Autisme : Samuel Le Bihan se confie sur son combat

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Par Propos recueillis par Cécile Fratellini

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© Roberto Frankenberg © Flammarion

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Le comédien Samuel Le Bihan a écrit son premier roman avec en toile de fond le sujet de l’autisme. Sujet qu’il connaît bien puisque sa fille de huit ans est concernée. Il a également cocréé la plate-forme Autisme info service. Il a pris du temps pour nous répondre avec sincérité et émotion.

Cette mère dont vous parlez dans votre roman Un bonheur que je ne souhaite à personne, c’est un peu vous ? Vous avez les mêmes combats ?

Samuel Le Bihan : Ma vie s’est déroulée autrement mais dans son quotidien, il y a beaucoup de choses qui s’en rapprochent et que je connais parfaitement. À travers un roman, on parle toujours de ce qu’on connaît très bien donc on parle de soi. On peut le faire à travers des personnages ou à travers une histoire fantasmée ou même une histoire empreinte de la réalité, ce qui est le cas.

C’est la même chose quand on joue, on n’est pas là pour interpréter des personnages, on est là pour raconter sa vie, ce qu’on a vécu. On livre ses propres émotions à travers le support d’un autre personnage.

Un premier roman réussi

Le roman de Samuel Le Bihan, Un bonheur que je ne souhaite à personne*, est une première très réussie. L’histoire est belle et émouvante. La mère d’un enfant autiste se bat et se surpasse pour son fils. Les personnages sont attachants et, quand on le commence, il est difficile de s’en détacher…

*Éditions Flammarion, octobre 2018 et Editions J’ai lu, décembre 2019

Autisme info service : « un outil indispensable »

Vous avez cocréé Autisme info service avec Florent Chapel. Pourquoi ?

S.L.B. : C’est un outil qui nous semblait indispensable. J’ai compris que ça faisait 20 ans que les familles l’attendaient. Autisme Info service, c’est de l’information, du conseil, de l’écoute, l'ambition de la création d’un annuaire au niveau français. Cet annuaire, qui existe déjà, s’enrichit petit à petit. Il comprend des professionnels de santé, des lieux de loisirs avec notamment des clubs adaptés qui accueillent des personnes autistes…

L’idée est de regrouper les bonnes adresses au sein d’un annuaire. Tout est vérifié selon les recommandations de la Haute autorité de santé. À terme, nous voulons aussi créer une communauté afin de prendre la parole de façon collective et ainsi peser plus sur les lois.

Quel est le bilan, un an après la création ?

S.L.B. : Le bilan est excellent au bout d’un an. Nous avons aidé près de 5 000 personnes. Ce qu’il en ressort ? Le signalement de situations parfois graves, le désespoir des mères, souvent les plus concernées, leur isolement et leur épuisement. On a vraiment mesuré le caractère indispensable de cette plateforme. Sa mise en place n’a pas été facile. Il a fallu réunir de nombreux professionnels (avocats, scientifiques…) pour répondre sur les droits, les dossiers MDPH (maison départementale des personnes handicapées), la détection… C’est large l’autisme.

L’équipe doit être riche et diverse. Florent Chapel et sa femme ont été exceptionnels. De mon côté, j’ai pu bénéficier du travail des associations de parents qui ont été mises en place depuis 20 ou 30 ans. Donc je trouvais légitime de reprendre ce flambeau. A moi de faire ma part pour les autres. C’est une espèce de chaîne de solidarité qui est indispensable. Mon rôle était d’ouvrir les portes pour trouver des soutiens. On ne peut pas attendre tout du gouvernement. Il faut prendre les choses en main. C’est indispensable de ne pas avoir peur de construire. Certains sont constitués pour dénoncer, d’autres pour faire. Moi, je me sens mieux pour mettre des choses en place.

« Faire progresser les enfants autistes avec des outils psychologiques et comportementalistes »

Suite à la conférence sur le handicap, des mesures ont été annoncées pour favoriser la scolarisation des enfants en situation de handicap. Qu’en pensez-vous ?

