Églantine Eméyé : son combat pour les enfants autistes

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Par Cécile Fratellini

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© Christophe Lartige

Samy a 12 ans et souffre de troubles autistiques sévères. Depuis sa naissance, Églantine Eméyé, sa maman journaliste et présentatrice de télévision, se mobilise pour lui et pour tous les enfants autistes.

Votre fils, Samy, est à l’hôpital depuis 4 ans. Cette situation ne vous convient plus et vous souhaitez lui créer une vraie maison. Vous avez lancé un appel à d’autres familles. Comment avez-vous imaginé ce lieu ?

Églantine Eméyé : Aujourd’hui, quand vous cherchez une place pour un enfant autiste, il y en a très peu. Je voudrais donc créer une vraie maison. Car, certes mon fils a besoin d’un suivi médical mais pas forcément de vivre dans un hôpital où il partage sa chambre, où il n’existe pas de pièce de vie commune. Donc ce serait un lieu de vie permanent comme un foyer d’accueil médicalisé pour les adultes sauf qu’il s’agirait d’enfants. Ils seraient six. Chacun aurait sa chambre et sa salle de bain. Il y aurait des pièces communes : salon, séjour, salles d’activités et bien évidemment un jardin. Aujourd’hui, j’y réfléchis avec une association « Le club des six ». Cette association propose des maisons en co-location pour des personnes handicapées au rez-de-chaussée et des logements sociaux à l’étage. Ils font appel à des services à la personne pour les aider et les accompagner. Je voudrais donc partir sur ce modèle-là. Les familles financeraient elles-mêmes le logement et le côté médical serait financé par l’État. J’aimerais que l’on arrive à mettre en place un système de financement et une organisation fiables. Et que ce soit moins cher pour l’État que les prises en charge actuelles. Car il y a encore des enfants qui resteront très handicapés. Ils auront besoin d’aide toute leur vie.

Vous avez déjà créé une maison de répit, il y a un an, avec votre association « Un Pas vers la vie » et l’Adapei Var-Méditerranée. Quel bilan en faites-vous ?

E. E. : Elle fonctionne bien. Nous avons 8 places pour des jeunes âgés de 6 à 20 ans. Comme on s’y attendait, on a des enfants autistes avec des troubles du comportement très sévères donc les débuts ont été un peu difficiles. L’équipe a dû s’adapter très vite. Les enfants s’intègrent assez facilement, prennent beaucoup de plaisir et demandent à revenir. L’objectif est d’accueillir jusqu’à 150 enfants par an. Nous proposons deux types d’accueil : un accueil programmé par la famille tous les deux mois par exemple et un accueil en cas de crise dans la famille ou au sein d’un institut. L’enfant a alors besoin de souffler. Il faudrait ce type de structures dans tous les départements. Car beaucoup de familles voudraient garder leur enfant chez elle, mais c’est épuisant. Et c’est important que les fratries aient un moment privilégié avec papa et maman sans la prise en charge du frère ou de la sœur handicapée. Grâce à cette maison, les familles reprennent pied, c’est une forme de renaissance. L’enfant bénéficie lui aussi de ce répit car les éducateurs n’ont pas d’a priori sur lui et privilégient les loisirs à l’éducatif. Marcel Rufo, pédopsychiatre, qui nous a accompagnés dans ce projet a dit : « Ce sera une réussite quand les frères et sœurs voudront y passer des vacances ». Et c’est le cas aujourd’hui.

Logement, école… La prise en charge des personnes souffrant de troubles autistiques est toujours synonyme de parcours de combattant ?

E.E. : Les enfants autistes sont tous différents. Mais il y a une logistique énorme à mettre en place : gérer les rendez-vous chez le médecin, le psychomotricien, l’ergothérapeute… Si vous n’avez pas une place dans un IME (Institut médico-éducatif), vous faites tout cela seul. Souvent les parents arrêtent de travailler. Financièrement, c’est difficile. Et puis ce n’est pas un enfant malade à qui l’on donne des soins. Vous pouvez être face à un enfant qui ne vous regarde pas, qui ne communique pas et qui vous explique des choses avec des cris. C’est pour cela que les familles d’enfants autistes ont vraiment besoin d’aide. L’entourage est touché. C’est déstabilisant. Pour améliorer la prise en charge des enfants autistes, il devrait exister une maison de l’autisme dans chaque région où des professionnels de tous les corps médicaux seraient représentés. Quand le diagnostic est posé, les parents pourraient y aller et rencontrer des professionnels qui les guident et y revenir pour les consultations dentaires, ophtalmologiques… Ce serait un lieu unique.

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Des unités d’enseignement autisme existent en maternelle. Avec seulement sept enfants par classe. Exemple à Albi.

Le 4e plan autisme est en préparation, qu’en attendez-vous ?

E.E. : J’en attends beaucoup. Car lors de la concertation, ils ont fait appel à beaucoup de monde et notamment aux familles. La ministre en charge des personnes handicapées vient elle-même du milieu du handicap et connaît donc bien le problème. Je pense qu’il faut trouver des solutions plus performantes et moins chères. L’inclusion scolaire et professionnelle est fondamentale. En dehors des cas sévères, tous les autistes devraient avoir accès à l’école. Ils sont intelligents, ils peuvent apprendre des choses. L’école est un lieu d’insertion sociale. Et puis les autres enfants vont apprendre et faire avec. Les générations futures n’auront donc pas ce regard que l’on a aujourd’hui sur la différence, et c’est fondamental. C’est tout petit qu’il faut leur apprendre à tendre la main.

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