Conférence nationale du handicap : « Des engagements bienvenus mais nous restons sur nos gardes »

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Par Patricia Guipponi

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© Ljubisa Danilovic

Arnaud de Broca est le président du collectif Handicaps qui regroupe 47 associations. Présent le 11 février 2020 à la Conférence nationale du handicap, il revient sur les objectifs annoncés par le chef de l’État pour faciliter la vie des personnes handicapées.

Quel est votre sentiment face aux mesures présentées lors de la Conférence nationale du handicap ?

Arnaud de Broca : Le discours du chef de l’Etat est volontariste et ambitieux avec des objectifs politiques clairs, des délais de réalisation à court et moyen termes. Il se veut mobilisateur de tous les acteurs en charge de la mise en œuvre des mesures. D’une certaine façon, c’est ce que nous, associations, espérions. Et nous nous en félicitons.

Cependant, des points restent à creuser. On voit mal comment, en peu de mois, on peut régler certaines réalités, notamment celle de scolariser les nombreux enfants handicapés qui ne le sont pas. Avec quels moyens va-t-on parvenir à tenir ces objectifs ? Les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) ne seront pas tous recrutés à la rentrée prochaine, comme il dit. Pas plus que leurs contrats de travail stabilisés. Ces engagements sont pleins de bon sens mais ne seront pas effectifs en si peu de temps.

Le président de la République a aussi parlé de mutualiser les AESH, c’est-à-dire un seul accompagnant pour plusieurs élèves handicapés. Ça peut être une bonne solution pour éviter les contrats précaires de ces personnes. Toutefois, on n’accompagne pas des élèves aux handicaps différents de la même manière. Et combien d’élèves seront à la charge d’un(e) seul(e) AESH ? C’est décisif pour la qualité de l’accompagnement. Donc, nous attendons de voir et nous restons sur nos gardes. Il y aura forcément des situations plus compliquées que d’autres à faire aboutir et des différences selon les territoires. C’est là que notre rôle de suivi s’imposera.

Des problèmes de moyens et d’effectifs

Emmanuel Macron veut aussi réduire les délais d’attente aux guichets et les disparités selon les territoires. Cela vous semble-t-il réalisable ?

A. de B. : Pour la réduction des délais, je dis ‘‘Bravo’’ sur le papier ! Ils sont en moyenne de quatre mois, il veut les ramener à trois. Pourquoi pas à deux ? Et puis comment va-t-on y arriver ?

Quand on regarde la situation des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), on ne peut pas dire que ce ne soit qu’une question de mauvaise volonté. Si dans certaines les délais d’attente sont de huit mois, voire plus, c’est parce qu’il y a des problèmes de moyens, d’effectifs.

Tous concernés et mobilisés

Plus largement, que faut-il faire pour changer le regard sur le handicap ?

A. de B. : Il n’y a pas de solution miracle mais une multitude de mesures, de comportements à adopter. Dans un premier temps, avant de changer les lois, ou de les modifier, il faut les appliquer ! C’est loin d’être le cas. Puis, il faut accepter l’autre : accueillir un enfant handicapé à l’école, ça aide à changer le regard que l’on porte sur le handicap. Cette inclusion permet ensuite à l’enfant handicapé de mieux s’insérer dans la société, de trouver un travail. Aux autres de comprendre, de trouver cette situation normale. Et parfois pour faire évoluer les choses, il faut le bâton et la carotte : c’est-à-dire à la fois une incitation et des sanctions, comme c’est le cas pour les entreprises soumises à l’embauche des personnes handicapées*.

Il faut changer de vision. Sur la question de l’accessibilité par exemple : on ne construit ou n’aménage pas aux normes car on trouve que cela coûte cher. On ne rend pas accessible à tous les transports, les bâtiments. Donc on exclut certains des restaurants, des voyages, des cinémas… L’enjeu est de faire comprendre que ça ne vaut pas que pour les personnes handicapées mais aussi pour les parents avec des poussettes, les personnes âgées, les touristes avec des grosses valises… On doit tous se sentir concernés et mobilisés.

La société est certes plus inclusive qu’elle ne l’était il y a 15 ou 30 ans. Les engagements pris par le chef de l’État ne vont pas faire qu’elle va l’être davantage tout de suite. Car il y a certains handicaps qui sont mieux acceptés ou repérés par la population. La société est encore moins inclusive quand il s’agit d’autisme ou de handicap psychique par exemple.

* Selon la loi, tout employeur, disposant d’au moins 20 salariés (à temps plein ou partiel), a l’obligation d’employer des travailleurs en situation de handicap à hauteur de 6 % minimum de l’effectif total de l’entreprise. Sans quoi, il s’expose à une sanction lourde : le paiement d’une contribution annuelle à l’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH).

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