Résilience : « Il y a un avant et un après la tragédie »

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Par Christine Roques

Temps de lecture estimé 3 minute(s)

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Puéricultrice à l’hôpital Lenval de Nice, Nadège Carletti a participé à la prise en charge des victimes lors de l’attentat du 14 juillet 2016. Elle nous raconte ce qui lui a permis de surmonter ce drame.

« L’hôpital Lenval est situé à l’entrée de la Promenade des Anglais. Dès les premières minutes de la tragédie du 14 juillet 2016, nous avons servi de poste médical avancé. Les premiers blessés nous ont été amenés sans délai, et sans prise en charge préalable. Nous sommes immédiatement entrés en action. Chacun a tenu son rôle, tous les soignants disponibles, même en congés, ont répondu présent. Dans ces moments-là, on ne réfléchit pas, on met de côté ses émotions pour ne laisser s’exprimer que son professionnalisme. C’est seulement lorsque ça s’arrête que l’on pleure.

Parmi les blessés figuraient plusieurs enfants, dans un état grave. J’enseigne la danse, c’est ma passion. Et cette nuit-là, j’ai vu arriver Amie, l’une de mes petites élèves. Malgré tous nos efforts, nous n’avons pas réussi à la sauver. Pour elle, pour ces autres enfants qui ont succombé ce 14 Juillet, pour ma résilience aussi, je n’ai pas pu me résoudre à les laisser partir comme ça, par la petite porte.

J’avais déjà organisé un événement lorsqu’une des écoles de danse de la ville avait été détruite par une inondation. Et l’idée s’est imposée d’offrir à Amie et à tous les enfants du 14 Juillet un spectacle en forme d’hommage.

 

« Unis dans une intense communion, nous avons dansé pour ces enfants »

Toutes les écoles de danse que j’ai contactées ont voulu participer. La Ville nous a ouvert les portes de l’Opéra. Unis dans une intense communion, tous vêtus de blanc, nous avons dansé pour ces enfants, pour que les applaudissements du public montent jusqu’au ciel. Pour que, d’une certaine façon, ils nous quittent par la grande porte.

Ce spectacle a, je l’espère, contribué à la résilience des uns et des autres, notamment celle des soignants. Ce que nous avons vécu, cette nuit du 14 Juillet, ne s’apprend pas dans les manuels. Si chacun a son propre ressenti, il est impossible d’en sortir indemne. Depuis, plusieurs infirmières ont quitté l’hôpital. On en parle entre nous, mais il est difficile de se départir d’une intense culpabilité, de regrets de n’avoir pas pu faire davantage.

 

« Je ressens le besoin d’écrire, ce que j’étais avant, ce que je suis devenue »

Pour nous, le 14 Juillet sera à jamais un jour différent des autres. Pour le premier anniversaire de la tragédie, j’ai organisé une journée massages et relaxation à destination de mes collègues. Je contribue à la mise en place d’ateliers d’art-thérapie – un souhait formulé par la maman d’Amie –, destinés à favoriser la résilience d’enfants souffrant de traumatismes. Et je ressens le besoin d’écrire, ce que j’étais auparavant, ce que je suis maintenant.

Au lendemain du drame, les témoignages de reconnaissance d’anonymes, nombreux, nous ont fait énormément de bien. Mais il y a un avant et un après, la résilience est un processus lent. Et j’ai encore aujourd’hui le sentiment qu’il faut en faire plus, pour ces enfants et pour tous les autres. »

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