Actions de partage ou comment créer du lien

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Par Angélique Pineau-Hamaguchi

Temps de lecture estimé 6 minute(s)

Portées par des associations, les initiatives basées sur le partage se développent. Pour faire face à la crise ou tout simplement pour créer des occasions de se rencontrer, d’échanger.

On connaissait déjà le covoiturage ou encore la colocation. Mais d’autres actions basées sur le partage émergent. Elles contribuent à tisser des liens en même temps qu’elles répondent à un besoin économique. Exemples.

Un logement, deux générations

En 2004, quelques mois après la canicule, Aude Messéan et Bénédicte Chatin décident de créer une association de cohabitation intergénérationnelle dans la capitale : Le PariSolidaire. Le principe : une personne âgée héberge gratuitement un jeune (de 18 à 30 ans), en échange d’une présence et de menus services*, comme mettre la table, faire la vaisselle ou quelques courses… L’objectif est double : remédier à la pénurie de logements et rompre l’isolement des seniors.

Depuis, l’association a fait des émules. Un réseau national a même été créé, qui fédère aujourd’hui 14 associations. Et environ1 500 binômes jeune-aîné ont déjà été formés. « Ils partagent beaucoup plus qu’un logement. Leurs échanges contribuent à lever certains préjugés mutuels », précise Stéphanie Lumbreras, présidente de l’association orléanaise At home crochus. Celle-ci est également à l’origine d’une autre initiative : le partage de jardin privé, qui met en relation des personnes qui ne peuvent plus – ou ne savent pas – s’occuper de leur potager et celles en quête d’un terrain à cultiver. « Ils se répartissent ensuite la récolte, mais c’est surtout une transmission des savoirs qui s’opère, et des amitiés qui naissent. »

* Les deux parties doivent seulement s’acquitter de la cotisation annuelle auprès de l’association qui s’assure que tout se passe bien. Des formules payantes sont aussi proposées par les associations de cohabitation intergénérationnelle. En contrepartie, aucune présence n’est demandée au jeune.

Des jardins qui cultivent la solidarité

Le jardinage comme outil de lien social ? Les associations qui soutiennent des projets de jardins partagés en sont convaincues. Elles aident les habitants d’un quartier à dénicher puis à aménager une friche pour y cultiver des légumes, des fleurs… et pouvoir s’y retrouver. « Dans notre société, beaucoup de gens se sentent isolés. Ces lieux de vie leur permettent de sortir de chez eux et souvent de penser à autre chose qu’à leurs difficultés », estime Benjamin Gourdin, directeur adjoint de l’association lilloise Les Amis des jardins ouverts et néanmoins clôturés (AJOnc). C’est justement à Lille qu’est né le premier jardin partagé, en 1997.

En 15 ans, le mouvement s’est étendu à toute la France et on en compte plus de 450 aujourd’hui. Installés sur des terrains municipaux ou appartenant à des bailleurs privés, ils ont en commun d’être ouverts à tous et de privilégier une culture respectueuse de l’environnement. Leur fonctionnement se veut également démocratique : toutes les décisions sont prises en concertation entre les adhérents. « Les jardins partagés permettent une mixité sociale et générationnelle et recréent une vraie vie de quartier, ajoute Laurence Baudelet, co-auteure d’un livre sur le sujet. Ils sont aussi le théâtre d’autres animations comme des expositions, des concerts, des repas de quartier… »

Partager plus qu’un espace de travail

Cette quête de solidarité gagne aussi la sphère professionnelle. Solution à l’isolement du travailleur indépendant, le « coworking » se développe depuis quelques années. Et une trentaine d’expériences existent désormais.

« C’est autre chose que de partager un bureau pour limiter les frais. C’est la possibilité d’échanger des idées et de mutualiser des compétences », explique Nathanaël Sorin- Richez, animateur de la Cantine, à Paris, à l’origine d’un blog qui recense ces initiatives.

Près de Strasbourg, une dizaine de personnes partagent ainsi un espace de travail. Chacune planche sur son projet de création d’entreprise. Toutes sont membres de l’association les Ateliers à projets. Ici, le local est prêté par la municipalité et le matériel a été récupéré « à droite, à gauche ». La participation financière des « coworkers » se limite donc à quelques euros, pour payer l’abonnement à internet notamment. « Notre objectif n’est pas de faire du profit, précise François Bunner, président de l’association, mais de proposer du compagnonnage. » Chaque membre est encouragé à organiser des formations, des ateliers sur des thèmes qu’il maîtrise, pour en faire profiter les autres. « L’intérêt du coworking, c’est l’entraide. »

Echanger des savoirs

On a tous quelque chose à transmettre. C’est le principe des réseaux d’échanges réciproques de savoirs (RERS). On y troque par exemple une initiation à la taille des rosiers contre des cours de grec ancien. Pas de hiérarchie entre les savoirs, tous sont jugés dignes d’intérêt.

Les RERS ne sont pas sans rappeler les systèmes d’échanges locaux (SEL). À une différence près : les SEL utilisent une unité de mesure pour définir la valeur de ce que l’on s’échange.
Pas seulement des savoirs d’ailleurs, mais aussi des objets, des services. Il existe 350 RERS en France et près de 500 SEL.

« Quand on crée du lien, on vit mieux »

Le point de vue de Dominique Thierry, vice-président de l’association France Bénévolat

« L’intérêt d’actions comme la cohabitation intergénérationnelle ou les jardins partagés notamment, c’est autre chose que de réduire le montant de son loyer ou de faire pousser des radis. C’est de susciter des échanges entre des individus différents, qui sinon ne se seraient peut-être jamais rencontrés. Et quand on crée du lien, on vit mieux, on se sent moins seul. Au cœur du développement du monde associatif, on retrouve cette quête de liens sociaux, ce besoin de faire société, et donc de partager. Les grands mouvements de solidarité, y compris le mutualisme, sont aussi nés de contextes difficiles. En effet, quand on se trouve dans une situation de crise – et je pense que c’est le cas aujourd’hui –, s’il n’y a pas de solidarité, pas d’échanges, c’est la survie même qui peut être menacée. Aussi, je ne dirais pas forcément que le partage est une tendance nouvelle de notre société, mais plutôt qu’il tend à se réactiver en ces temps compliqués. À cela s’ajoute une autre dimension, plus récente : le partage est un élément de développement durable. En mutualisant, on économise les ressources, les moyens ».

Pour en savoir plus

  • reseau-cosi : le site du réseau COSI (cohabitation solidaire intergénérationnelle) avec les coordonnées des associations.
  • À lire : Jardins partagés. Utopie, écologie, conseils pratiques, de Laurence Baudelet, Frédérique Basset et Alice Le Roy, paru en 2008 aux éditions Terre Vivante (160 pages, 23,30 euros).
  • jardins-partages : le site du réseau national des jardins partagés, avec les contacts des correspondants régionaux.
  • coworkinginitiatives : le blog dédié aux expériences de « coworking ».
  • francebenevolat : le site de France Bénévolat.
  • rers-asso : le site des Réseaux d'Echanges Réciproques de Savoirs.
  • seldefrance.communityforge : le site de l'Association SEL'Idaire (association d’information et de promotion des SEL (Systèmes d’Echanges Locaux)).

Par Angélique Pineau-Hamaguchi

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