S.L.B. : Être avec des enfants dits « typiques », c’est important pour tout le monde. Tout d’abord, pour les enfants qui doivent apprendre la différence et mesurer ce que ça veut dire être handicapé et avoir moins de possibilités que les autres. Mais aussi pour les enfants autistes, cela leur permet de progresser. Cela a été le cas pour ma fille. Au départ, les réactions des autres enfants étaient, pour elle, incompréhensibles. Elle était très solitaire mais les AVS (auxiliaire de vie scolaire) et les éducateurs lui ont donné des outils pour aller vers les autres. Elle a de plus en plus de spontanéité et elle a de vrais amis. C’est miraculeux. Il y a une évolution impressionnante. Elle a pris goût aux autres, à partager, à s’amuser. Avant, elle était dans son monde, aujourd’hui, elle a une demande d’interaction. On peut faire progresser les enfants autistes avec des outils psychologiques, comportementalistes qui sont simples et en même temps complexes. Ils apprennent avec l’expérience et avec de l’enseignement. Donc on voit que ce n’est pas fichu et à quel point l’accès au bonheur est possible.

Votre fille a changé et vous aussi…

S.L.B. : J’ai des bouffées de bonheur qui sont des expériences absolument uniques. Aujourd’hui, ma fille veut être une enfant « normale ». Elle n’est peut-être pas comme les autres, elle le sent et le sait mais on n’en parle pas, elle ne l’évoque pas parce qu’elle a besoin de se sentir normale, elle a besoin d’y croire. J’attends le moment où elle aura envie d’en parler avec moi. La seule chose que je peux faire c’est lui donner terriblement confiance en elle pour qu’avec sa différence elle puisse s’affirmer.

J’ai instauré un jeu, avec elle, qui est très drôle. Tous les soirs, avant qu’elle s’endorme, pendant 10 minutes, je lui fais des compliments, je reprends tout le fil de la journée et lui parle de tout ce qui a été positif et à quel point elle est exceptionnelle. Et je me dis pourquoi je n’ai pas fait ça avec mon fils. Du coup, ça m’a transformé aussi. Mon attitude a complètement changé, j’aurai aimé le faire plus tôt, c’est ce que m’a appris ma fille. Cela fait partie de la richesse de ce voyage en pays autiste.

Un rôle principal dans un téléfilm sur l’autisme

Vous avez participé à des ateliers d’écriture. L’écriture d’un roman était pour vous un rêve inaccessible. Y aura-t-il une suite ?

S.L.B. : J’écrivais des choses mais j’avais besoin d’un coach, je ne suis pas écrivain. J’ai eu plaisir à écrire, à trouver des petites phrases, à mettre du style. Mais je vois très clairement la limite de mon talent. L’idée, c’était de raconter une histoire et de suggérer un voyage et des émotions. Il fallait que ce soit limpide. Je voulais qu’il y ait un vrai rythme.

J’ai écrit sur les pères mais je n’ai pas eu le temps d’en faire un livre. C’est donc devenu un téléfilm que je suis en train de tourner (NDLR : en février dernier). Je joue le premier rôle et je ne me fais pas de cadeau. Je joue un père qui fuit sa paternité embarrassante. Il va rencontrer cet enfant qui ne correspond pas à ce qu’il attendait. Il va falloir qu’il accepte d’être père, c’est ça qui est intéressant. Il va progresser dans ce qu’il est profondément, il vivait dans un mensonge et cette rencontre va révéler des choses en lui. Ce qui est beau, c’est un personnage qui évolue. Il va cesser de vivre pour lui-même et vivre pour quelqu’un d’autre. Le téléfilm s’appelle « T’en fais pas, je suis là ». Mais en réalité on ne sait pas qui dit ça à l’autre.

Raconterez-vous un jour votre vie ?

S.L.B. : Un jour, j’écrirai peut-être quelque chose sur mon expérience de père, ça s’appellerait Ensemble. Mais il me faut encore du temps. Je parlerai de ce voyage, ce parcours que je fais avec ma fille qui a aujourd’hui 8 ans. Je suis devenu le roi de l’organisation. Moi qui vivais au jour le jour, j’anticipe, je mets des plannings en place. Ça a changé mon rapport aux autres, à l’éducation, à la transmission.

Ma fille vient souvent avec moi sur les tournages. Elle a été scolarisée à la montagne et aux Caraïbes quand je tournais là-bas. L’an dernier, on a visité cinq pays en un an, ça a été mouvementé pour elle. On est allé en Indonésie, aux États-Unis, au Brésil, dans les Caraïbes… J’avais peur de la déstabiliser et en fait elle a énormément progressé. Son repère c’était moi, j’ai assumé ce rôle, et ça nous a transformés. Mais je ne voulais pas continuer car il fallait qu’elle puisse progresser à l’école, construire son relationnel, son réseau d’amis…

J’ai vraiment le sentiment qu’elle progresse, qu’elle développe d’autres zones du cerveau pour gagner d’autres compétences. Elle a une mémoire prodigieuse. Je suis là pour l’aider à accomplir tout ça.

Par Propos recueillis par Cécile Fratellini

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