Le jardin, un outil d’insertion

Publié le

Par Cécile Fratellini

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

Collectifs ou individuels, à la campagne ou au pied des immeubles, à vocation sociale ou professionnelle, les jardins d’insertion peuvent prendre différentes formes. Tour d’horizon.

Créer du lien social pour les uns, construire un projet professionnel pour les autres. Les jardins d’insertion ont des objectifs et des fonctionnements différents. Certains offrent un cadre de travail qui se rapproche de celui du marché de l’emploi, tout en proposant parallèlement un accompagnement social. D’autres permettent avant tout à des personnes isolées de s’investir dans un projet et de faire partie d’un groupe. Les personnes ne sont pas rémunérées et sont encadrées, la plupart du temps, par un animateur.

 

Des jardins au pied des immeubles

Dès la fin des années 80, des associations comme Les Jardins d’Aujourd’hui ont développé des jardins d’insertion sociale, dans le quartier des Aubiers, à Bordeaux par exemple. « Le jardin, pour qu’il soit efficace et que les gens s’y rendent, il doit se situer au pied des immeubles. C’est le prolongement de la salle de séjour. Il ne doit pas être une contrainte mais un plaisir. Le travail d’accompagnement est primordial, il faut valoriser l’humain sur la base du savoir-faire technique », explique Éric Prédine, co-fondateur de l’association Les Jardins d’Aujourd’hui, actuellement co-gérant du bureau d’études Saluterre (accompagnement dans la création de jardins à vocation sociale et thérapeutique).

 

Un jardin pour les sans domicile fixe

Emmaüs propose plusieurs « types » de jardin. L’un d’entre eux, le Jardin Saint-Laurent, se situe boulevard Magenta à Paris. L’objectif est l’insertion sociale avant tout. Ce jardin permet à des personnes sans domicile fixe et à des personnes sans papiers, parfois complètement désocialisées, de reprendre pied. Une dizaine de personnes, entourées d’un animateur et d’un éducateur, y viennent trois demi-journées par semaine « travailler » les 350 m2 de terrain. « Ici, on vient comme on est, avec ses problèmes de santé, d’addictions parfois, tant que cela se passe dans la courtoisie. Il y a des horaires à respecter mais pas de contrat de travail. Juste du temps à partager ensemble. L’objectif étant que les personnes viennent régulièrement et s’accrochent », explique Hélène Leroy, chef du service Maraude Paris-Nord. Les légumes sont consommés par les participants ou utilisés lors d’ateliers cuisine à l’accueil de jour d’Emmaüs.

 

Des ateliers et chantiers d’insertion

Le chantier d’insertion, c’est justement ce qui est proposé aux « locataires » de la ferme de Moyembrie en Picardie, là encore, une structure d’insertion d’Emmaüs. Tous sortent de prison ou sont en liberté conditionnelle. Plus qu’un jardin, c’est une activité de maraîchage qui leur est proposée. Les fruits et légumes cultivés sont vendus ensuite sous forme de « paniers » à des particuliers regroupés en AMAP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne). En entrant à la ferme, les anciens détenus signent un CUI (contrat unique d’insertion) et sont rémunérés. « Grâce à ce contrat, ils apprennent ou réapprennent à gérer un budget, à faire des économies, c’est l’apprentissage de la liberté tout court. Au sein de la ferme, ils reprennent des initiatives et on les nomme le plus vite possible responsables d’une activité », explique Anne-Marie Péry, présidente de la ferme de Moyembrie. Trente personnes travaillent dans cette structure pendant huit à neuf mois en moyenne. Toutes repartent avec une solution de logement et certaines avec un travail.

 

Se reconstruire grâce au maraîchage biologique

Reprendre pied par l’activité économique, c’est également ce qui est proposé dans les Jardins de Cocagne pour les personnes en situation précaire. « Le maraîchage biologique est un bon support pour se reconstruire. Les personnes retrouvent un rythme de travail et des “collègues”. Nous les aidons à construire leur parcours professionnel en repérant les éventuels freins à l’emploi, en cherchant des formations, des financements, c’est un accompagnement personnalisé », explique Patrice Leonowicz, directeur du Jardin des Gorges de l’Aveyron. Dix-huit personnes sont en contrat d’insertion de six mois, renouvelable jusqu’à deux ans dans ce jardin du Tarn-et-Garonne. Ils sont encadrés par des techniciens pour le maraîchage bio et par un travailleur social pour l’accompagnement personnel et professionnel. Les légumes récoltés sont vendus sous forme de paniers, chaque semaine, à des particuliers, adhérents de l’association qui gère le jardin.

 

Des jardins en prison

Des ateliers jardinage pour les détenus. Plusieurs associations l’ont fait ou le font encore. Ainsi l’association Les Jardins d’Aujourd’hui a animé, il y a plusieurs années, des ateliers jardinage auprès de détenues à Rennes. L’objectif étant d’améliorer les relations au sein de la prison.

Depuis plusieurs années à Brest, un animateur de l’association Vert le Jardin se rend à la maison d’arrêt. L’objectif ? « Faire vivre » un jardin avec les détenues. « Elles reprennent goût à faire pousser quelque chose, elles s’investissent dans ce “ travail ”. Grâce aux saisons, le jardin leur permet de se repérer dans le temps. Les femmes viennent une fois, puis reviennent la semaine d’après, c’est un moment de détente et de bien-être pour elles », explique Michel Campion, directeur de Vert le Jardin.

 

« Le jardin est un support pour retrouver un ancrage dans le temps »

Le point de vue de Daniel Cérézuelle, sociologue et créateur du PADES (Programme autoproduction et développement social)

« Le jardin est un outil d’insertion à plusieurs niveaux. Dans les jardins familiaux de développement social, que l’on distingue des jardins familiaux classiques, par le fait qu’ils sont ouverts aux publics fragiles, la famille prend de l’autonomie. Elle apprend à répondre elle-même à ses besoins. Chacune d’entre elles a une parcelle de taille différente et un animateur est présent plusieurs heures par semaine. Le jardin devient un outil pour mieux se nourrir. Le comportement alimentaire des enfants change, ils se mettent à manger des légumes. Beaucoup de parents retrouvent aussi l’autorité qu’ils avaient perdue car les enfants se rendent compte que leurs parents font quelque chose d’utile. Et puis le jardin est un support pour retrouver un ancrage dans le temps, reprendre un rythme grâce aux saisons, aux semis. Les gens apprennent à vivre ensemble, à se connaître, à se supporter. Ils reprennent confiance en eux car ils se rendent compte qu’ils sont capables de jardiner. Ils accèdent ainsi à un statut : celui de producteur. »

 

Pour en savoir plus

  • La ferme de Moyembrie : 17, route de Moyembrie – 02380 Coucy-Le-Château-Auffrique. Tél. : 03 23 52 73 29 – ogfm@hotmail.fr
    Cette ferme propose des chantiers d’insertion aux sortants de prison, notamment dans le domaine du maraîchage.

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