« L’engagement donne du sens à notre vie, un sentiment d’estime de soi »

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Par Angélique Pineau

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© Sandrine Roudeix

Médecin psychiatre et auteur de nombreux ouvrages sur la psychologie des émotions, Christophe André nous explique les liens entre altruisme et bonheur.

Les études montrent que les gens qui font du bénévolat sont en général plus heureux que les autres. En quoi agir participe au bonheur ?

Quand on aide les autres, en général on est remercié, en tout cas cela nous donne un contentement, une satisfaction. On voit quelque chose de bien, d’encourageant, d’agréable se produire. Cela procure du bien-être et a tendance à améliorer l’estime de soi : on se sent plus en règle avec soi-même, on satisfait certaines de nos valeurs qui sont importantes pour notre vision du monde.

L’autre explication, c’est que l’humain est un animal social, comme le loup. Si nous avions été des animaux très égoïstes, individualistes, notre espèce n’aurait jamais pu survivre. L’évolution a donc mis au point des mécanismes de récompense aux comportements sociaux. Aider un autre humain, c’est une dépense d’énergie, ça « coûte plus cher », si j’ose dire, que de ne pas aider. Sauf que notre cerveau est programmé pour que cela nous donne du plaisir. Un plaisir sans lequel notre espèce n’existerait plus !

Et pour avoir envie d’aider les autres, faut-il être heureux ?

Le lien entre altruisme et bonheur est en effet à double sens. Lorsqu’on est de bonne humeur, que l’on ressent des émotions agréables, on est plus réceptif à ce qu’il y a autour de nous et notamment aux besoins éventuels des autres.

À l’inverse, quand on souffre, que l’on est de mauvaise humeur, triste, inquiet, en colère, notre attention se focalise sur nous-mêmes et sur ce qui ne va pas. Si j’ai mal aux dents ou si j’ai un chagrin d’amour, je ne fais plus attention qu’à cela. Et quelqu’un peut alors avoir besoin de moi, soit cela ne m’intéresse pas, soit je n’ai pas envie ou ne me sens pas capable de l’aider. Autrement dit, la souffrance ou les émotions négatives font qu’on est moins ouvert aux besoins de notre environnement.

Pour autant, le bonheur n’est pas le seul facteur d’engagement ?

Plus quelqu’un est heureux, plus il est altruiste. Ce qui ne veut pas dire que tous les gens qui aident sont heureux ou que tous les gens heureux aident. L’engagement nécessite deux choses : l’énergie psychologique, que nous apporte le bonheur, et l’adoption de valeurs. Si parmi elles figurent l’altruisme et la solidarité, alors, il nous faudra des doses de bonheur beaucoup plus faibles pour aider autrui que si l’on est adepte du « chacun pour soi ».

Être heureux me rendra un peu plus bienveillant que si je suis malheureux. Mais si je suis malheureux et qu’en plus je n’ai pas les bonnes valeurs, alors là il sera peu probable que j’aide les autres. L’idéal est bien sûr de cumuler les deux, énergie et valeurs.

Si être altruiste rend plus heureux, on a tout à y gagner individuellement et collectivement ?

L’engagement, c’est ce qui donne du sens à notre vie, un sentiment d’estime de soi, de cohérence personnelle. Ce que l’on n’a pas si l’on n’est pas investi dans un minimum de mise en œuvre de nos idéaux ou si ces derniers sont matérialistes et égoïstes. Ceux-là ne nous apporteront pas de bien-être et n’en apporteront pas non plus aux autres.

Et puis les gens heureux non seulement font plus de bien, mais font aussi moins de mal aux autres. Ils auront moins tendance à semer la violence et à agresser. En général, on n’agresse pas quand on est au comble du bonheur. Donc être heureux est bon pour la santé, pour la société, pour l’agrément de la vie.

Vous dîtes dans votre dernier livre qu’en tant que médecin, aider vos patients à se sentir plus heureux vous aide à vous sentir plus heureux vous-même.

Les métiers de soignants pour cela sont très gratifiants à exercer. Même si on est payé pour ça, on peut habiter ce travail de façon plus ou moins affectueuse, sensible à autrui. En général, on reçoit chaque jour beaucoup de reconnaissance des personnes dont on prend soin. Parfois, ce n’est pas le cas, les gens ne manifestent pas de douceur ou de gratitude, nous agressent alors que l’on a tout fait pour essayer de les aider.

Mais c’est la vie, ce n’est pas grave. Ils sont simplement trop malheureux pour nous dire merci. Et puis ils font ce qu’ils peuvent. Bien sûr que l’on est heureux quand ils nous le disent, quand il se passe des choses agréables pour nous. Mais a priori, on ne le fait pas pour ça, pas que pour ça !

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