Handicap : Le Reflet, un restaurant extra-ordinaire

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Par Cécile Fratellini

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© Jean-Dominique Billaud

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Un restaurant pas comme les autres a ouvert il y a quelques mois, à Nantes. Sa particularité : ses salariés sont porteurs de trisomie 21. Une première en France.

« N’oubliez pas d’être incroyable chaque jour ». Cette phrase plaquée sur un des murs du restaurant Le Reflet à Nantes, ses salariés ne l’oublient pas. Et ils le sont vraiment, incroyables. Ou extraordinaires comme vous voudrez ! Ils, ce sont Antoine, Caroline, Marie-Noëllie, Maxime, Paul et Pauline, porteurs de trisomie 21. Depuis décembre dernier, ils cuisinent, servent en salle une quarantaine de couverts, débarrassent et font la plonge. En milieu « ordinaire ». Ils sont épaulés par Thomas, le gérant et par Farida, chef de cuisine et éducatrice technique. Ils ont déjà beaucoup progressé et commencent à gagner en autonomie.

« Un véritable challenge »

Il est 11 h, Maxime, qui était parti chercher le pain pour le service de midi, revient tout sourire. Mission accomplie. « Hier Thomas, après le service, il m’a dit “Chapeau, tu es un grand chef” », raconte-t-il tout fier. Antoine, lui, termine la préparation de la salle pendant que Caroline, Marie-Noëllie et Pauline s’affairent en cuisine. À 12 h, les premiers clients arrivent et le service peut commencer sous l’œil avisé de Thomas qui guide chacun d’entre eux. « Ils n’ont pas de formation en restauration. Ils apprennent sur le tas. Avant d’ouvrir, nous avons fait une formation d’un mois pour apprendre à nous connaître et pour créer une cohésion. Nous avons joué à la dînette en imaginant des clients et en répétant les gestes des centaines de fois afin d’acquérir des rituels », explique le gérant.

L’objectif est d’amener chacun vers une certaine autonomie sur leur poste, une professionnalisation. Même chose en cuisine où Farida leur apprend, peu à peu, les règles d’hygiène, le montage de certaines préparations… « C’est un projet extraordinaire, un véritable challenge qui donne beaucoup de sens à mon travail », explique la jeune femme.

« Du consommateur au consomm’acteur »

Le projet a été pensé pour eux. Ainsi, les assiettes ont une empreinte moulée spécifique afin de faciliter leur prise en main. C’est un modèle unique. Les tables ont aussi été adaptées pour glisser les fiches menu. Car ici, le client passe sa commande lui-même. Il sélectionne son entrée, son plat et son dessert sur une carte avec un tampon. Carte qu’il remet ensuite au serveur. « Cela permet de faciliter la prise de commande et de créer du lien. Le consommateur devient consomm’acteur », précise Thomas. Pari réussi. Marie et Stéphane qui viennent déjeuner pour la première fois apprécient. « C’est original cette façon de passer commande, ça fait discuter avec les tables d’à côté, cela crée une ambiance conviviale. Et puis le cadre est sympathique, le personnel très accueillant, très professionnel et c’est bon », confie le jeune couple prêt à revenir. Comme la plupart des clients qui laissent des avis « formi-formidables » sur le livre d’or. Petit conseil : réservez à l’avance car le restaurant affiche souvent complet midi et soir.

Du projet de fin d’études… au Reflet

C’est d’une envie de créer un espace de travail adapté aux personnes en situation de handicap, dans le cadre d’un projet de fin d’études, que le restaurant Le Reflet est né. L’idée a germé dans la tête de Flore Lelièvre, architecte d’intérieur sensibilisée au handicap (son frère est porteur de trisomie 21), il y a trois ans. Aujourd’hui, c’est une réalité et le restaurant ne désemplit pas. L’association Trinôme 44 a été créée pour porter le projet. En 4 mois, 400 000 € ont été récoltés auprès d’investisseurs et de donateurs. Le local a été trouvé, aménagé et décoré avec les salariés, pour ouvrir fin décembre 2016.

Flore Lelièvre fait partie des "Héros de 2017" et a été reçue par le président de la République, Emmanuel Macron, le 30 janvier 2018.

Flore Lelièvre, créatrice du Reflet

« Changer le regard sur le handicap »

« On ne pouvait pas rêver mieux comme démarrage. Encore aujourd’hui, je ne me rends pas bien compte. Il faut que cela continue et pérenniser ce projet. En ouvrir d’autres ailleurs ? Pourquoi pas. Mais c’est encore trop tôt. Chaque semaine, j’ai des appels de personnes me demandant comment on a fait. Si cela permet de changer le regard sur le handicap, c’est très bien. Il est temps que les gens les voient en tant que personnes et non pas à travers leur handicap. Il faut que cette rencontre ait lieu et elle est possible s’ils sont intégrés dans la société. Ils sont tous très fiers et ont encore plus envie que quiconque de prouver ce dont ils sont capables ».

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