Logement : ils luttent contre la précarité

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Par Angélique Pineau

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

Associations, entreprises à vocation sociale, Mouvement mutualiste... Ils agissent pour aider ceux qui connaissent de grandes difficultés en matière de logement. Focus sur trois initiatives solidaires.

Lorsque l’on se trouve dans une situation très précaire, la préoccupation première est bien souvent de trouver un logement stable, ou de le garder, pour espérer s’en sortir. Afin d’aider les plus démunis, divers acteurs de l’économie sociale et solidaire cherchent des solutions concrètes. Et les mettent en œuvre.

Une parenthèse pour se reconstruire

À Charleville-Mézières, se trouve le seul centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) mutualiste de France. Géré par la Mutualité française des Ardennes, il accueille depuis 1995 des personnes en mal de logement. Des jeunes et des familles monoparentales principalement. Toutes ont en commun d’avoir connu un accroc dans leur parcours (surendettement, addiction, emprisonnement…), sans pouvoir compter sur leur entourage. Le passage au CHRS leur accorde un peu de répit, une pause dans leur histoire souvent compliquée, pour faire le point et pouvoir rebondir.

L’établissement propose à la fois un hébergement en logement collectif et en appartements individuels pour s’adapter à tous les profils, et dispose même d’une pension de famille. Près de 120 places au total, financées par les pouvoirs publics, dont certaines sont réservées aux situations d’urgence (pour des femmes victimes de violences conjugales par exemple).

Plus qu’un logement, le CHRS offre un soutien psychologique et un accompagnement social personnalisé. « Notre but n’est pas de garder les résidents le plus longtemps possible. Bien au contraire. Il s’agit plutôt de les aider à trouver une formation ou un emploi, afin qu’ils soient autonomes, explique la directrice Catherine Kolar. Et cela passe d’abord par une meilleure estime de soi. »

Faire avec, et non à la place

Même lorsque l’on dispose d’un toit, encore faut-il qu’il soit décent. Le réseau des Compagnons Bâtisseurs aide les plus précaires – qu’ils soient propriétaires ou locataires – à réaliser des travaux pour rénover leur appartement ou leur maison. Ce réseau, né à la fin des années 50, compte aujourd’hui dix antennes dans toute la France. Et sa démarche est originale. Les personnes aidées participent toujours aux travaux et sont aussi chargées de trouver des renforts bénévoles : amis, famille…

L’association essaie même d’organiser plusieurs chantiers au sein d’un même quartier. Ainsi, les uns travaillent chez les autres. « Nous leur fournissons l’appui technique et les matériaux, mais l’idée est vraiment de faire avec eux, et non à leur place, souligne Hervé Cogné, directeur de l’association nationale. Une façon de les valoriser et, par la même occasion, de recréer du lien entre voisins. »

Chaque opération est montée avec des partenaires qui identifient les familles et apportent un soutien financier. Et pour la mener à bien, l’association s’appuie sur ses salariés (dont certains sont en insertion) et sur des jeunes en service civique ou en service volontaire européen. En 2012, le réseau des Compagnons Bâtisseurs a réalisé plus de 900 chantiers de rénovation (et quelques-uns de construction). Un chiffre qui pourrait bien exploser dans les années à venir.

Être « comme tout le monde »

L’idée de la Banque solidaire de l’équipement (BSE) est, quant à elle, née d’un constat. Quand un ménage obtient un logement social après avoir quitté un hébergement temporaire ou un logement insalubre, il n’a pas pour autant les moyens de l’équiper. En 2012, Emmaüs Défi – entreprise d’utilité sociale, membre d’Emmaüs France – a donc créé la BSE, à Paris. Sur le même principe qu’une banque alimentaire, d’où son nom. L’objectif : récupérer des invendus auprès de la grande distribution ou de fabricants pour permettre aux personnes en difficulté de s’équiper à bas coût en meubles, vaisselle, électroménager, linge de maison…

Accompagnés par des travailleurs sociaux, les bénéficiaires peuvent choisir, dans un appartement-témoin, les produits dont ils ont besoin. « Le fait qu’il s’agisse d’équipement neuf, et non pas d’objets ayant déjà servi à d’autres, n’est pas anodin, insiste Vanessa Engel, responsable de la BSE. Ils ont le sentiment d’être comme tout le monde et d’aller acheter des meubles pour investir pleinement leur nouveau logement. »

Plus de 370 familles ont déjà bénéficié de la Banque solidaire de l’équipement depuis sa création. Mais non contente de répondre à un besoin, Emmaüs Défi crée aussi des emplois en insertion, pour gérer la logistique : préparation des commandes, livraison… Un modèle vertueux qui ne demande qu’à se reproduire, dans d’autres régions.

3,6 millions de personnes touchées

Chaque année, la Fondation Abbé-Pierre publie son rapport sur l’état du mal-logement en France. Une situation qui, selon l’édition 2013, concerne tout de même plus de 3,6 millions de personnes.

Parmi elles, un peu plus de 680 000 ne disposent pas de logement personnel : sans-abri, résidant chez des tiers, dans des habitations de fortune (cabanes, mobilhome…) ou encore dans des chambres d’hôtels. Et si les autres en ont un, celui-ci est sans confort, surpeuplé ou bien elles l’occupent de façon précaire, et risquent de le perdre à tout moment. Pour en savoir plus, lire le 18e rapport annuel de la Fondation.

« Certaines personnes vivent comme il y a 50 ans »

Le point de vue de Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation Abbé-Pierre.

La situation du mal-logement en France est plus qu’inquiétante (voir encadré sur le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre). Cela peut paraître incroyable et pourtant certaines personnes vivent, encore aujourd’hui, comme il y a 50 ans. Certes, si l’on se place du point de vue de ceux qui ont un logement, les conditions se sont nettement améliorées depuis un demi-siècle, mais les formes de mal-logement, elles, ont augmenté. Notamment ces vingt dernières années. Et un phénomène prend de l’ampleur : la précarité énergétique, qui pèse sur le budget et empêche de réaliser d’autres dépenses essentielles (alimentation, soins…). Avoir un logement stable et décent est pourtant primordial, car cela a clairement un impact sur la santé, l’emploi, la réussite scolaire des enfants ou encore la vie de famille.

La Fondation Abbé-Pierre aide les plus défavorisés et lutte contre le mal-logement. Elle a notamment créé, en 2009, la plateforme téléphonique Allô Prévention Expulsion qui informe, conseille et oriente au 0 810 001 505, du lundi au vendredi, de 14 h à 17 h (prix d’une communication locale). Plus de 7 300 ménages y ont déjà eu recours.

Pour en savoir plus

  • Centre d’hébergement et de réinsertion sociale de la Mutualité française des Ardennes
    57 rue Voltaire – 08000 Charleville-Mézières. Tél. : 03 24 58 26 27
    mail : chrs-voltaire@wanadoo.fr

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