Grégory Cuilleron : « Je ne me suis jamais senti handicapé »

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Par Angélique Pineau-Hamaguchi

Temps de lecture estimé 4 minute(s)

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© Astrid di Crollalanza

Il est né sans main gauche. Mais ce n’est pas ce qui a fait connaître Grégory Cuileron du grand public. Plutôt ses brillantes participations à de célèbres émissions de cuisine. Dans <em>La vie à pleine main</em>, il raconte son parcours. Et partage son regard sur le handicap.

Dans son autobiographie La vie à pleine main*, coécrite avec l’écrivain Alexis Jenni (prix Goncourt 2011**), Grégory Cuilleron revient sur son histoire. « 40 ans, c’est le bon âge pour se poser et regarder dans le rétroviseur. » Le chef cuisinier et restaurateur médiatique est né agénésique, c’est-à-dire avec une seule main. « Mais je ne me suis jamais senti handicapé. Pour moi, c’était "normal". Et je me suis toujours adapté à la situation. » Comme lorsqu’il a commencé à faire du vélo, penché d’un côté pour pouvoir tenir le guidon. Puis, plus tard, en pratiquant le judo et l’escalade.

Son enfance à Lyon, au sein d’une famille aimante, se passe sans encombre. C’est seulement lorsqu’il apparaît pour la première fois à la télévision, il y a une dizaine d’années, qu’on lui renvoie l’image d’une personne en situation de handicap. « Je suis devenu handicapé à vingt-sept ans ! » Peut-être parce que son entourage ne l’a jamais considéré comme tel. Lui non plus n’a jamais pensé qu’il ne pourrait pas réussir dans la vie, « avec une main en moins ».

* La vie à pleine main (éditions Albin Michel, mars 2020).
** Pour L'Art français de la guerre (éditions Gallimard).

Parler du handicap dans les écoles, les entreprises

Grégory Cuilleron est ainsi devenu « handicapé » dans le regard des autres. Et pas seulement dans celui des valides. Les personnes en situation de handicap ont vu en lui un symbole de l’inclusion et un porte-parole potentiel. Un rôle, un peu lourd à porter, qu’il n’a pas voulu jouer tout de suite. Le temps peut-être d’accepter son nouveau statut médiatique.

Quelques années plus tard, il est contacté par l’Agefiph, l’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Et accepte de devenir leur ambassadeur, après l’humoriste Jamel Debbouze. À leurs côtés de 2011 à 2018, il va à la rencontre des personnes en situation de handicap, des associations, des entreprises, des pouvoirs publics… Pour parler de l’emploi et tenter de faire bouger les lignes.

Il continue aujourd’hui à donner des conférences dans les entreprises. Et il a le sentiment que la situation évolue dans le bon sens. Mais il espère qu’un jour on considère enfin les personnes en situation de handicap pour leurs compétences. D’ailleurs, pour lui, le handicap est simplement « une inaptitude par rapport à une situation donnée » et on peut tous être « handicapé à un moment ou un autre ». « Si vous mettez mon père devant un ordinateur par exemple », s’amuse-t-il.

Grégory Cuilleron voudrait également qu’on regarde les personnes en situation de handicap « sans condescendance ». « Même si ça part d’un bon sentiment, cela signifie quand même un peu que l’on a pitié. » C’est pour cela qu’il aime aussi aller dans les écoles car les enfants sont plus « cash ». Il se plaît à répondre sans détour à leurs questions, lorsqu’ils s’étonnent de le voir cuisiner avec autant de facilité.

Un optimisme à toute épreuve

Sa passion de la cuisine est née dans son enfance. Il l’a héritée de son grand-père, invalide de guerre. Mais Grégory Cuilleron est réellement devenu cuisinier grâce à la télévision. En participant à Un dîner presque parfait d’abord, puis à Top Chef. Deux émissions dans lesquelles sa dextérité à manier couteaux et casseroles en a épaté plus d’un. Il a ouvert son premier restaurant près de Lyon en 2011, un autre a suivi depuis. Et il a déjà publié plusieurs livres de cuisine.

Pourtant, ce n’est pas cette voie qu’il voulait emprunter au départ. Il aurait aimé être médecin militaire. Mais on lui a refusé le concours d’entrée, à cause de son handicap. Et c’est peut-être la seule fois où il s’est réellement senti « différent ». Une grande déception qui n’a pas entamé son éternel optimisme.

Dans la postface de La vie à pleine main, Alexis Jenni, qui a été son professeur au lycée, se remémore le jeune Grégory à l’époque. « Je me souviens de sa vivacité, de son sourire, de ses étranges bras asymétriques qui embarrassaient un peu tout le monde, et puis du numéro de prestidigitation qu’il nous a fait un jour avec un rouleau de scotch. »

Un passage qui pourrait à lui seul résumer ce qui transparaît de Grégory Cuilleron dans ce livre. Ce que l’on retient, ce n’est pas cette main « en moins », mais cette énergie et cette joie de vivre, qu’il a indéniablement en plus.

Par Angélique Pineau-Hamaguchi

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