Muriel Robin : L’un m’a dit : « Mon père m’a frappé, mon grand frère m’a frappé. Ils ne voulaient plus jamais me voir, ils me disaient que je leur faisais honte ». Voilà ce qui se passe. Ces jeunes se retrouvent dehors, sans famille, sans rien. Souvent, ils doivent même interrompre leur scolarité ou leurs études. Et pourtant, ils n’ont fait de mal à personne. Ils sont juste différents. Et s’il n’y a pas le Refuge, ils se retrouvent dans la rue avec des mauvaises rencontres, le désespoir, la solitude… C’est abominable. Le Refuge leur permet d’avoir un toit, de côtoyer des personnes qui vivent la même chose et avec qui ils peuvent échanger. Ils sont respectés. On leur donne le temps de se retaper après des chocs physiques et psychologiques très violents. Ils « retomberont sur leurs pattes » mais il y aura des dégâts dans la construction de leur être.
M.R. : Être homosexuel, ce n’est pas un choix. Personne ne va se lever un matin en se disant : je vais choisir « homo ». On risque d’y laisser des amis, son travail, sa famille… C’est compliqué même si les choses ont bougé ces dernières années surtout pour les filles. C’est plus compliqué pour les garçons. Alors ces jeunes ont encore plus besoin d’amour, de soutien et que leurs parents leur disent : « Ça va être plus compliqué, même pour nous, mais puisqu’on t’aime on va te soutenir, on va être là ». Et finalement, c’est le contraire qui se passe, ils sont mis dehors. C’est insoutenable pour des gens qui n’ont rien fait.
M.R. : Je voudrais dire aux parents qu’ils essaient de se rappeler des choses qui leur sont arrivées et qui n’ont pas toujours plu à leurs propres parents : une rencontre, une fiancée… Mais ils n’avaient pas choisi, c’était cette personne qu’ils aimaient. Il faut toujours ramener à soi. On peut l’avoir en travers, je peux le comprendre. Ça ne va être facile ni pour lui ni pour vous. Mais c’est du dialogue. Vous pouvez lui dire : « On est là, laisse-nous le temps d’accepter l’idée ». On est tous différents, on ne va pas tous se ressembler sinon on va s’ennuyer à mourir. Il faut tendre la main. C’est de l’abandon sinon, on ne peut pas abandonner ses enfants. Il n’y a pas de honte à avoir un enfant homosexuel. Être homosexuel, c’est une nouvelle mais pas une mauvaise nouvelle. Est-ce qu’on préfère laisser son enfant seul avec sa différence ?
M.R. : L’équipe du Refuge, elle, est dans le concret avec le lieu, l’accueil. Moi je suis là pour les soutenir. Moralement et financièrement. Un exemple. Avec Carole Bouquet et Anne Le Nen, nous avons joué Les monologues du vagin un soir et le producteur a accepté que la recette aille au Refuge. Je suis aussi là pour dire à ces jeunes qu’ils ne sont pas seuls. Une personnalité qui vient les voir, ça vaut tous les mots. Et puis ils peuvent se dire : on a quelque chose en commun, elle peut nous comprendre. Comme s’il y avait une petite voix qui leur disait : « Alors mes parents ils jettent des cailloux sur Muriel Robin ? ». Comment on fait alors ? Un dimanche lors de la Manif pour tous, j’étais avec mon amie. Habituellement, on ne se tient jamais par la main. Là j’ai dit : on va se donner la main. Et c’était très drôle de voir les gens. Ils regardaient nos mains, ils faisaient non. Ils regardaient nos visages « ah bah, je l’aime bien, elle nous fait bien rire ». Maintenant, s’il faut être drôle pour être homosexuel…
M.R. : Oui, la société a bougé. Mais il y a encore du chemin. Des bénévoles du Refuge vont dans les collèges et les lycées pour lutter contre l’homophobie. Cela veut dire que l’on en parle, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans.
*LGBT : lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres
Le premier jeune a été hébergé en 2005 à Montpellier. En 2017, près de 300 jeunes l’ont été dans toute la France. Nicolas Noguier a créé l’association le Refuge en 2003. L’objectif ? Proposer une solution d’hébergement pour les jeunes LGBT rejetés par leur famille. À Montpellier où l’association est née, mais également dans une vingtaine de villes dont Bordeaux, Toulouse, Rennes, Strasbourg… Angers ouvrira en début d’année 2019. « Les jeunes sont logés la plupart du temps dans des appartements. En urgence, nous pouvons proposer des places dans des hôtels », explique Nicolas Noguier. L’association a également mis en place une ligne d’écoute 7j/7 et 24h sur 24 au 06 31 59 69 50. Les jeunes peuvent aussi se rendre dans les accueils de jour du Refuge pour des temps d’échange ou pour effectuer des démarches (recherche d’emploi, de logement…).
Je suis la maman d’une victime de violences faites par son compagnon. Les démarches pour sortir ma fille de l’enfer sont épuisantes et longues, mais je ne lâche rien.
Par le passé, ma fille s’est échappée, la police est intervenue, mais à douter ! Oui le doute .bien sur si ma fille était victime de violences, il suffisait de partir! Comme si ces femmes battues pouvaient choisir. Il y a tout un contexte : les hommes violents, « les pervers narcissiques » ou « vampires » comme le dit si bien monsieur Gérard Lopez, médecin psychiatre.
C’est un combat dur, difficile mais l’amour pour ma fille est plus fort que tout.
Nous vaincrons, mais imaginer les violences subies par ma fille c’est l’horreur absolue, il faut combattre au nom de toutes ces femmes qui n’en survivront pas car plongée dans la solitude, aidons-les.
Sandrine, une maman d’une jeune femme de 24 ans