Lutter contre l’illettrisme : un enjeu économique et social

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Par Angélique Pineau

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Réduire l’illettrisme dans notre pays serait bon pour l’économie et le bien-être des citoyens. Explications.

Environ 2,5 millions de personnes, qui ont été scolarisées en France, sont en situation d’illettrisme. Soit 7 % des 18-65 ans*. Et le niveau moyen des adultes français en lecture et en calcul est parmi les plus faibles des pays de l’OCDE**. « Ce constat sévère est préoccupant », indique l’organisme de réflexion France Stratégie dans sa note d’analyse consacrée à l’illettrisme, datant d’août 2015. Car ces difficultés nuisent forcément à l’insertion professionnelle. D’ailleurs, 10 % des demandeurs d’emploi et 20 % des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) sont en situation d’illettrisme*.

« Enjeu d’égalité et de cohésion sociale, la maîtrise des compétences de base est aussi un enjeu économique national. En plus d’accroître l’accès au marché du travail, elle favorise également la santé et l’engagement citoyen. Et à l’heure du numérique, elle est un levier crucial de développement économique », rappelle le rapport de l’organisme de réflexion.

 

Réduire l’illettrisme de moitié d’ici à 2025

Pour France Stratégie, il est donc nécessaire de diviser par deux le nombre d’adultes illettrés dans les dix ans à venir. Comment ? « Cela passe par l’affirmation d’un droit pour chaque individu à un socle minimum de compétences de base, et par un ensemble d’actions de prévention et d’accompagnement. » Pour y parvenir, l’organisme de réflexion estime qu’il faudrait consacrer chaque année 50 millions d’euros de plus qu’aujourd’hui à la lutte contre l’illettrisme. Soit un budget total de 210 millions d’euros par an.

France Stratégie recommande également une mobilisation générale de l’ensemble des acteurs (managers, partenaires sociaux, branches professionnelles…) pour identifier et accompagner les adultes concernés. Et des actions spécifiques pourraient être menées dans les secteurs les plus touchés (BTP, agriculture…). Et ce, afin de renforcer le recours à la formation.

 

Améliorer la productivité des entreprises

À l’échelle des entreprises aussi, lutter contre l’illettrisme peut s’avérer une bonne affaire. « Elles ont tout intérêt à s’attaquer à ce problème, à la fois pour le bien-être de leurs salariés et par souci de productivité », assure Pascal Moulette, maître de conférences à l’université de Lyon 2 (IUT Lumière-Coactis) et spécialiste de la gestion de l’illettrisme en entreprise. Car ce dernier a un coût, qui varie selon l’activité de la structure et la part de salariés concernés. Il peut être lié aux accidents du travail et à l’absentéisme qu’il génère, aux défauts de fabrication ou de qualité, ou encore aux erreurs dans les livraisons par exemple.

« Quand une personne ne peut pas lire un bon de commande ou une consigne de sécurité, cela entraîne nécessairement des risques et des pertes de temps à tous les niveaux. Sans parler des souffrances au travail. Et comme les écrits y sont de plus en plus présents, ce genre de difficultés ne peut que s’accroître », indique Pascal Moulette.

 

Formations : « un retour sur investissement »

Dans le cadre de ses recherches, l’universitaire accompagne des entreprises afin de repérer et de gérer les situations d’illettrisme, en leur montrant l’intérêt économique que cela représente. En moyenne, il estime qu’après une formation adaptée, une entreprise peut réduire le coût induit par les situations d’illettrisme de près de 70 %. « Il y a donc un véritable retour sur investissement. » Mais pour être efficaces, ces formations doivent être basées sur des situations concrètes de travail. Une pédagogie moins stigmatisante, plus motivante car éloignée de ce que les personnes ont pu vivre dans leur passé scolaire. Et qui redonne confiance.

* Enquête Information et vie quotidienne (Insee et ANLCI), réalisée en 2011.
** Enquête PIAAC de l’OCDE, publiée en 2013.

 

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