Julie Dachez veut changer l’image des personnes autistes

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Par Angélique Pineau-Hamaguchi

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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© Chloé Vollmer-Lo

Le quatrième épisode de la saison 2 de notre podcast Les Nouvelles Voix de la Solidarité est consacré à Julie Dachez. Diagnostiquée autiste Asperger il y a dix ans, elle combat depuis les clichés à travers ses livres, ses conférences, ses formations… Et milite pour que les personnes autistes aient enfin toute leur place dans la société. Découvrez son témoignage.

Pendant des années, Julie Dachez s’est sentie différente, sans forcément comprendre pourquoi. À 27 ans, elle finit par être diagnostiquée autiste Asperger. Une libération. Elle décide alors de cesser de vouloir être une autre, pour s’assumer telle qu’elle est. N’en déplaise à certains. Elle devient docteure en psychologie sociale, conférencière et formatrice. Elle écrit aussi deux livres : La différence invisible* (une bande dessinée inspirée de son histoire) et Dans ta bulle !**(qui donne la parole aux personnes concernées).

Elle tente ainsi de changer l’image de l’autisme dans la société. Pourquoi ? C’est ce qu’elle nous raconte dans le quatrième épisode de la saison 2 des Nouvelles Voix de la Solidarité. Le podcast d’Essentiel Santé Magazine qui donne la parole à des femmes engagées, qui font bouger la société.

L’autisme : mal connu et parfois invisible

Quand le diagnostic tombe, en 2012, Julie Dachez s’y attendait un peu. Après de multiples recherches, diverses lectures, elle avait déjà compris qu’elle pouvait être autiste Asperger. « Malgré tout, un tel diagnostic à 27 ans, c’est quand même une déflagration. Déjà, on se dit qu’on aurait dû le recevoir plus tôt », raconte la jeune femme.

Pour elle, les personnes de sa génération et de celles d’avant sont « des générations sacrifiées » parce que « l’autisme est – mais surtout était – mal connu ». Particulièrement les formes un peu plus « invisibles » comme la sienne. « C’est d’autant plus vrai chez les femmes. On sait aujourd’hui que les critères diagnostiques ont été établis à partir de cas masculins. Il y a un biais de genre. Et en plus on réalise que l’autisme se présente un peu différemment chez elles. »

Il arrive donc que des personnes découvrent très tardivement qu’elles sont autistes. Et trouvent enfin des réponses à leurs questions. Pour Julie aussi, cette nouvelle a tout changé. Il l’a « réconcilié avec son identité ». Et elle s’est enfin autorisée à faire ce dont elle avait envie, et non plus ce qu’on attendait d’elle.

« J’ai compris que je n’étais pas si bizarre que ça, que mes comportements avaient du sens. Ça m’a permis de déculpabiliser et, plutôt que de me forcer à essayer de faire comme tout le monde, d’envisager de changer ma vie pour qu’elle me convienne mieux. »

Les troubles du spectre de l’autisme (TSA)

Selon l’Inserm, les troubles du spectre de l’autisme (TSA) sont liés à des « anomalies du neurodéveloppement ». Et ils apparaissent en général au cours de la petite enfance. En France, environ 700 000 personnes seraient concernées. Ces troubles peuvent se manifester de différentes manières : altérations des interactions sociales, problèmes de communication (langage et communication non verbale), troubles du comportement, réactions sensorielles inhabituelles… Contrairement aux idées reçues, « l’autisme n’est pas systématiquement associé à un retard intellectuel », rappelle l’Institut national de la santé et de la recherche médicale.

Militer pour les droits des personnes autistes

Dix ans après son diagnostic, Julie Dachez a effectivement tout changé. Après avoir travaillé plusieurs années dans le secteur privé, elle a repris des études et obtenu un doctorat en psychologie sociale. Elle est aujourd’hui maîtresse de conférences et enseigne, entre autres, la psychologie du travail à l’INSHEA (Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés).

Julie Dachez tente également de mieux faire connaître l’autisme. Elle a notamment créé un blog et une chaîne YouTube où elle a accepté de parler d’elle et de son handicap. Elle propose aussi une formation en ligne et elle donne des conférences en entreprise. Son but : présenter ce qu’est l’autisme et dédramatiser « car c’est un sujet un peu lourd, qui fait peur ». Elle y explique les aménagements à mettre en place pour que les personnes autistes puissent travailler dans de bonnes conditions. Après ses interventions, il arrive que des salariés se fassent connaître auprès de leur service de ressources humaines, osent enfin dire qu’ils sont autistes. Une « grande victoire » pour elle.

« Au départ, je faisais tout cela avant tout pour aider les autres personnes autistes, pour que leurs proches comprennent mieux ce qu’elles vivent. Mais de plus en plus, mon objectif est de parler du manque d’inclusion dans la société. »

Elle est devenue au fil du temps plus militante. Pour tenter de faire avancer les droits des personnes autistes. D’ailleurs, Julie Dachez se dit désormais « autiste » tout court, sans avoir besoin de préciser « Asperger ». Car cela a une connotation parfois un peu trop élitiste à ses yeux.

À la société de s’adapter à la différence

En dix ans, Julie Dachez a vu la société évoluer positivement. Les personnes en situation de handicap sont notamment plus visibles. « Mais être autiste dans un monde de non autistes reste malgré tout difficile », nuance-t-elle.

« L’autisme est une différence, une richesse qui doit être respectée en tant que telle. »

« En France, on considère que c’est la personne qui est intrinsèquement handicapée et donc c’est sur elle qu’on va chercher à agir, elle qu’on va chercher à réparer. Dans les pays anglo-saxons, on estime que la personne peut être en situation de handicap lorsqu’elle se trouve dans des environnements inadaptés. »

Une différence de taille pour la jeune femme pour qui c’est bien à la société de s’adapter, pas aux personnes autistes. À elle de changer pour leur faire une vraie place.

* La Différence invisible, une bande dessinée de Julie Dachez et Mademoiselle Caroline, parue aux éditions Delcourt, en 2016.

Notre podcast Les Nouvelles Voix de la Solidarité

Essentiel Santé Magazine a eu envie de mettre en lumière des personnes qui s’engagent pour les autres. Le podcast Les Nouvelles Voix de la Solidarité donne ainsi la parole à des femmes qui se mobilisent à travers des actions concrètes et utiles à la société. Écoutez leur histoire !

Par Angélique Pineau-Hamaguchi

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