes est à l’origine d’un bus social, créé il y a plus de 15 ans en Ile-de-France. Le camion se rend tous les jours de la semaine sur le terrain, et stationne devant les locaux d’associations humanitaires*. Avec, à son bord, une assistante dentaire et des chirurgiens-dentistes bénévoles qui prodiguent gratuitement des soins d’urgence aux plus démunis, le plus souvent dépourvus de couverture maladie.

« Le véhicule permet à la fois de transporter tout l’équipement et le matériel nécessaires et d’aller au plus près des populations, dans des lieux où la confiance est déjà instaurée », explique Valérie Maximin, coordinatrice de l’association du bus social dentaire. « Sans cela, nous ne pourrions pas toucher autant de personnes – plus de 2 100 en 2011 – qui ont ainsi pu être soignées. »

* Association Bus Social Dentaire – Tél. : 01 56 26 61 67. Pour en savoir plus et connaître les horaires et lieux de passage.

Une halte-garderie itinérante mutualiste

Trop coûteuses pour les communes, les structures d’accueil de la petite enfance font parfois défaut en milieu rural ou périurbain. Pour aider les parents, la Mutualité française Calvados a créé une halte-garderie itinérante. Baptisée « Les ‘tit’ Z’abeilles », elle s’arrête dans cinq communes différentes, une chaque jour de la semaine.

Le bus contient le matériel pédagogique, qui est installé dans une salle municipale avant l’arrivée des enfants, ainsi qu’un espace de change et de repos.

À savoir : la Mutualité Française est aussi à l’initiative d’une ludothèque itinérante, « Le Jardin des familles », à Dijon, et de plusieurs relais assistants maternels itinérants (RAM), dans différents départements.

« Des territoires pas totalement à l’abandon »

Le point de vue de Noam Leandri, président de l’Observatoire des inégalités.

« On ne peut que saluer ces initiatives itinérantes, portées par des associations. Elles permettent à certaines zones rurales ou urbaines isolées de ne pas rester totalement à l’abandon. Et c’est un moyen de créer de l’animation et de tisser du lien social, ce qui n’est pas anodin. Régulièrement, les associations innovent pour pallier les manques et faire face à la disparition de nombreux services publics. Mais leurs actions, aussi formidables soient-elles, ne peuvent à elles seules compenser les inégalités entre les territoires. D’autant que leurs financements sont souvent très fragiles, amenant certaines d’entre elles à disparaître, alors même qu’elles avaient fait la preuve de leur utilité. Seules des politiques publiques plus pérennes peuvent réellement rétablir les équilibres et sortir certains territoires de leur isolement. »

Pour en savoir plus

Vous aussi, vous souhaitez monter un projet itinérant ? Quelques contacts pour vous informer.

Par Angélique Pineau-Hamaguchi

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